Pour assurer de l'eau aux agriculteurs et aux éleveurs des Alpes-Maritimes, Antoine Véran, le maire, LR, de Levens et vice-président de la Métropole délégué à l'agriculture a proposé la création de mégabassines dans le département lors d'une interview accordée à BFM. Un projet qui déclenche les foudres d'un élu niçois d'Europe Écologie les verts.
Il a plu il y a quelques jours sur les Alpes-Maritimes. Mais, ces quelques millimètres d'eau de pluie sont bien insuffisants pour réhydrater une terre déjà bien asséchée. Comme l'an dernier, l'été s'annonce chaud. Très chaud.
Par rapport à la saison, les réserves en eau sont bien pauvres. Si la sécheresse est un fait, elle est aussi un sujet de préoccupation, notamment pour les agriculteurs des haut et moyen pays et des vallées.
Sur le site internet de BFM Côte D'Azur, Antoine Véran, le maire, Les Républicains de Levens a employé, selon les journalistes de la chaine privée, le terme de mégabassines pour pallier la sécheresse de notre département.
Un vocable qui n'est pas du goût de tout le monde. Entre autres, un des membres niçois du groupe politique Europe Ecologie les Verts, mais également, Antoine Véran lui-même.
Les bassines de la discorde
Employer le terme de mégabassine pour un écologiste, qu'il soit maralpin ou pas, c'est un peu comme si l'on agitait un chiffon rouge sous les nasaux d'un taureau.
Le principe d’une bassine, c'est de pomper de l’eau dans la rivière ou/et dans les nappes phréatiques. Donc forcément, déjà, cela agit directement sur la biodiversité. On marche sur la tête avec ce système de bassines,
Fabrice Decoupigny, conseiller métropolitain Nice Côte d'Azur- Europe Ecologie les Verts.
Antoine Véran refuse, lui aussi le terme de mégabassines. Comme d'autres élus, il semble quelque peu perturbé par l'épisode Sainte-Soline et souhaite éviter qu'un nouvel incendie ne s'allume dans le parc du Mercantour. "Alors moi, je parle de retenues d’eau. Des retenues d'eau pour alimenter les transhumants et le bétail pendant la saison et certainement pas de mégabassines. Des bassines d’eau, tout court. Des retenues, avec d’éventuels ruisseaux, pour alimenter ces bassines. Mais bien sûr, il faut qu’il y ait de la ressource et de l’espace à proximité des zones de pâturages.
J’ai en effet employé le terme de méga-bassine, mais seulement pour être provocateur et faire prendre conscience de la sécheresse.
Antoine Véran - Maire, LR, de Levens.
"Autre proposition que j’ai faite, pour ces éleveurs et agriculteurs, livrer de l’eau, non potable, à l’aide de camion-citerne. J’ai en effet employé le terme de mégabassine, sur BFM Côte d'Azur, mais seulement pour être provocateur et tenter de faire prendre conscience que le phénomène de sécheresse peut terriblement impacter le monde agricole. L’an dernier, nous n’avions rien de prêt et ce fut très compliqué. Cette année cela va encore plus compliqué. La dernière grande sècheresse était en 1986. Cela fait trente ans, mais nous n’en avons pas tiré toutes les conséquences. Donc là maintenant, il faut réfléchir, s’organiser et se préparer".
De son côté, Monique Bassoleil, pondère en sa qualité de technicienne à la Chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes : "Les bassines, c’est peut-être bien. Mais nous n’avons pas de recul pour en connaître les conséquences sur les nappes phréatiques. En combien de temps vont-elles pouvoir se renouveler ? Nous n’en savons rien. Sur les zones basses, par exemple, les bassines entrainent des remontées des eaux salines qui viennent contaminer l’eau. À partir de ce moment-là, l’eau est perdue pour tout le monde. C’est ce qui s’est passé en Espagne, par exemple. La raréfaction de l’eau dans le haut pays est un problème majeur qui va conditionner la poursuite de la transhumance en montagne, il ne faut pas perdre cela de vu".
