Témoignage. À Nice, procès pour proxénétisme sur mineures. "Ils nous disaient : souriez, sinon on continue de vous frapper !"

Publié le Écrit par Jacqueline Pozzi et Emma Arnau
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Le verdict sera rendu ce mardi après-midi. La Cour d'Assises des Alpes-Maritimes juge en appel quatre Marseillais pour proxénétisme aggravé. Le réseau de prostitution recrutait via les réseaux sociaux de jeunes filles, souvent mineures, pour les séquestrer et les livrer à des clients. Sacha fait partie des quelques victimes à avoir osé porter plainte. Elle raconte.

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À l'été 2020, Sacha est une jeune fille de 19 ans vivant en région parisienne, qui rêve d'un week-end entre copines au soleil.

Avec ses deux amies, mineures à cette époque, elle réserve via Snapchat un logement Airbnb à Marseille. Mais, à leur arrivée sur place, le loueur est aux abonnés absents. Elle décide donc de recontacter une "amie" marseillaise rencontrée quelques semaines plus tôt sur le même réseau social pour lui demander de la dépanner. "Elle m'a répondu qu'elle ne pouvait pas nous héberger parce qu'elle avait de la famille chez elle. Elle nous a alors mis en relation avec un ami à elle qui, nous assurait-elle, pourrait nous héberger pour une nuit", se souvient la jeune femme.

Sacha a accepté de témoigner devant la Cour d'Assises à Nice, où sont rejugés en appel quatre Marseillais pour proxénétisme aggravé.

Debout devant le Palais de justice, sa voix se serre, et ses mains se raccrochent à son sac à main lorsqu'elle accepte d'évoquer devant quelques journalistes le souvenir de La Boule, Nicolas, et Tateos, les trois hommes aux mains desquels elle est tombée avec ses amies.

Car à défaut de logement de dépannage sur Marseille, les jeunes filles, sans doute naïves, sont emmenées en voiture "un peu plus loin". Le voyage durera plus de trois heures, jusqu'à un appartement de Saint-Etienne (Loire).

Séquestrées et frappées

"Les premières heures, ils ont été super gentils. Ils nous ont dit que si on voulait prendre une chambre entre filles, on pouvait dormir entre filles. Ils nous ont apporté à manger, à boire. On s'attendait à passer une nuit banale. Mais quand ils ont vu que ma copine ne voulait pas faire de clients, ils ont complètement changé de personnalité", explique Sacha.

Ils nous ont séquestrées. Ils nous ont frappées. Ils ont forcé ma copine à faire des clients. On a été forcées à faire des photos. Ils nous ont frappées pendant toute une nuit.

Sacha

"Ils nous frappaient. Nous, on pleurait et ils nous disaient : 'Souriez sinon on continue à vous frapper'".

"Le lendemain", poursuit la jeune fille, ils ont voulu nous emmener en Suisse. Alors on a ouvert une fenêtre et on a sauté".

J'ai vu la fenêtre, je me suis dit : soit je me suicide, soit je saute et je m'enfuis. Mes copines ont suivi mon idée.

Sacha

C'est ainsi que les trois jeunes filles arrivent à se soustraire à leur calvaire. Non sans se casser les chevilles en sautant du premier étage. Elles se réfugieront dans un commerce qui appellera la police. C'était le 15 juillet 2020.

Les suspects interpellés à Nice

Ce même été, c'est une autre jeune fille, séquestrée, elle, dans un appartement de Nice, qui permettra l'interpellation des proxénètes. Âgée de 16 ans à peine, elle jettera un bout de carton par le balcon. Dessus, un appel à l'aide écrit au rouge à lèvres. La police, alertée par des voisins, ne tardera pas à faire irruption dans l'appartement.

Impossible de connaitre le nombre exact de jeunes filles victimes de ce réseau. Seules cinq d'entre elles ont osé se porter partie civile, mais elles sont certainement bien plus nombreuses.

Sacha a eu ce courage : "Je veux que plus jamais des personnes n'aient affaire à des gens comme ça, que plus jamais ils ne mettent d'autres filles en danger". Elle a porté plainte et aujourd'hui les affronte dans la salle d'audience. C'est une nouvelle épreuve. "Ils nous font passer pour des menteuses, pour des filles qui se prostituaient déjà alors que ce n'était pas le cas du tout. J'aurais aimé qu'ils assument qu'ils nous ont détruites".

Ils nous font des signes : 'vous allez mourir'. Je sais très bien que quand ils vont sortir de prison, ils vont chercher à se venger. Je veux quitter la France pour leur échapper.

Sacha

Les menaces que Sacha subit encore aujourd'hui passent aussi, dit-elle, par des messages sur les réseaux sociaux. Réseaux qui décidément ont joué un rôle crucial dans l'organisation de ce réseau qu'un des avocats des parties civiles n'hésite pas à qualifier de "proxénétisme 2.0", comme il l'explique dans ce reportage tourné à la veille du verdict :

Les quatre hommes ont été condamnés en première instance à des peines allant de 16 à 18 ans de réclusion criminelle. Leur procès en appel a débuté le 2 septembre 2024 devant la Cour d'Assises des Alpes-Maritimes. Le verdict est attendu ce mardi 17 septembre, dans l'après-midi.

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