"Rien que d'y penser, ça glace le sang" : au camp d'Auschwitz-Birkenau, des collégiens de la Côte d'Azur face à l'Histoire

Dans le cadre des "Voyages de la mémoire", des élèves de troisième de différents établissements scolaires des Alpes-Maritimes se sont rendus en Pologne ce mardi 28 mars. Ils ont vécu l'éprouvante expérience de la visite des camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz et de Birkenau.

Ils avaient rendez-vous avec l'Histoire. Lors d'un voyage éclair d'une journée ce mardi 28 mars, environ 140 collégiens des Alpes-Maritimes se sont rendus en Pologne. Ils ont d’abord visité le camp de Birkenau dans la matinée, puis celui d’Auschwitz l’après-midi.

Ces élèves de troisième provenaient des collèges Notre-Dame de la Tramontane, Saint-Philippe Néri et La Fontonne d’Antibes, Joseph Pagnol et Saint-Exupéry de Saint-Laurent-du-Var, ainsi que Saint-Hilaire et les Jasmins de Grasse.

Un lieu lourd de sens

La visite commence dans le froid et sous la neige. Par petits groupes, les collégiens se déplacent dans le camp, entre les différents bâtiments. L'air grave, ils écoutent attentivement les explications des guides. Ils pénètrent dans les baraquements, observent les dortoirs ou les latrines. Certains prennent des photos. 

De petits films documentaires retraçant la montée du nazisme et l’apparition des camps d’extermination leur sont proposés. Vient ensuite un temps de recueillement devant des stèles commémoratives, lors duquel des élèves récitent dans un silence religieux des textes qu’ils ont écrits spécialement pour l'occasion.

Devant les chambres à gaz, les questions.

Ce n’est pas humain. C’est incompréhensible. Comment est-ce possible d’en être arrivé là ? Tout ça parce qu’ils sont différents ou qu’ils ne pensent pas la même chose que nous

Louane

Son amie Love-Rose est également sous le choc : « je me demande comment des gens ont pu participer à ça. C’est inimaginable. C’est vraiment très très marquant, on n’arrive pas à comprendre comment ils ont pu faire ça. Rien que d’y penser, ça glace le sang, c’est insupportable ».

Un devoir de transmission

Sur un mur sur lequel sont écrits des noms de déportés, Lilou cherche celui de son arrière-arrière-grand-mère. « C’est quelque chose qui me touche beaucoup. De venir ici, ça me fait un peu réaliser ce qu’il s’est passé », confie la collégienne.

« Moi, ce sont les photos et la trace humaine qui m’ont le plus marqué. On peut voir des photos qui sont choquantes, de personnes dénudées, maigres et sous-alimentées par exemple. J’ai du mal à me rendre compte, sachant que ce n’est finalement qu’une petite partie de cette extermination, même si ça reste terrible à voir. Je pense qu’on en n’a pas la même image une fois qu’on est passé par les camps. Ca modifie notre regard. Je pense que c’est à faire au moins une fois dans sa vie », témoigne Dimitri.

Daniel accompagne les collégiens pour cette journée. Enfant, il a été caché pour échapper au camp d’Auschwitz. Sa famille n’a pas eu cette chance. « Mon père a été déporté le 17 juillet 1942, par les premiers convois. Il a passé trois ans ici. Quand il est revenu, il pesait 30 kilos. C’était un fantôme. C’était un squelette. Il ramassait les miettes de pain qu’il y avait sur la table, parce que des miettes de pain c’était un jour de survie », raconte-t-il. Daniel éprouve une certaine fierté de voir les jeunes adolescents maralpins au camp d’Auschwitz-Birkenau : "bientôt il n’y aura presque plus de rescapés, alors j’espère que tous ces jeunes seront les « témoins des témoins »".

La visite s'achève. Leur guide donne les dernières explications au grand air de l'extérieur des baraquements.