Il y a bassines et bassines !
"Moi, je suis étonné, quand même, qu’on crée des bassines pour les agriculteurs dans les Alpes-Maritimes ! " s’étonne l’élu EELV.
Il n’y a pas d’agricultures intensives que je sache dans notre département !
Fabrice Decoupigne, conseiller métropolitain Nice Côte d'Azur- EELV
Piqué au vif par sa propre fanfaronnade sur BFM Côte d’Azur, Antoine Véran, tient à redéfinir le terme de bassines, en tout cas, dans sa pensée :
Ici, le principe des bassines en montagne pour nous, qui nous ne sommes pas dans une zone de grandes cultures céréalières, c’est la retenue collinaire pour récupérer les eaux de pluie.
Antoine Véran - Maire, LR, de Levens.
Et Fabrice Decoupigny de poursuivre : "Dans une bassine, en fonction du climat, l’eau s’évapore entre 20 et 60 % en France. Chez nous, c’est 60 %. Donc, là, on va pomper de l’eau, on va faire des retenues d’eau et on va en perdre 60 %. Autant la laisser dans la terre ! Il faut changer de système. Il faut le dire aux maralpins. Les cours d’eau en montagne sont presque à sec. Le Var, il n'y a rien dedans. Et nous ne sommes qu’en avril. Au printemps, normalement, la fonte des neiges nourrit les rivières et les nappes phréatiques. Cette année encore, très peu de neige. La seule solution, c'est d’arrêter de consommer de l’eau pour son plaisir, le ski entre autres.
Nous sommes des enfants gâtés dans le département. On a toujours eu de l’eau à profusion et nous n’avons jamais développé une culture d’économie de l’eau. Mais ça, c'est fini. Et je vais même aller plus loin. Quand, la région va recevoir les estivants, comment va-t-on faire ? Un Français, c’est 150 litres d’eau par jour. Un touriste, c'est encore plus ! À la fin de cet été, cela va être vraiment problématique. En France nous recyclons moins de 10 % notre eau. En Israël c’est 99 %".
Les solutions, dans la mesure où elles n’affectent pas les réseaux hydrauliques naturels, sont toutes les bienvenues.
Monique Bassoleil, technicienne à la Chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes.
Bassines, retenues collinaires, la technicienne de la Chambre d’agriculture scrute toutes les solutions, pourvues qu’elles soient pérennes : "les solutions, dans la mesure où elles n’affectent pas les réseaux hydrauliques naturels, sont toutes les bienvenues. Après, lorsque l’on est sûr des solutions qui sont bien d’un côté, mais qui fragilise une ressource de l'autre, il faut vraiment réfléchir. En fait, nous devons toujours être dans la solution qui est la moins mauvaise. Par exemple, en zone Mercantour les autorités compétentes sont très souvent frileuses. Elles ont la chance d'être composée de conseils scientifiques qui observent de près tous les aspects des conséquences sur la biodiversité. Par exemple l’installation de grandes citernes impactent le paysage du parc.
Il faut travailler en bonne intelligence avec tout le monde pour essayer de trouver la solution qui est la mieux adaptée, à l’endroit donné.
Monique Bassoleil - Technicienne Chambre d'agriculture 06
Dans une région, pour un problème donné, une solution sera peut-être la moins pire. Mais, elle ne sera, peut-être pas, reproductible dans une autre. C’est pourquoi il faut travailler en bonne intelligence avec tout le monde pour essayer de trouver la solution qui est la mieux adaptée à l’endroit donné. Il n’y a malheureusement pas de solution générique que l’on peut répliquer sur l’ensemble du territoire".
Des extensions d’eau pour la neige et le monde agricole !
