Les chemins de Compostelle peuvent faire rêver plus d'un marcheur notamment sur la Côte d'Azur où passe l'une des routes. Mais après des révélations dans la presse de cas de harcèlement et d'agressions sexuelles, les pèlerins azuréens disent leur étonnement autour de ce qui n'a "jamais vraiment été un sujet".
Un défi sportif, une quête spirituelle, des découvertes patrimoniales... Les motivations sont multiples pour les centaines de milliers de pèlerins qui s'élancent sur les routes de Saint-Jacques-de-Compostelle chaque année.
En 2023, ils étaient plus de 440 000. Mais dans certains cas, il semblerait que l'expérience puisse virer au cauchemar.
Un article du Guardian publié le 11 novembre dernier et traduit par Libération, énumère des cas de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle de femmes vécues sur les chemins de Compostelle. Des agressions qui se sont déroulées, en Espagne, au Portugal, mais aussi en France comme dans les Pyrénées-Atlantiques. Le tout associé à un climat d'insécurité dans les chemins isolés.
Difficile d'estimer l'ampleur du phénomène faute de données précises. Mais des associations se mobilisent pour sécuriser au mieux l'expérience des pèlerins sur les routes. À l'image du GR 653 A, aussi appelé Voie Aurelia, une ancienne voie romaine qui permet de relier Menton à Arles où commence la route principale, en passant par la côte via Mandelieu, Fréjus, ou encore Brignoles.
Un tronçon sur lequel les bénévoles les Amis des chemins de Compostelle et de Corse veillent. Ces passionnés distillent conseils et recommandations pour rendre l'aventure sereine.
À Nice, on estime qu'il faut "être vigilant, mais pas parano"
À la réunion niçoise mensuelle des Amis des chemins de Compostelle et de Rome, section Alpes-Maritimes, les révélations sur ces comportements en ont surpris plus d'un. "Je suis tombé des nues quand j'ai lu l'article ce matin", raconte Xavier O'Jeanson, le président de l'association.
"Le sujet des agressions, je ne l'aborde pas, on ne me pose que très rarement la question, en 10 ans que je suis dans l'association, c'est arrivé une fois, c'était la mère d'une jeune femme qui s'inquiétait pour sa fille", poursuit-il.
Éric, l'un des pèlerins présent à la réunion, est également très étonné que le phénomène existe. Mais pour lui, qui a déjà fait plusieurs morceaux du chemin, "c'est comme partout, il faut être vigilant sans être parano", estimant qu'il y a finalement "plus d'aide qu'autre chose".
Même son de cloche pour Michèle, qui est déjà partie sur des portions de la route de Compostelle à trois reprises et qui assure n'avoir jamais rencontré le moindre problème : "On part seule, mais en réalité, on n'est jamais seule, on croise du monde sur le chemin, on rencontre des gens dans les gîtes". Cette année, elle a tout de même eu pour la première fois une petite appréhension "à cause de ce qu'on peut entendre".
À un moment, je me suis un peu perdue, je me suis retrouvée seule le long d'une voie ferrée et là j'ai repensé à cette appréhension, mais c'est tout.
Michèle,pèlerine vers Saint-Jacques-de-Compostelle
Des dispositifs de prévention
Des dispositifs sont tout de même mis en place par les associations de pèlerins pour limiter les risques, comme "la chaîne d'accueil", un réseau d'hébergements bénévoles partenaires. Ces derniers sont accessibles uniquement pour les Jacquets munis d'un carnet de pèlerin (une crédencial).
Les établissements tamponnent le document pour attester l'identité du marcheur, réaliser un suivi et éviter les personnes mal attentionnées.
Pour accéder à cette liste d’hébergements bénévoles, les jacquets contactent au préalable, la confrérie responsable du territoire, qui cette dernière lui ouvre "la chaîne d'accueil". L'association met aussi à disposition une liste d'hébergement payant le long des chemins ou religieux, selon les préférences des marcheurs.
Le président de la section Paca des Amis des chemins de Compostelle et de Rome, Marc Ugolini, dit comprendre que les femmes seules puissent s'inquiéter, "mais les gens ne sont en réalité jamais complètement isolés. Certaines femmes préfèrent parfois être accompagnées pour cette raison, mais c'est très marginal, ça n'a jamais vraiment été un sujet", détaille-t-il.
Un groupe WhatsApp existe au sein de l'association pour "s'entraider", car il est parfois compliqué de trouver un accompagnateur pour les femmes qui le souhaitent : "il faut quelqu'un qui veuille le faire au même moment, dans les mêmes circonstances et il faut bien s'entendre", explique Marc Ugolini.
Plusieurs autres communautés solidaires existent sur les réseaux sociaux pour les femmes voyageant seules.
Elles peuvent trouver une camarade de route pour cheminer ensemble comme Camigas, ou des conseils, à l'image de Compostelle : quand on est une femme. Enfin, une application dédiée aux pèlerins a été développée. Nommée Camino Santiago, elle recense les cartes, centre d'urgences, hébergements à proximité, ainsi que la météo.