L'enquête sur de possibles détournements d'argent public dans les chantiers de reconstruction des vallées avance. On fait le point sur cette enquête pour détournements suite aux travaux de la tempête Alex.
Comment ont été ordonnées, réalisées puis payées les opérations de reconstruction des vallées de La Tinée et de la Vésubie ? L'enquête sur de possibles détournements d'argent public dans les chantiers de reconstruction des vallées se poursuit.
Coup de filet des gendarmes mardi 12 mars
Mardi 12 mars, à l'aube, une vaste opération orchestrée par les gendarmes a eu lieu sur commission rogatoire. Résultat : 21 personnes ont été placées en garde à vue, notamment à Nice et à Draguignan. D'autres personnes ont été auditionnées à Marseille.
Ce coup de filet fait suite à un signalement de la Métropole déposée en février 2023.
Dès le printemps dernier, les chantiers avaient été stoppés et plusieurs agents de la métropole avaient été suspendus.
En décembre 2023, nouveau rebondissement : des perquisitions concernant les travaux menés par des entreprises de travaux publics après la tempête Alex, ont eu lieu à la métropole Nice Côte d'Azur.
Le point sur les gardes à vue
Parmi les personnes en garde à vue, il y a des fonctionnaires de la métropole.
Ce sont des proches de Christian Estrosi, occupant des postes clés à la mairie et à la Métropole Nice Côte d'Azur, qui ont été entendus :
- Lauriano Azinheirinha (Directeur général des services à l’époque)
- Bastien Nespoulous (Directeur général des services adjoint à l'époque)
- Martine Ouaknine, élue proche de Christian Estrosi (membre de la commission d’appel d’offres).
Les deux premiers ont passé une nuit en garde à vue.
Maître Gérard Baudoux, avocat de Bastien Nespoulous, a confirmé à France 3 Côte d'Azur la levée de sa garde à vue ce mercredi 13 mars à 21h, après 38 heures de garde à vue. Il n'y a pas eu de déferrement, à son encontre, il n'a pas été présenté non plus à un juge d’instruction.
À ce stade, Bastien Nespoulons n'est donc pas poursuivi.
Pour Martine Ouaknine, la garde à vue a duré toute la journée d'hier.
Actuellement, tous trois sont sortis de garde à vue hier soir et ne font à ce stade l'objet d'aucune poursuite, selon leurs avocats et la métropole Nice Côte d'Azur.
17 autres personnes seraient encore en garde à vue ce jeudi soir, mais leur identité n'a pas été dévoilée. Il y aurait des chefs d'entreprise de travaux publics du département.
Dans le collimateur de la justice : Cachat TP, Venturi et SLBTP. Précisons que ces entreprises locales sont intervenues rapidement après la tempête Alex et certaines ont été réquisitionnées après la tempête Aline pour déblayer le lit de la Vésubie.
Des gardes à vue qui pourraient entraîner des mises en examen.
Enquête pour détournement de fonds publics
L'information judiciaire a été ouverte au titre de la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS) de Marseille pour : "détournement de fonds publics par personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, escroquerie, faux, usage de faux et recel de ces infractions sur la réalisation des travaux de reconstruction suite aux dommages causés par la Tempête Alex à l’automne 2020 dans le département des Alpes-Maritimes."
À travers leurs auditions et leurs perquisitions, les enquêteurs devront donc déterminer s’il s'agit de surfacturations, de travaux payés et non réalisés ou, plus globalement, de malversations financières.
Le cadre de l'enquête concerne les travaux qui ont eu lieu dans les vallées de la Tinée et de la Vésubie. La Roya n'est pas concernée par ces investigations.
Selon l'avocat de la Métropole Olivier Baratelli, interrogé par France 3 Côte d'Azur en décembre dernier, la Métropole soupçonne un consortium d'entreprises d'avoir surfacturé des prestations lors de la reconstruction d'une route à Saint-Martin-Vésubie, après le passage de la tempête Alex. " On soupçonne que certains aient profité de la situation pour bourrer les prix et facturer des travaux qui n'ont pas été faits". D'après lui, les gendarmes sur place et " le parquet de Nice se posent la question de savoir si nos services techniques n'ont pas vu, n'ont rien voulu voir, ont été incompétents, voire ont participé".
La Métropole se constituera partie civile
Un communiqué de l’avocat de la Métropole, adressé à la presse mercredi 13 mars dans la soirée, explique sa démarche :
"Suite à un signalement en février 2023, à l’initiative de Christian Estrosi, Maire de Nice, Président de la Métropole Nice Côté d’Azur, soucieux que toute la transparence soit faite sur l’usage de l’argent public engagé dans les vallées de la Tinée et de la Vésubie ces dernières années - et pas exclusivement sur la tempête Alex - la justice, après avoir conduit un certain nombre d’investigations sur l’année écoulée, a légitimement auditionné tant des cadres et agents de la Métropole que certaines entreprises titulaires de marchés publics.
Ces dernières 48 heures, les informations diffusées sur la base de sources dont certains médias ont été destinataires ont pu susciter des interrogations, là où notre confiance à l’égard des plus hauts responsables hiérarchiques de la Métropole a été totale.
Face à ces informations qui paraissent donner crédit au signalement fait par le Président de la Métropole, sur des actes qui ont pu avoir de lourdes conséquences sur l’argent des contribuables, la Métropole se constituera partie civile."
Le secrétaire départemental du Parti communiste estime lui "que la justice doit passer mais que la morale semble être écornée."
Et l'enquête devint... marseillaise
L’information judiciaire ouverte par le parquet de Marseille le 20 février 2024, fait suite à une enquête préliminaire initiée par le parquet de Nice après réception d’un signalement de la Métropole Nice Côte d’Azur reçue courant février 2023 dénonçant des manquements graves au respect des règles de la comptabilité publique.
Les chantiers avaient alors été stoppés et plusieurs agents de la Métropole Nice Côte d'Azur avaient été suspendus en avril 2023.
Selon le maire de Nice, Christian Estrosi, il s'agirait d'un détournement de 8 millions d'euros.
Mais face à la complexité de l'enquête, et à l'imbroglio politique, le parquet de Nice s'est dessaisi au cours de l'instruction.
Désormais, c'est la juridiction de Marseille qui va tenter de faire la lumière sur toute cette affaire niçoise.
Au cours de cette opération, qui a mobilisé 60 gendarmes de la Section des Recherches de Marseille, les enquêteurs ont procédé à des saisies bancaires pour un montant avoisinant 6.500.000 euros et à la saisie de plusieurs véhicules de luxe valorisés à 640.000 euros.
Le parquet de Marseille précise dans un communiqué ce jeudi soir que "les mis en cause ont été remis en liberté à l’issue de leur garde à vue. Les investigations se poursuivent en vue de déterminer les responsabilités des différents protagonistes impliqués dans l’affaire."