Aujourd'hui blanchi, l'homme reste très affecté par ce qu'il a vécu : "j'ai beaucoup de colère car je trouve cela extrêmement injuste". Avec son avocat à ses côtés, il a accepté de revenir sur cette épreuve.
C'est une affaire qui avait secoué un établissement privé catholique de Nice (Alpes-Maritimes) en début d'année. Le directeur du lycée Sasserno avait été mis à pied puis licencié pour des soupçons d'agressions sexuelles, à la suite de lettres de dénonciation.
Six mois après la révélation de l'affaire, le chef d'établissement a été blanchi des faits graves qui lui étaient reprochés par sa direction. Il reste toutefois passible d'une contravention pour des propos sexistes qu'il conteste.
Aujourd'hui, il prend la parole publiquement (mais de manière anonyme). À ses côtés, son avocat, Philippe Soussi, pousse un coup de colère.
"Je suis révolté et consterné"
"L’enquête de police a démontré que de telles infractions n’existaient absolument pas", indique Philippe Soussi. L'avocat s'insurge notamment contre la direction diocésaine de l'enseignement catholique qui a licencié "publiquement" son client et "décrét[é], toute seule, que les faits étaient 'établis' (sic)".
Le Parquet a su faire preuve de discernement dans une affaire difficile, je veux le souligner, là où, et je veux le souligner aussi pour le dénoncer, la direction diocésaine de l'enseignement catholique et l'employeur du chef d’établissement (l'OGEC) n'en ont eu aucun et, bien pire, ont fait preuve d’une inhumanité absolue.
Philippe Soussi, avocat
"Je suis révolté et consterné qu’on ait pu donner le moindre crédit à une lettre anonyme, procédé lâche et abject", poursuit le conseil, "alors que l’enquête révèlera qu’elle ne contenait aucun élément de vérité". Philippe Soussi oppose aux "quelques rares témoignages contradictoires, lacunaires et totalement fantaisistes" d'"innombrables témoignages en faveur du chef d’établissement, qu’il s’agisse des enseignants, des parents ou des élèves".
Je suis révolté parce que rien ne justifiait que ce chef d’établissement soit lynché sur la place publique comme il l’a été après une vie entière dévouée à l’enseignement.
Philippe Soussi, avocat
Aujourd'hui encore, l'ancien chef d'établissement de 58 ans reste profondément marqué par cette affaire.
Il a accepté de témoigner de ce qu'il a vécu au micro de France 3 Côte d'Azur. Propos recueillis par Magali Roubaud-Soutrelle.
Comment allez-vous aujourd'hui ?
Cela fait huit mois que je ressens une grande solitude. un anéantissement, une sidération. Cette situation m'est tombée dessus un peu comme un immeuble de 20 étages. Jamais je n'aurai imaginé être au centre de telles accusations qui sont, pour moi, grossières, éhontées et vont à l'encontre de mes principes.
Je tiens à dire que j'ai vécu, malgré cela, d'excellentes années à Sasserno avec une super équipe enseignante. Les parents d'élèves, les élèves... tout était harmonieux. On travaillait dans la bonne humeur, même s'il y avait de temps en temps des frictions, ce qui est normal dans la vie.
Quand avez-vous compris ce que l'on vous reprochait de manière anonyme ?
Je n'ai pas eu accès au dossier avant le mois de mai. Il m'a donc fallu expliquer à mes proches que "on" m'accusait, mais sans savoir qui était ce "on", ni ce que l'on me reprochait. J'ai dû attendre la convocation en audition libre devant la police pour qu'enfin je sache ce qu'il en était.
Vous dites que vous n'êtes plus le même homme aujourd'hui ?
Quand vous perdez tout... vous perdez tout ! Vous ne pouvez plus être le même. Vous perdez de l'honneur, de la dignité... Vous devez justifier de ce que vous n'avez pas fait auprès de ceux qui vous aime. C'est une situation de grande souffrance.
Êtes-vous aussi en colère, comme votre avocat ?
Oui, j'ai beaucoup de colère parce que je trouve cela extrêmement injuste. J'ai des témoignages de soutien d'enseignants, de personnels, de parents d'élèves, d'élèves, dont certains sont encore en contact avec moi et m'envoient leurs amitiés. J'ai aussi eu le soutien de personnels que j'ai connu dans d'autres établissements et même de personnes qui m'ont connu quand j'ai commencé à travailler, il y a 32 ans.
On a attaqué davantage l'homme que le directeur. Pendant quelques semaines, j'ai été incapable de m'exprimer car je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.
Comment voyez-vous votre avenir ?
L'avenir ? Je vais reprendre une parole des Évangiles : "à chaque jour suffit sa peine".