58 heures par semaine pour 1400€, le ras-le-bol des internes à l'hôpital de Nice

Pour l'année 2022-2023, 166 internes seront affectés au CHU de Nice. Un nombre largement insuffisant face aux besoins, dénonce le maire Christian Estrosi. Les internes niçois sont déjà en surcharge de travail.

"Les internes représentent 40% des effectifs du CHU, nous sommes la clé de voûte de l'hôpital public", martèle Thomas Citti, vice-président chargé du droit des internes au bureau des internes niçois.

Pourtant, seuls 166 internes seront affectés à l'hôpital Pasteur II pour l'année universitaire 2022-2023. C'est quasiment deux fois moins qu'à Tours où 298 postes d'internes seront proposés selon le Journal Officiel, publié le 19 juillet.

La ville est pourtant trois fois moins peuplée - elle compte environ 136 000 habitants, contre 342 000 pour Nice.

Christian Estrosi, maire de Nice, s'est saisi du sujet. Dans une lettre adressée à François Braun, ministre de la Santé, le 1er août, il demande que le nombre de postes soit revu à la hausse :

Ce nombre, sous-dimensionné par rapport à d’autres régions et par rapport à la densité de notre territoire, est totalement déconnecté des besoins réels. J’ai saisi ce jour par courrier le ministre de la Santé François Braun afin de lui faire part de notre incompréhension face à ce choix aussi arbitraire qu’injustifié.

Le maire de Nice

Les principaux concernés confirment. "On est à 100% d'accord avec lui", explique Thomas Citti.

Calcul biaisé par les médecins libéraux

Ce nombre de 166 internes est déterminé par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) en fonction de plusieurs critères parmi lesquels le nombre de médecins déjà en exercice dans la zone concernée. Or, les Alpes-Maritimes comptent 2883 médecins libéraux. C'est le 7ème département qui en a le plus, selon les données 2021 de l'Assurance maladie.

"Le soleil, la qualité de vie font que des médecins viennent s'installer ici, mais ils ne travaillent pas à l'hôpital. Le fait de prendre en compte cette démographie médicale globale entraîne des disparités entre les besoins de l'hôpital et les internes qui sont attribués au CHU", dénonce Thomas Citti.


Pour Richard Chemla, adjoint à la santé à la mairie de Nice, il faudrait environ 100 postes de plus. "La formation de nos internes se fait sur cinq, sept donc c'est important de réagir vite", explique l'adjoint.

Risque de burn-out

Ce faible nombre de postes à pourvoir pour l'année prochaine inquiète ces jeunes médecins, qui font déjà face à une surcharge de travail.

Les internes ne sont pas assez nombreux donc ils enchaînent les erreurs. Cela entraîne un surmenage professionnel, des dépressions, parfois même des suicides

Thomas Citti, chargé de mission pour l'intersyndicale des internes.

Ces médecins en formation travaillent en moyenne 58 heures par semaine, et cela peut aller jusqu'à 80 à 100 heures à l'hôpital de Nice pour les spécialités en tension, comme la chirurgie. Tout ça pour un salaire qui varie entre 1400€ net la première année d'internat - qui correspond à la septième année de médecine - à 1800€ en fin de cursus. Ce qui fait un taux horaire autour de... 6€, soit moins que le SMIC.

En plus, ils sont payés à la demi-journée, et non à l'heure : les heures supplémentaires ne sont pas davantage rémunérées.

"C'est de l'esclavagisme moderne", s'indigne Thomas Citti. Les internes niçois avaient déjà fait parler d'eux en février 2022. Ils avaient interpellé Olivier Véran, alors ministre de la Santé, en demandant une revalorisation salariale. 

"M. Véran ne m'a jamais répondu", assure, amer, le vice-président du bureau des internes niçois. Mais depuis, une décision du Conseil d'Etat du 22 juin somme les hôpitaux de mettre en place un décompte des heures travaillées, afin de respecter la réglementation européenne, qui limite à 48 heures le temps de travail hebdomadaire. 

Une perspective qui donne de l'espoir à Thomas Citti : "je voudrais qu'on arrête de dévaloriser cette jeunesse médicale qui fait tourner l'hôpital public".

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