Monaco sur le gel des avoirs : "ce sont les listes de l’Europe que nous appliquons intégralement""

Les autorités monégasques procèdent à des "vérifications" bancaires à la suite de la publication par l'Union européenne d'une liste de personnalités russes sanctionnées par un gel de leurs avoirs. Pierre Dartout, Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco a répondu à nos questions.

L'une de nos équipes a interrogé Pierre Dartout, Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco ce mercredi notamment suite de la publication par l'Union européenne d'une liste de personnalités russes sanctionnées par un gel de leurs avoirs.

En quels termes la Principauté de Monaco condamne-t-elle ce qu’il se passe actuellement entre la Russie et l’Ukraine ?

Pierre Dartout : "comme vous l’avez vu, notre souverain le Prince Albert II a condamné fermement cette invasion. Nous sommes aux côtés du peuple ukrainien. Ce qui est normal eu égard à ce qui est ressenti en Principauté : le respect de l’intégrité territoriale, de la souveraineté de chaque Etat, du respect des libertés. C’est quelque chose qui est très important à Monaco."

Plusieurs décisions ont été prises au niveau international quant au volet économique. Qu’en est-il à Monaco ?

"D’abord, il y a les décisions concernant les gels de fonds. Nous ne sommes pas dans l’Union européenne, mais dans la zone euro. Et donc il y a un certain nombre de décisions, lorsqu’elles sont prises par l’Europe, qui doivent être automatiquement mises en œuvre en Principauté. Les listes communiquées depuis jeudi dernier concernant des gels de fonds, nous les avons mises en œuvre immédiatement. J’ai personnellement signé une décision jeudi dernier pour que soit appliquée par le secteur bancaire à Monaco la première liste de noms que l’Europe nous a communiquée."

Combien de noms figurent sur cette liste ?

"Dans un premier temps, il y avait environ 360 noms. Deux autres listes ont suivi, soit environ 500 noms. Ce sont les listes de l’Europe et que nous appliquons intégralement."

Sur ces 500 noms, combien ont réellement des avoirs à Monaco ?

"C’est une information qui doit demeurer confidentielle. Mais, dès le moment où une banque repère parmi ses clients une personne qui figure sur ces listes, elle en rend compte au gouvernement monégasque et procède au gel des fonds immédiatement."

Combien y a-t-il de Russes en Principauté ?

"Il y a environ 800 ressortissants russes qui vivent à Monaco. Ce doit être la 7e ou 8e communauté en terme de population. Mais nous avons aussi 150 à 180 ressortissants ukrainiens qui vivent en Principauté."

> La communauté russe est la 8e nationalité sur le territoire, elle y très établie. 749 résidents sont enregistrés selon les chiffres 2021 de l’IMSEE (NDLR)

La France souhaite ne plus avoir aucune relation commerciale avec la Russie. Qu’en est-il pour la Principauté ?

"Pour ce qui concerne la Principauté, il y a ces décisions prises en matière financière (gel des avoirs, exclusion du système Swift, NDLR) qui, inévitablement, vont ralentir les relations financières et économiques avec la Russie. Et c’est vrai aussi que le contexte de la guerre fait qu’il y aura moins d’attention et de volonté de faire des échanges compte-tenu du contexte international."

Ces liens commerciaux posent-ils un problème d’un point de vue déontologique ?

"Les liens commerciaux (importations et exportations) sont très limités en Principauté (en 2021, les exportations russes représentaient 0,44% du total et les importations, 0,07%, NDLR). Il y a très peu d’entreprises qui travaillent avec la Russie et nos importations russes sont très limitées. Pour ce qui nous concerne, le secteur économique qui travaille avec la Russie est le secteur touristique, puisque les Russes constituent une clientèle importante. Ce n’est pas une clientèle majoritaire dans les hôtels et restaurants pendant les vacances, mais elle reste importante aux côtés de celle d’Europe du Nord, d’Amérique du Nord et du Moyen-Orient."

Ces liens commerciaux concernent combien d’entreprises ? Leurs liens économiques avec la Russie seront-ils limités ?

