Un nouveau procès lié à l'attentat du 14 juillet à Nice, sur la promenade des Anglais, qui avait fait 86 morts et plusieurs centaines de blessés, pourrait-il voir le jour ? La justice rend juridiquement crédible cette hypothèse après la requalification pour homicide involontaire dans le volet sécuritaire.
Ce vendredi 27 octobre, c'est une nouvelle étape judiciaire du volet sécuritaire de l'attentat de Nice qui se dessine. "Une ordonnance de rejet partiel de nouvelles mesures d'instruction" a permis de requalifier les faits en homicide involontaire, avec mise en danger de la vie d'autrui, et blessures involontaires ayant entrainé des incapacités.
La vice-présidente chargée de l'instruction, Chantal Russo, ainsi que la juge d'instruction Maryline Nicolas, poursuivent leur travail dans l'information judiciaire ouverte contre X.
Dès cet été, l'ancien procureur de la République de Nice, Xavier Bonhomme, avait confirmé, en juillet 2023, sa demande de nouvelles avancées concernant le dispositif de sécurité lors de l'attentat.
Contacté par France 3 Côte d'Azur ce vendredi 27 octobre, le nouveau procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, ne souhaite quant à lui "pas communiquer à ce stade".
Requalification d'homicide et de blessure involontaire
Maitre Virginie Le Roy, avocate de parties civiles, a soumis de nombreux actes à l'examen de la justice - dont beaucoup ont été rejetés. "J’ai d’ores et déjà interjeté appel sur les actes dont l’exécution a été refusée parce que ce sont des actes qui, pour moi, sont importants et structurants pour le dossier d’instruction, l’enquête, et la mise à jour des responsabilités telles qu’on les demande" détaille-t-elle.
Elle a pourtant vu certaines de ses demandes acceptées dans cette ordonnance de rejet partiel qui, pêle-mêle, mentionne la transmission de PV, l'obtention des registres de la police municipale, ou de nouvelles auditions. Une décision pour l'avocate parisienne "attendue avec beaucoup d’impatience, parce que l’on est à 7 ans d’instruction, que pour l’instant, il n’y a pas de mise en examen, et qu’au terme de l’analyse du dossier, il apparait qu’il y a des manquements importants."
Cette requalification va permettre, je l’espère en tout cas, des mises en examen.
Maitre Virginie Le Roy, avocate de parties civiles
Cette requalification pourrait laisser envisager un éventuel nouveau procès, scruté de près par les familles des victimes. "Le calendrier, ce serait, à mon sens, de nouvelles auditions sous l’angle de cette qualification d’homicide et de blessure involontaire qui pourraient amener à une mise en examen ou à plusieurs mises en examens." explique l'avocate Virginie Le Roy.
Les services de l'Etat et la Ville de Nice pointés du doigt ?
Le texte valide parmi les actes demandés, "le versement du rapport qui aurait été déposé à l'IGPN par le DDSP, M. Authier".
"Un rapport d'analyse des risques terroristes qui aurait été commandé la ville de Nice" est aussi abordé dans les demandes d'actes validées par l'ordonnance signée Chantal Russo et Maryline Nicolas.
Des points cruciaux pour Maitre Le Roy qui pointe le manque de préparation de la préfecture des Alpes-Maritimes et de la Ville de Nice la nuit du 14 juillet 2016.
La Ville de Nice, qui disposait, elle, de matériels de sécurité qui n’ont pas été mis en oeuvre [...] a eu aussi un rôle prépondérant dans les décisions afférentes au dispositif de sécurité ce soir-là.
Maitre Virginie Le Roy, avocate de parties civiles
Surtout dans un contexte qui suivait l'organisation de l'Euro 2016 de football en France (pour lequel Nice a accueilli plusieurs matches), et quelques mois à peine après les attentats de Paris du 13 novembre 2015.
"Le dispositif de sécurité d’un grand rassemblement public, d’une manifestation où il y a beaucoup de gens, c’est de la responsabilité de l’Etat, de la préfecture en premier lieu. Ensuite, il appartient à l’organisateur, la Ville de Nice, de mettre en œuvre ces mesures ou de renoncer à son évènement s’il lui apparait que les mesures de sécurité ne sont pas suffisantes" poursuit l'avocate.
L'évaluation de la menace
La préparation à un scénario en particulier dans le cadre de la menace terroriste de l'époque, interpelle Virginie Le Roy. "Un an avant (l'attentat de Nice, ndlr), il y a eu une commission d’enquête parlementaire sur l’état de la menace djihadiste en France. Il fait expressément état de la menace au véhicule-bélier. Et je vais plus loin, monsieur Christian Estrosi faisait partie de cette commission d’enquête parlementaire. Évidemment, il ne peut pas dire aujourd’hui : ‘Nous n’avions pas la mesure, ni l’information de cette possibilité d’attaque'. Bien nécessairement que la préfecture a aussi eu ce rapport d’enquête parlementaire."
Présence de plots en béton, aménagements urbains, effectifs de police, armement à leur disposition... Les questions en suspens restent, à ce jour, nombreuses.
Au point d’entrée du camion, il n’y avait que deux officiers de police qui étaient là, il n’y avait pas de véhicule et de matériel urbain par exemple. Et sans armement lourd. […] Il faut des précisions et des certitudes sur ce point-là.
Maitre Virginie Le Roy, avocate de parties civiles
Un nouveau chapitre après le verdict du procès historique à la fin de l'année 2022 qui avait condamné ceux qui avaient participé à cette attaque terroriste.
"Cela fait 7 ans que l’instruction dure, cela fait 7 ans qu’il n’y a pas de mise en examen. Il est temps que les choses bougent !" conclut maitre Le Roy qui souhaite, à la demande des parties civiles qu'elle représente, une réponse judiciaire, un vrai travail d’investigations, et une caractérisation des responsabilités.