Un sujet abordé, selon Antoine Véran, "lors d’une réunion à Levens et non, comme l'a publié BFM, lors d’une réunion sur le sujet ayant eu lieu ce mercredi (NDLR : le 19 avril dernier) avec la Direction départementale des territoires et de la mer et les acteurs locaux majeurs". "C’est vrai, j’ai évoqué la volonté d’augmenter le volume des retenues d’eau à destination de production de neige artificielle.
C’est vrai, j’ai évoqué la volonté d’augmenter le volume des retenues d’eau à destination de production de neige artificielle. Le surplus servira à abreuver le bétail et à pérenniser l’activité agricole nourricière.
Antoine Véran - Maire, LR, de Levens.
Ainsi, au moment où les stations de ski auront besoin de leur eau pour produire de la neige, elles pourront puiser dans ces réserves la quantité d’eau qu’il leur faut. Le surplus, la quantité d’eau qui correspond à l’augmentation du volume de la réserve, servira à abreuver le bétail et à pérenniser l’activité agricole nourricière du haut et moyen pays. Ainsi, on pourrait concilier ces deux activités qui sont toutes deux génératrices d’activités économiques importantes pour notre région."
Pour sa part, Fabrice Decoupigny n'a que faire de la date et de l'endroit où ces propos ont été tenus. Le simple fait, de les tenir est, selon lui : "totalement ubuesque". "Monsieur le maire de Levens parle de récupérateurs, mais il ne s’agit plus de récupérer de l’eau là ! De l’eau il n’y en a presque plus, voir plus ! Il faut arrêter ! La fête est finie. Ça fait 5 ans qu’il ne pleut pas. Cet été, nous serons en stress hydrique. Les Alpes-Maritimes seront en zone rouge."
Trois canons à neige c’est l’équivalent d’une piscine olympique pour un hectare de neige ! Maintenant on y est ! Y a plus assez d’eau. On arrête les dégâts.
Fabrice Decoupigny - Conseiller métropolitain Nice-Côte d'Azur- Europe Ecologie les Verts.
Et d'ajouter : "Par ailleurs, monsieur Véran dit qu’il veut faire des bassines pour les éleveurs et pour les agriculteurs ? Mais ce n’est pas le cas ici ! Le maire de Levens veut juste créer des bassines parce qu’on gâche trop d’eau avec les canons à neige. De la neige naturelle il n'y en a presque plus ! C’est un principe de réalité. Point barre ! À Valberg, 85 % du domaine skiable, c'est de la neige artificielle. À Isola et Auron c’est environs 50 %. Sur ces trois stations, il y a quelque mille canons à neige. Trois canons à neige, c'est l’équivalent d’une piscine olympique pour un hectare de neige ! Qui plus est, la neige des stations de ski pollue et elle n’est pas réutilisable car elle est surchargée en fluor. Et savez-vous pourquoi ? Parce que l’on farte les skis avec un composé fluorique !".
Mon propos n’est là que pour poser des questions et tenter de faire évoluer la réflexion sur ce sujet primordiale qu’est la ressource eau dans le haut et le moyen pays.
Antoine Véran - Maire, LR, de Levens.
Des faits que ne conteste pas l'élu levensan : " Mon propos n’est là que pour poser des questions et tenter de faire évoluer la réflexion sur ce sujet primordiale qu’est la ressource eau dans le haut et le moyen pays. Aujourd’hui, par exemple il y a des agriculteurs dans cette partie du département qui se disent, est-ce que je plante ou je ne plante pas ! Et s'ils ne plantent pas, ils vont être obligés de changer de métier. Certains éleveurs se posent la question de savoir s'ils vont devoir tarir leurs vaches parce qu’ils ne peuvent plus faire de fromage sur leur lieu de production juste par manque d’eau dans la montagne. Jusqu’à présent nous avons pallié ce manque d’eau par des distributions en camion-citerne, mais jusqu’à quand ? Ça devient vraiment très compliqué."