On appelle ça l'agriculture de précision. De Saint-Laurent-du-Var à Tende dans les Alpes-Maritimes, des agriculteurs s'approprient les nouvelles technologies pour faciliter leur activité au quotidien, et relever de grands défis, comme la gestion de la ressource en eau.
Sur les hauteurs de Tende, Stephane Pelissero et sa femme Solange n'ont pas une minute à eux. Lui avec ses bêtes, elle a la fromagerie, ils gèrent 365 jours par an, seuls, leur troupeau de 70 vaches et veaux.
Ce jour-là, l'éleveur trouve malgré tout quelques instants pour nous faire devant sa ferme une démonstration du petit engin qu'il s'est offert il y a bientôt un an : un drone, acheté d'occasion pour 800 euros.
"C'est très maniable. Une fois qu'on l'a pris bien en main, c'est un jouet !" Un petit tour au-dessus des bâtiments et des vaches médusées, nous profitons de cette vue imprenable de l'exploitation que l'on peut suivre sur l'écran son smartphone.
Stephane s'amuse. Mais l'été, son drone n'a plus rien d'un gadget. Lorsque les vaches sont en estive, le drone est devenu un outil de travail qui lui a changé la vie.
L'estive sous surveillance
Car l'été, le troupeau passe plus de trois mois seul, sur l'alpage, à plus de deux heures de la ferme. Stephane nous montre cette vidéo prise de son taureau, dont l'état de santé lui causait du souci.
"Mon taureau était dans un endroit difficile d'accès. Ça m'aurait pris des heures d'y aller. Je lui ai envoyé mon drone. En 20 minutes, j'ai vu qu'il allait bien, qu'il était toujours au même endroit, j'étais rassuré".
L'été, Stephane Pelissero se sert de son drone tous les jours. L'alpage étant propriété de sa famille, il peut y faire voler son drone sans demander d'autorisation particulière. Il compte ses bêtes. Vérifie l'état de leurs réserves en eau, en sel. Et ne monte sur l'alpage que quand c'est nécessaire. Gain de temps estimé : trois matinées par semaine.
Sa femme Solange souligne un autre bénéfice : la tranquillité d'esprit. Pour ce couple d'éleveurs confronté à la menace du loup, ça n'a pas de prix. Par le passé, le prédateur leur a déjà pris trois bêtes.
"Avant, on montait tous les deux jours pour voir si elles allaient bien. Un jour sur deux, on était inquiets. Là, on peut vérifier tous les jours. C'est un véritable anti-stress face au prédateur. Et on peut se consacrer à autre chose."
Une formation de droniste par la Chambre d'Agriculture
Stephane et Solange se félicitent encore d'avoir participé à la première formation de droniste mis en place par la Chambre d'Agriculture des Alpes-Maritimes.
Manipulation et réglementation. La première promotion, diplômée en avril 2022, était également composée de maraîchers, de pépiniéristes. Des profils différents, avec des besoins très différents.
"Le drone permet de surveiller les toitures des serres, de scanner sa parcelle. Couplé à d'autres logiciels, il permet de vérifier l'irrigation, de surveiller s'il y a des ravageurs, de savoir s'il faut traiter. C'est vraiment l'outil de l'agriculture de précision, l'outil de demain", nous explique Nathalie Hellé, qui a mis en place cette formation pour le compte de la Chambre d'Agriculture.
Les images de drones constituent aussi un important outil de promotion de la production auprès du public. En témoigne cette vidéo postée par les pépinières Barelli à Cagnes-sur-mer, dont le responsable fait partie de la promotion 2022 :
Des capteurs pour mieux gérer la ressource en eau
L'agriculture 2.0 se joue aussi sous terre. Et permet de relever de grands défis, comme une gestion plus rationnelle de la ressource en eau.
Henri Garnier cultive 1600 citronniers en agriculture biologique dans la plaine du Var. L'année de sècheresse que l'on vient de traverser a fini de le convaincre d'investir 3000 euros dans une sonde qu'il a enfoncé dans le sol. Ces capteurs mesurent l'humidité du sol jusqu'à 60 centimètres de profondeur, en faisant le détail par tranche de 10 centimètres. Grâce à l'application qu'il a installée sur son smartphone, l'agrumiculteur peut suivre les besoins en eau de ses arbres, et y répondre avec précision.
"On est en hiver, et pourtant encore en période de sècheresse. Comme il n'a pas plu depuis deux mois, j'aurais eu tendance, pour garder les fruits bien juteux, à remettre un peu d'eau. Avec la sonde, on s'aperçoit que ce n'est nécessaire. La courbe descend, mais on ne manque pas d'eau", explique Henri Garnier.
Sur l'année, cet agriculteur estime avoir économisé 15% d'eau, puisée en moins dans la nappe phréatique.
Et les potentialités de ce type de sonde vont beaucoup plus loin. Jean-Luc Belliard, chef du pôle Eau et Environnement à la Chambre d'Agriculture des Alpes-Maritimes, milite pour que leur utilisation se développe :
"On pourrait envisager des sondes qui mesurent plusieurs paramètres : l'humidité, le pH, c'est-à-dire l'acidité des sols, le taux d'engrais. Tout ça, ça existe déjà." On comprend bien l'utilité pour limiter la pollution.
L'enjeu c'est la préservation des nappes phréatiques, tant en volume qu'en qualité.
Jean-Luc Belliard, chef du pôle Eau et Environnement, Chambre d'Agriculture 06
Jean-Luc Belliard espère aujourd'hui que les communes et leurs services des espaces verts vont aussi s'intéresser à ce type d'outil technologique.
"Les agriculteurs savent que l'eau est un bien commun. Ils ont l'habitude de gérer la ressource. Les espaces verts, moins... Et là, il y a des économies significatives à faire. Et il va falloir les faire, car on ne dispose plus des quantités que l'on avait il y a quelques années".
« L’agriculture : le vivant au quotidien ! »
Formation et pratique du métier, recherche pour de nouvelles agricultures ou pour un meilleur respect de l’environnement et de la nature, ces sujets seront au cœur du Salon International de l’Agriculture qui débute à Paris ce samedi 25 février.
"Dans ce monde en transitions -énergétiques, écologiques, sociétales, les agriculteurs sont les sentinelles du vivant. Ils ont à cœur de bien faire, de rester au contact du réel" rappelle Jean-Luc Poulain, agriculteur et président du SIA. Le thème 2023 est "L’agriculture : le vivant au quotidien !"