"Les entreprises qui ont des relations importantes avec la Russie, elles sont moins d’une dizaine. Inévitablement, du fait des circonstances, les relations vont être réduites. Il n’y a pas que le domaine commercial, mais aussi le domaine culturel dans lequel on peut envisager des limites dans les contacts avec la Russie."

Il n’y a donc pas de demande officielle de la part de la Principauté de ne plus considérer la Russie comme un partenaire commercial et de lever le pied sur les échanges commerciaux ?

"De fait, on lève le pied puisque, eu égard aux décisions prises en matière financières et eu égard à la situation en ce qui concerne les vols et l’utilisation de l’espace aérien, il est inévitable que les échanges commerciaux et culturels vont être fortement réduits. D’autant que, pour Monaco, les importations et exportations vers la Russie sont une part très limitée de notre commerce extérieur."

Combien d’entreprises à Monaco ont des capitaux en provenance de Russie ?

"Je n’ai pas ce chiffre en tête. Il y a à peu près 250 Russes qui sont inscrits au registre du commerce et qui peuvent exercer une fonction de chef d’entreprise."

Il n’y a donc pas de problèmes avec ces personnes ?

"Il n’y a pas de problème, sauf si elles figurent sur les listes de gel de fonds."

L’Union européenne va financer des armes pour l’Ukraine. Est-ce envisageable pour la Principauté ?

"Ce n’est pas envisagé. En revanche, ce qui est envisagé, c’est une aide humanitaire pour les Ukrainiens ou les réfugiés ukrainiens pour des pays voisins. Mais ça s’arrête là. Il y a vraiment une volonté forte à la mesure du poids que représente Monaco et ses 38.000 habitants. Il y a une volonté forte d’être aux côtés des Ukrainiens et Ukrainiennes."

Pierre Dartout ne précise pas les noms de cette liste.

Parmi les Russes résidant à Monaco, figure Dmitri Rybolovlev, richissime homme d'affaires et propriétaire de l'AS Monaco, l'équipe de Ligue 1 de football.

Son nom figure sur le "Putin Accountability Act", un projet de loi du Congrès américain recensant des ressortissants russes dont les avoirs sont susceptibles d'être gelés. En 2018, il avait été mis sur une liste du Trésor américain de Russes susceptibles d'être sanctionnés.

  • Plusieurs centaines de propriétés, quelques yachts et jets privés dans les Alpes-Maritimes

Du côté de la Préfecture des Alpes-Maritimes, le directeur de cabinet précise que des consignes ont été données dès la semaine dernière. Les services procèdent à un travail de « recensement de ces avoirs et de recoupement avec les personnes qui figurent sur la liste noire de l’union européenne », explique Benoit Huber.

Plusieurs vérifications sont en cours pour des biens immobiliers. Cela concerne plusieurs centaines de propriétés, quelques yachts et jets privés. Cette procédure de gel (il n’y aura pas de scellés visibles) « empêche la fuite des jets privés ou des navires de forte valeur qui peuvent être dans nos ports actuellement », affirme le directeur de cabinet.

  • Plus aucun jet privé immatriculé en Russie à l'aéroport de Nice

A l'aéroport de Nice, il n'y a plus rien à saisir sur le tarmac : il n'y a plus aucun jet privé immatriculé en Russie. 

La direction de l'aéroport confirme que le jet privé de Roman Abramovitch a bien réussi à décoller la semaine dernière. Impossible toutefois de savoir si l'oligarque russe était à bord. Le milliardaire qui possède le château de la Croë sur le Cap d'Antibes depuis 2004 ne fait pas encore l'objet de sanctions financières de la part de l'Union européenne ou des autorités britanniques.

Mais la pression s'est fortement accrue depuis le début de l'invasion russe en Ukraine.

Mercredi, l'homme d'affaires annoncé que le club anglais de Chelsea, dont il est propriétaire depuis 2003, était à vendre. Le milliardaire âgé de 55 ans a invoqué "la situation actuelle".

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