Covid, retraites... Les coiffeurs en grande difficulté : "si on fait grève, il n'y a pas vraiment de pression"

Le monde de la coiffure, déjà très fragilisée par la crise sanitaire, est touché de plein fouet par l'inflation, "l'ubérisation" de ses métiers et les difficultés de recrutement. La profession se sent en danger.

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Face à la crise du Covid et ses conséquences financières, la coiffeuse et barbière, Virginia Begnis avait pris la décision, il y a 2 ans, de quitter son appartement et de s'installer dans l'arrière-boutique de son salon de coiffure à Nice. Elle y logeait encore en mars 2021.

Aujourd'hui, les clients habituels sont de retour, mais le chiffre d'affaires affiche un tiers de moins. Loin de celui de 2019. 

"Les gens n’ont plus les moyens de venir"

C'est le premier constat de cette barbière niçoise.

De son côté, Robert Mouttet, président dans les Bouches-du-Rhône des entreprises de coiffure, précise : "Actuellement, on est dans la panade complète. Étant donné tout augmente, la personne au lieu d'aller chez le coiffeur, ils préfèrent mettre de l'argent dans l'essence ou la cantine. Actuellement, il y a un manque d'argent. Si vous gagnez 2000 euros et que malheureusement, avec tous vos frais, il vous manque 500 euros, les gens ne vont pas aller chez le coiffeur". 

Il y a des gens qu'on a jamais revus depuis le confinement

Patrick Masset, coiffeur à Nice

Les auto-entrepreneurs : une concurrence déloyale

Après 3 décennies de pratique, Virginia Begnis pointe également du doigt la concurrence de plus en plus forte des barbiers. Une concurrence déloyale, selon elle, car ils peuvent ouvrir une boutique en tant qu'auto-entrepreneur. Elle estime que c'est une "ubérisation" de sa profession et se demande comment se défendre contre cette "concurrence déloyale". "Tous les 4 mètres, il y a un petit barbier, ils peuvent ouvrir sans CAP, sans brevet".

Cela concerne également les coiffeurs à domicile, qui constituent aujourd'hui une part non négligeable du marché.

Seule à travailler dans son magasin, l'avenir est sombre. Elle travaille depuis l'âge de 17 ans et souffre actuellement de troubles musculosquelettiques. Sa retraite ? Elle l'a abordé avec la Première ministre lors d'une émission sur FranceInfo le 10 janvier. Virginia Begnis s'inquiète des critères de pénibilité prévus dans la réforme des retraites.

La Première ministre lui précise que "C'est la Caisse d'assurance maladie qui va déterminer les métiers dans lesquels les salariés ont le plus d'inaptitude". Quid des coiffeurs ? 

On parle de pénibilité, je suis désolée, mais je ne veux pas travailler pour mourir. Mais nous les coiffeurs, si on fait grève, il n'y a pas vraiment de pression.

Virginia, la coiffeuse de Nice face à Elisabeth Borne.

Aujourd'hui, Virginia Begnis a retrouvé un appartement mais  "ça n’a pas été sans difficultés", elle a dû s’endetter auprès de sa famille.

"On passe une annonce, personne ne répond"

Patrick Masset, lui, tient un salon de coiffure dans le centre-ville de Nice depuis 17 ans.

Sa principale difficulté est le recrutement. Il lui faudrait du personnel supplémentaire pour maintenir son niveau d'activité et son chiffre d'affaires. À l'heure actuelle, dans sa boutique, 2 apprentis et un salarié travaillent avec lui. Mais même en apprentissage, trouver un candidat sérieux est difficile. "Avant, on passait des annonces en juin, il y avait des réponses. Maintenant en octobre, on n'a toujours rien", "et puis tous les apprentis ne se valent pas." Ce coiffeur a même diversifié ses supports de recherche, comme les plateformes de mise en relation, avec un coût d'abonnement de 100 euros par mois.

En vain, le personnel qualifié se fait trop rare.

On est en train, dans la région PACA, de recruter en Belgique, en Italie...

Robert Mouttet, président de l’Union nationale des entreprises de coiffure (13)

En Côte d'Azur, on note le problème est majeur. "Depuis que nous avons eu le Covid, les coiffeurs ne veulent plus travailler. On est en train, dans la région PACA, de recruter en Belgique, en Italie des coiffeurs...", confie Robert Mouttet, président de l'Union nationale des entreprises de coiffure UNEC des Bouches-du-Rhône.

Les métiers de la coiffure parmi les plus touchés en France

Selon une étude réalisée par le cabinet spécialisé Altares, près de 9 000 défaillances d'entreprise ont été comptabilisées en France, durant l'été 2022, toutes entreprises confondues.

Un taux jamais observé en 25 ans. Les trois-quarts de ces procédures touchent des entreprises de moins de 3 salariés et des entreprises de moins de 3 ans. Une société est considérée en défaillance à partir du moment où une procédure de redressement judiciaire est ouverte à son encontre.

"Les mauvais chiffres du mois d’août (+ 98 % par rapport au mois d'août 2021), période pourtant traditionnellement plus calme, témoignent de l’urgence de certaines situations" indique Thierry Millon, directeur des études Altares.

Les salons de coiffure font partie des secteurs les plus touchés, avec les instituts de beauté. Dans ce secteur, le nombre de défaillances d'entreprises a presque doublé. Selon les chiffres de l'Union nationale des entreprises de coiffure, en 2021, la coiffure occupe le 2ᵉ rang des activités artisanales avec 100 100 établissements.

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