Ici, il n’y avait pas un brin d’herbe. Tout était piétiné, il n’y avait que de la boue. Et le silence qui s’impose aujourd’hui n’existait pas. Il y avait un bruit infernal : les hurlements, les aboiements des chiens, les ordres des Allemands…

Une guide

En effet, aujourd’hui, l’herbe est verte. « Lorsque l’on visite le site de nos jours au printemps, au mois de mai par exemple, c’est bucolique. Il y a des tapis de fleurs partout », décrit-elle, laissant entrevoir un brin de lumière dans ce lieu où les pires atrocités de l’espèce humaine ont été commises.

Auschwitz, l'enfer sur terre 

Le camp d'Auschwitz-Birkenau, visité par les collégiens azuréens, était un complexe de 40 camps de concentration et d'extermination. Il est devenu le centre du génocide perpétré par les nazis. Pendant quatre ans et demi, 1,3 million de personnes y ont été envoyées, en réponse à la « Solution finale » voulue par Hitler à la question juive.

Ce site, créé en avril 1940, s'étend sur quelque 200 hectares. Il fut le premier camp d'extermination. A Auschwitz, jusqu'à 20.000 personnes pouvaient perdre la vie en une seule journée. Plus d’un million de personnes y ont été massacrées jusqu'en janvier 1945.

Sur les près de 76.000 Juifs qui ont été déportés de France - dont plus de 11.000 enfants - près de 69.000 d’entre eux ont été déportés à Auschwitz. D'autres ont été emmenés dans d'autres camps : près de 900 à Kaunas, plus de 2 000 à Majdanek et plus de 2 000 à Sohibor. De tous ces déportés, 2 500 seulement sont revenus, soit 3 % d’entre eux

Les « voyages de la mémoire »

Dans le but de promouvoir le travail de mémoire des jeunes azuréens, le département des Alpes-Maritimes met en œuvre, depuis 19 ans, des "Voyages de la mémoire" sur les sites tristement célèbres d’Auschwitz et de Birkenau, en Pologne. Ils sont organisés dans le cadre du "Plan d’actions départemental pour le respect des valeurs républicaines et citoyennes auprès des jeunes".

Chaque année, quatre voyages sont organisés. Ces déplacements d’une journée mobilisent chacun près de 200 personnes, accompagnateurs compris. À chaque fois, un avion est affrété par le département. Les élèves, en classe de troisième pour la plupart, sont sélectionnés par leurs établissements sur la base d’une lettre de motivation.

En 19 ans, 94 voyages de la mémoire ont été organisés. Les 93 collèges publics et privés des Alpes-Maritimes y ont participé. Plus de 17 000 collégiens ont ainsi été confrontés à l’horreur des camps. Pour témoigner et rendre compte de leur expérience, ils sont invités à livrer leurs ressentis et impressions dans des exposés, expositions, photos, montages vidéo, textes en prose, poèmes ou dessins.

Pour l'année scolaire 2022/2023, huit voyages sont programmés pour 60 établissements et 1 200 élèves concernés. Ces visites sont préparées en amont dans les collèges à travers de multiples activités : rencontres avec d’anciens déportés ou enfants cachés, projection de films comme Nuit et brouillard, séances de travail sur cette période historique...

Une visite mémorielle pour chaque élève français

Si cette initiative existe depuis l'année 2003 dans les Alpes-Maritimes, tous les élèves français devraient prochainement faire la visite d'un lieu de mémoire. C'est en tout cas le souhait qu'a formulé la Première ministre Elisabeth Borne le lundi 30 janvier 2023, lors de l'annonce d'un plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. 

Selon elle, confronter les jeunes générations à l'histoire de leurs aînés est primordial. "L’enseignement joue un rôle clé, mais pour changer les mentalités, il faut voir et se rendre compte par soi-même. Une visite d’un lieu historique mémoriel, en lien avec le racisme, l’antisémitisme ou l’antitsiganisme sera organisée pour chaque élève durant sa scolarité", a expliqué la Première ministre. 

Son plan comporte "80 mesures, dont le premier défi est de regarder la réalité du racisme et de l’antisémitisme en face et de ne rien céder aux faussaires de l’Histoire qui réécrivent notre passé en oubliant ou déformant certaines pages ». « Nous devons faire connaitre notre histoire, dans ses heures les plus nobles comme dans ses pages les plus sombres", a poursuivi Elisabeth Borne à la tribune de l'Institut du monde arabe, à Paris.

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