Arrivé en tête lors des élections législatives en Italie ce dimanche 25 septembre, Fratelli d'Italia, le parti d'extrême-droite mené par Giorgia Meloni, prône notamment un "blocus naval" en Méditerranée pour limiter l'afflux de migrants.
"Ils laissent entrer des milliers de migrants pour que les hommes aillent vendre de la drogue et que les femmes se prostituent", les propos de Giorgia Meloni, leader du parti post-fasciste Fratelli d'Italia lors de ses meetings de campagne, donnent le ton.
En opposition complète avec les précédents dirigeants italiens, et notamment l'ancien président du conseil Mario Draghi, et avec les institutions européennes, celle qui a mené la coalition de droite à la victoire aux législatives prône un grand virage dans la politique migratoire de l'Italie.
Les résultats du scrutin de ce dimanche 25 septembre devraient en effet laisser à Giorgia Meloni les coudées franches si elle devenait la première femme présidente du Conseil. Fratelli d'Italia, le parti d'extrême droite qu'elle dirige, est arrivé en tête avec près de 26,5% des voix.
La coalition des droites, avec la Ligue de Matteo Salvini, et Forza Italia de Silvio Berlusconi pourrait totaliser environ 43% des voix, et décrocher ainsi la majorité absolue des sièges au Parlement.
Invité de la matinale de France Bleu Azur ce lundi, Laurent Mérengone, conseiller régional Sud Paca de la droite populaire, se réjouit de ce succès électoral en Italie. Selon lui, ces résultats auront un impact direct sur la situation à la frontière franco-italienne :
Giorgia Meloni est une souverainiste qui veut stopper l'immigration donc ce sera positif pour la France puisqu'on sait très bien que le flux d'immigration vient essentiellement de l'Italie. On l'a vu lorsque Salvini était ministre de l'Intérieur déjà.
Laurent Merengone, Conseiller régional RN - Droite populaireFrance Bleu Azur
Un projet de "blocus naval" pour stopper l'afflux de migrants
Sur le fond, la ligne de Giorgia Meloni sur la question migratoire s'est imposée comme coeur du programme de la coalition des droites. Elle prône un "blocus naval" pour stopper le débarquement massif de bateaux de migrants sur les côtes italiennes. Reprenant ainsi une direction dans laquelle Matteo Salvini, alors ministre de l'Intérieur, avait échoué en juin 2018.
Entre temps, les arrivées de migrants sur les côtes transalpines sont reparties à la hausse. Selon le site italien L'Espresso, 45 664 personnes ont été débarquées en Italie entre le 1er et le 11 août 2022, en augmentation de 40,3 % par rapport à la même période l'année dernière.
Dans ce contexte, la coalition des droites prévoit la "création de hotspots dans les territoires non européens pour évaluer les demandes d'asile". L'Algérie, la Libye et la Tunisie seront appelées à créer des centres de migrants sur leur territoire, des centres qui seront gérés par du personnel européen.
Avant une "répartition équitable" des personnes dont le droit à la migration sera reconnu entre les 27 États membres.
Vintimille dans l'attente
La commune de Vintimille, à la frontière franco-italienne, est confrontée depuis des années à un afflux de migrants qui espèrent poursuivre leur route côté français via les Alpes-Maritimes. Ce lundi matin, à l'heure du café, des habitants débattaient autour de la Une de la Stampa : "L'Italia va a destra" ("L'Italie vire à droite").
Si certains se disent "horrifiés" par ce virage à droite, d'autres ne cachent pas qu'ils attentent un changement positif de l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni. Un changement dans leur quotidien :
L'Italie change ! Regardez dans le jardin public, là-bas, combien il y a d'étrangers qui dorment. Nous, on ne peut même plus emmener nos enfants jouer. Il faut faire quelque chose, sinon ce n'est pas possible.
Michel, un habitant de Vintimille
En 2019, les électeurs de Vintimille avaient élu un maire soutenu par la Ligue du Nord de Matteo Salvini, espérant de lui une position ferme sur la question migratoire.
Gaetano Scullino a été démis de ses fonctions en juillet dernier après une série de démissions au sein de sa majorité, et la ville est depuis sous administration préfectorale. Alors aujourd'hui, bon nombre d'habitants expriment leurs espoirs de voir le nombre de migrants diminuer dans leurs rues à la faveur d'une nouvelle politique nationale.
A deux pas de la gare de Vintimille, se situe le centre de l'association Caritas. Ici, sont pris en charge des migrants qui arrivent sans cesse, complètement démunis, après avoir traversé l'Italie.
Contre vents et marées, Christian Papini, le responsable du site, ne veut pas s'inquiéter outre mesure quant au sort réservé aux nouveaux arrivants :
Les solutions qu'ils donnent, ce ne sont pas des solutions. Ce sera peut-être plus difficile à gérer. Quand Salvini était au pouvoir, ça a créé beaucoup de confusion. Mais je crois que ça ne va pas changer grand-chose. On ne peut pas arrêter les gens.
Christian Papini, responsable du centre d'accueil Caritas à Vintimille
Côté français, David Nakache, l'emblématique président de l'association Tous citoyens !, très engagé dans l'accompagnement des migrants, se montre moins optimiste quant aux conséquences de l'arrivée au pouvoir de la coalition de droite sur la situation à la frontière mentonnaise.
"Beaucoup de partisans d'une France dure, de droite ou d'extrême droite, souhaitent qu'on reconduise à la frontière les migrants en situation irrégulière. Sauf que quand ils sont passés par l'Italie, il faut l'accord de l'Italie. Si l'Italie refuse, on va avoir un blocage, des familles en centre de rétention avec des enfants qui devraient être scolarisés, soignés. Ils risquent d'être ballottés au gré des décisions des deux pays", s'inquiète David Nakache.
Sur ce point, le maire LR de Menton, Yves Juhel, a exprimé sa position dans un communiqué ce jour : "L’Italie est et reste un Etat de droit, par conséquent je n’imagine pas que le futur gouvernement s’affranchisse des accords internationaux qui lient nos deux pays."
Le militant David Nakache en est moins sûr :
Des personnes bloquées à la frontière, qui ne peuvent pas être renvoyées en Italie et qui restent dans un no man's land. Des personnes bloquées en mer, qui ne pourront pas accoster. Nous sommes face à une posture extrêmement dure. (...) C'est une atteinte au droit d'asile, qui est un droit fondamental, puisqu'ils veulent empêcher les personnes de venir déposer une demande d'asile en Europe.
David Nakache, président de l'association Tous citoyens !
En filigrane, la question des relations entre l'Italie et Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Depuis le départ de son ancien directeur partisan d'une ligne dure, Frontex a amorcé un assouplissement de sa mission, plus humaniste, renouant avec les ONG en Méditerranée.
Le nouveau gouvernement italien aura toute légitimité pour revenir, s'il le veut, sur le mandat qui le lie à Frontex.
Il peut le faire à tout moment. La question, pour l'heure, reste en suspend.