Depuis 20 ans, des visites mémorielles pour lutter contre les discriminations sont proposées aux élèves des Alpes-Maritimes

Ce lundi 30 janvier, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé un plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. 80 mesures y sont proposées, dont "la visite d’un lieu historique mémoriel". Une initiative bien connue des élèves des Alpes-Maritimes.

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L'annonce de la Première ministre, ce lundi, d'un nouveau plan national pour lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine s'appuie notamment sur une mesure phare, bien connue des collégiens azuréens.

L'exécutif souhaite voir chaque élève effectuer un voyage mémoriel au cours de sa scolarité.

Pour Elisabeth Borne, c'est un devoir que de confronter notamment les jeunes générations à l'histoire de leurs aînés. Ce plan, qu'elle a annoncé, comporte "80 mesures, dont le premier défi est de regarder la réalité du racisme et de l’antisémitisme en face et de ne rien céder aux faussaires de l’Histoire qui réécrivent notre passé en oubliant ou déformant certaines pages". 

"Nous devons faire connaitre notre histoire, dans ses heures les plus nobles comme dans ses pages les plus sombres" a-t-elle ensuite expliqué à la tribune de l'Institut du monde arabe, à Paris.

Eduquer au plus jeune âge

Pour sensibiliser enfants et adolescents, une période durant laquelle "les stéréotypes peuvent s’installer", et où "certaines théories du complot foisonnent", la Première ministre a mis en avant une mesure principale, celle de la "visite d’un lieu historique mémoriel" en lien avec le racisme, l'antisémitisme ou l'antitsiganisme ( renvoie à l’hostilité, aux préjugés et au racisme envers les Roms et la communauté gitane).

L'exécutif compte ainsi s'appuyer sur l'Education nationale pour lutter contre préjugés, actes et discours discriminatoires. 

C’est bien dès le plus jeune âge que la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations se joue.

Elisabeth Borne, Première ministre.

"L’enseignement joue un rôle clé, mais pour changer les mentalités, il faut voir et se rendre compte par soi-même. Une visite d’un lieu historique mémoriel, en lien avec le racisme, l’antisémitisme ou l’antitsiganisme sera organisée pour chaque élève durant sa scolarité" a poursuivi la Première ministre. 

Le Département des Alpes-Maritimes précurseur

En 2003, à l’occasion de la commémoration des 60 ans de la Shoah, le Département des Alpes-Maritimes a entrepris la création d’un programme : "Les Voyages de la Mémoire"A cette époque, c'est une classe par collège qui s'est rendu en voyage mémoriel en Pologne.

Pour Eric Goldinger, le directeur adjoint à l'Education, la Jeunesse et les Sports, au Département des Alpes-Maritimes, ce dispositif a été précurseur, "tous les présidents et l’assemblée l'ont toujours voté à l’unanimité", car les élus en ont pris conscience avant les autres dans ce département."

Il a permis à près de 17.000 élèves azuréens et environ 3000 accompagnants de se rendre dans ces lieux où l'horreur s'est industrialisée, à Auschwitz-Birkenau, ou toute humanité a succombé.

Ce site, créé en avril 1940, s'étend sur quelque 200 hectares. Il a été le premier camp d'extermination où jusqu'à 20.000 personnes pouvaient perdre la vie en une seule journée. Plus d’un million de personnes y ont été massacrées jusqu'en janvier 1945.

Ce sont 94 de ces voyages qui ont été organisés en l'espace de 20 ans, malgré quelques-uns mis en suspens ou reportés à cause de la pandémie de Covid-19. Chaque année, 4 voyages sont organisés et concernent un tiers des collèges maralpins.

90% de ces morts étaient des juifs européens, provenant des pays ou territoires conquis par l'Allemagne nazie. C'est ici qu'ont péri aussi des opposants politiques, et minorités ethniques ou homosexuels.

En 2019, une équipe de France 3 Côte d'Azur composée de Nathalie Layani et de Benoit Loth, était allée sur place, accompagnant une élève, victime d'antisémitisme dans son établissement, qui y avait retrouvé la photo d'un de ses ascendants.

