Menton : on vous raconte l'histoire de ces 9 Français qui ont tenu tête à l'armée italienne en juin 1940

Dans cette casemate de 34 mètres carrés, les conditions de vie étaient spartiates. Mais les Français ont tenu bon, au-delà même de l'armistice signée avec l'Italie. Aujourd'hui, le lieu n'est plus ouvert au public pour des raisons de sécurité.

C'est un bâtiment devant lequel passent beaucoup d'automobilistes sans vraiment l'apercevoir, en partie caché derrière la tonnelle blanche et les véhicules de la police aux frontières (PAF). Et, pourtant, il représente une partie de l'histoire française.

Exceptionnellement - car le lieu a été fermé au public il y a plusieurs années -, la PAF nous a autorisés à pénétrer dans la casemate Saint-Louis de Menton (Alpes-Maritimes).

Nous allons vous raconter l'histoire de neuf militaires français qui ont tenu leur position pendant plusieurs jours face à des milliers d'hommes italiens pendant la Seconde Guerre mondiale.

Derrière la lourde porte d'entrée...

Nuit du 10 au 11 juin 1940. L'Italie de Mussolini déclare la guerre à la France. Dans les jours qui suivent, les villages français frontaliers subissent les attaques italiennes. Certains sont évacués. "Les ponts ferroviaires sont dynamités, pareil pour les ponts routiers entre Menton et Roquebrune-Cap-Martin", précise Jean-Claude Volpi, auteur du livre Menton et Roquebrune, un destin partagé - 1939 à 1945.

Au niveau du pont Saint-Louis, sous le commandement du sous-lieutenant Gros, les chasseurs alpins du 96e bataillon alpin de forteresse (BAF) se relaient dans cet avant-poste construit en 1932.

Un lieu de vie spartiate de 34 m² qui a coûté 0,34 million de francs de l'époque. Une fois la lourde porte d'entrée déverrouillée, "un couloir long d'une douzaine de mètres, large de 80 centimètres et haut de 1,70 mètre conduit à la chambre de tir", détaille le ministère des Armées.

Dans la chambre de tir, les militaires avaient à leur disposition deux fusils mitrailleurs 24/29, un canon antichar de 37 mm modèle 1934 et des mitrailleuses Reibel. "Compte tenu de la proximité de la frontière et du champ de tir réduit (6 mètres de large et 10 mètres de long), le canon est toujours resté dans le créneau et le jumelage de mitrailleuses n'a jamais servi", poursuit le ministère français sur son site internet.

Conditions de vie spartiates

Dans une petite pièce de 2 m² face à l'entrée du bunker, une drôle de machine rouge avec des pédales.

C'est un système de ventilation doté d'une boîte filtrante. Les militaires devaient en effet pédaler pour permettre le renouvellement de l'air.

Les hommes dormaient au sol sur des paillasses ou dans des hamacs mais ce n’était pas pratique pour circuler dans le couloir.

Christian Fiquet-Albin, président de l'association Amicorf

"Seulement deux hommes dormaient, pendant environ 2h30-3h. Les autres restaient en fonction, car il fallait que la casemate soit vivante en permanence pour surveiller et pour filtrer l’air", poursuit Christian Fiquet-Albin, le président de l'association Amicorf. C'est elle qui a restauré le lieu et y organisait autrefois des visites.

"Ils avaient très peu de nourriture, c’était l’équipage du cap Martin qui venait la nuit leur apporter un peu de soupe, un peu d’eau", poursuit Christian Fiquet-Albin, le président de l'association Amicorf. "Leurs besoins, ils les faisaient dans des boîtes et, la nuit, ils allaient à la porte d’entrée et les jetaient dehors par le créneau de tir."

9 Français face à des milliers d'Italiens

C'est dans ces conditions que les chasseurs alpins vont tenir la position face à plusieurs milliers d'Italiens répartis dans les lignes arrière de l'autre côté de la frontière. Le 20 juin, ils font même fait face à un assaut de plus de 200 ennemis.

Dans leur défense, les Français laissent en place une barrière anti-chars de 7 mètres de long positionnée sur un rail. Suffisant pour stopper l'agresseur.

Les Italiens n’ont que des petits chars légers stockés à Latte.

Jean-Claude Volpi

Ce dispositif est complété avec "un champ de mines, soit deux rangées de 6 trous dans lesquels prennent place des piquets Ollivier (obus de 105 mm surmontés d'un piquet en acier)" et "des barbelés", détaille le ministère des Armées.

Le 20 juin 1940, les Italiens occupent la baie de Garavan et une partie de la baie ouest de Menton. Dans la nuit du 24 au 25 juin 1940, à 00h35, l'armistice signée par Pétain et le vainqueur Mussolini entre en vigueur. Mais l'information n'arrive pas jusqu'à la casemate. Car les liaisons radio et téléphone avec le cap Martin ne fonctionnent plus depuis que les soldats ont fait sauter la route à proximité du fortin le 10 juin.

L'équipage cité à l'ordre de l'armée

"Ils ont continué à protéger le territoire et à tirer sur les Italiens", continue Christian Fiquet-Albin. Au total, les chasseurs alpins "ont tenu 15 jours".

Seuls, ils ont tenu tête. Grâce à eux, les troupes italiennes n’ont pas réellement envahi Menton.

Christian Fiquet-Albin

À 6 heures du matin, "les Italiens essaient de lever la barrière du pont. Une rafale les dispersera", détaille le site WikiMaginot. "À 7h30, cinq cyclistes viennent par la route, côté France. Une nouvelle rafale les couche au sol."

À 8h45, un immense drapeau blanc apparaît. 7 à 8 officiers et 250 hommes armés s'avancent. Le sous-lieutenant Gros décide de sortir seul et interpelle le chef, un colonel de Génie. Celui-ci annonce la signature de l'armistice. Le sous-lieutenant Gros, perplexe, l'invite à se retirer et menace d'ouvrir le feu. Les Italiens finissent par céder.

WikiMaginot

La situation perdurera pendant deux jours, avant que les Français ne se retirent du lieu. L'ouvrage sera ensuite utilisé par la propagande du régime italien. "Ils diront qu'ils ont réussi à prendre le fortin", raconte Jean-Claude Volpi. "Ce périmètre sera déclaré zone sacrée. Des graffitis 'Vive le Roi' et 'Vive les héros' seront écrits sur la casemate."

Quant aux neuf chasseurs alpins français, le sergent Bourgoin, le caporal Lucien Robert, les alpins Gaston Chazarin, Marcel Guzzi, Nicolas Petrio, André Garon et Paul Lieutaud, l'adjudant Gouez et le sous-lieutenant Charles Gros, ils seront cités à l'ordre du corps d'armée.

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