Comment se déroulent ces voyages ?

Au collège Fersen d'Antibes, c'est toute une classe qui est allée plus récemment, en décembre 2022. Un voyage qui s'effectue en une journée pour les élèves, un aller-retour effectué en avion, privatisé par l'institution maralpine. Sur place, des guides prennent en charge les visites. 

"Le Département paye le voyage pour 20 élèves par établissement. Le premier questionnement est 'comment les choisir ?'" explique une professeure de ce collège antibois qui est allée sur place, avec sa classe de troisième. En participant à ces voyages, ils s'engagent à le restituer à leurs camarades, par des photographies ou divers travaux.

Une démarche pédagogique qui est complexe "car il faut avoir eu le temps de voir certaines leçons. Et comme on a un programme chronologique, il faut avoir vu la Première Guerre mondiale, les années 1930, avec justement la montée des fascismes, et on arrive à la Deuxième Guerre mondiale, et donc au processus génocidaire. Il a fallu pour moi accélérer ou déprogrammer certaines choses par rapport à d'habitude, et je suis partie sur un projet 'classe'. Cela permet de ne pas sélectionner et de partir avec ma classe, dont je suis la professeure principale." 

Ce sont près de 2000 juifs qui ont été enfermés puis déportés en Pologne, en 2022. 

Dans le Sud de la France, des milliers de personnes ont d'abord été réunies à Aix-en-Provence avant de rejoindre la Pologne occupée et Auschwitz-Birkenau. "L'idée est qu'après tout cela, on arrive à une mise en commun de cette expérience, dans un camp d'extermination lointain, et de le mettre en lien avec un camp d'internement français qui était tenu par le Régime de Vichy, et d'interroger tout cela sur un temps un peu long."

Pour beaucoup de ces élèves, cette partie de l'histoire de l'Europe est parfois largement méconnue. C'est toute cette progression de l'horreur qui se dessine peu à peu pour eux.

"L'axe étant de savoir comment cela a commencé, comment ces mots de l'exclusion peuvent bouger vers de la violence et de l'exclusion juridique. Là, il y a un parallèle qui se fait entre l'Allemagne nazie et la France de Vichy. À partir de ce stigmate, on bascule vers la violence de type enfermement, qui va crescendo, vers le génocide que l'on connait" explique celle qui a travaillé sur ce voyage pendant des semaines avec ces élèves, en s'appuyant notamment par les documents et le matériel mis à disposition par le Département

20 ans des "Voyages de la Mémoire"

Cette année, un tiers des collèges maralpins est concerné par ces voyages à Auschwitz explique Eric Goldinger "pour les établissements qui n'en profitent pas, on propose aux 60 établissement qui n'y ne partent pas en Pologne d’aller localement au camp des Milles". Deux classes par collège seront financées, en complément des habituels Voyages de la Mémoire, pour un coût estimé en 2023 à environ 400.000 euros. 

Lors des prochaines vacances de Pâques, pour la 20e année de ce dispositif, 18 professeurs iront plusieurs jours en Pologne, en avril, sur différents sites liés à l'histoire de la Shoah. Eric Goldinger réfléchit également, à cette occasion, à l'opportunité de pouvoir tisser des liens avec les structures éducatives polonaises pour développer d'éventuels partenariats ou programmes pédagogiques.   

Le Prix Charles Gottlieb pour le devoir de mémoire

Le Département des Alpes-Maritimes récompense également les travaux des collégiens participant aux Voyages de la Mémoire à travers un prix. Il porte le nom d'un ancien citoyen français, résistant et déporté : Charles Gottlieb.

Lui qui a accompagné des milliers de ces adolescents azuréens, dès 2004, sur les traces de l'horreur nazie à Auschwitz-Birkenau, est décédé à Cagnes-sur-Mer en mai 2015. Ce prix, attribué depuis maintenant 6 ans, récompenses chaque année plusieurs collégiens, grâce à trois prix et à un prix spécial du jury.

Un trait d'union entre les générations pour ces passeurs de mémoire.

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