Le tribunal administratif de Nice a été saisi. Il doit déterminer si les services du département des Alpes-Maritimes, responsable de l'aide à l'enfance, assument leur responsabilité de prise en charge des mineurs non accompagnés. Depuis dix jours, un groupe de jeunes est à la rue devant un commissariat de la ville.
La fin de l'attente. C'est au tribunal administratif de Nice que se jouait ce jeudi 31 août le sort d'un jeune migrant à la rue. Le jeune homme, qui déclare avoir 13 ans, patientait depuis des jours aux portes du commissariat Auvare, rue de la Roquebillière à Nice, faute de prise en charge dans un dispositif d’accueil départemental déjà saturé.
Aux côtés d'une cinquantaine d'autres migrants, qui déclarent tous avoir moins de 18 ans, il attendait d'y être pris en charge par les services de police pour que lui soit reconnu le statut de mineur.
Faute de place disponible dans le commissariat, qui ne reçoit que neuf migrants à la fois, les mineurs déclarés attendent à la rue. Ils sont installés précairement depuis dix jours dans le parc qui jouxte le commissariat Auvare. La police municipale est venue les y déloger une fois dans la semaine, avant qu'ils ne se réinstallent.
C'est Maître Zia Oloumi, avocat au barreau de Nice, qui a saisi le tribunal afin que les magistrats déterminent si les services du département, responsable de l'aide à l'enfance, s'étaient bien saisis de la situation du jeune mineur déclaré, resté dans cette attente dans des conditions précaires aux côtés des autres migrants. "Ils sont dehors depuis plus de dix jours. Ils n'ont pas de nourriture, pas de commodités, pas de toilettes, il n'y a rien sur place", déplore l'avocat.
"La loi n'est pas respectée"
La prise en charge des mineurs isolés est la responsabilité du département, comme l'indique le Code de l'action sociale et des familles. En attendant que les autorités statuent sur leur âge, le département a aussi l'obligation de loger ces migrants. Mais "la loi n'est pas respectée", selon les associations d'aide aux migrants. La mairie de Nice dénonce une "situation de défaillance" du Département.
Maître Zia Oloumi a donc saisi le tribunal administratif pour 27 de ces jeunes migrants qui déclarent avoir entre 13 et 18 ans.
Arrivés par la frontière italienne, tous espèrent se voir reconnaître la minorité pour accéder aux hébergements de l'aide sociale à l'enfance.
Ce jeudi, une première audience examinait le cas d'un seul mineur isolé. Le tribunal s'est laissé jusqu'à ce vendredi pour statuer et laisser le temps au département de régler la situation d'urgence du mineur de 13 ans. Jeudi soir, ce dernier a été mis à l'abri par le Département dans un foyer pour jeunes de la ville de Carros non loin de Nice, a informé son avocat.
Le Département n'avait envoyé aucun représentant à l'audience. D'autres audiences suivront à partir du 5 septembre, le juge laissant le temps au Département pour régulariser la situation des autres migrants avant l'audience.
Un dispositif d'accueil saturé
Le dispositif d’accueil du département est saturé, se défend le Conseil départemental. Son président (LR), Charles-Ange Ginésy, se dit confronté à une "explosion" de l'afflux migratoire, en particulier des mineurs non accompagnés (MNA). L'institution indiquait à la mi-août qu'elle "héberge et évalue tous les mineurs non accompagnés qui lui sont signalés", attribuant la situation d'attente des mineurs isolés à l'absence de signalement.
Pourtant, dans le cas des jeunes du commissariat Auvare, "le préfet confirme avoir saisi le Département quand ils étaient à la police aux frontières", à leur arrivée par l'Italie, explique Maître Zia Oloumi, qui affirma voir également fait un signalement lui-même, par mail, le 24 août.
Le 29 août, les services départementaux ont connu un pic historique d'afflux de migrants mineurs, avec 912 accueils en hébergement sur le même jour. Un "chiffre record jamais atteint', rapporte le département.
53% de plus
Entre janvier et la fin d'août 2023, le département indique avoir pris en charge 4 736 mineurs non accompagnés. C'est 53% de plus qu'à la même période l'année dernière.
Le début d’année 2023 a été marqué par une explosion de la prise en charge des mineurs non accompagnés avec une hausse de 40 % du nombre de jeunes accueillis au premier trimestre.
Charles-Ange Ginésy, président du Département des Alpes-Maritimesdans une lettre à Emmanuel Macron
Débordé par l'afflux, le président du Conseil des Alpes-Maritimes renvoie la balle au gouvernement. Dans une lettre envoyée à Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, il affirme que les services départementaux ne sont plus en capacité de prendre en charge le flux migratoire. "Les répercussions dramatiques quant à la gestion des mineurs non accompagnés, aujourd’hui victimes collatérales de flux migratoires d’envergure internationale", écrit-il dans la lettre, citée par Le Figaro.
La secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubela, a répondu ce mardi avec le lancement d'une enquête flash nationale sur la gestion des mineurs non accompagnés.
Un "manque d'organisation" pointé du doigt
En plus de ceux du département, les services de l'État sont pointés du doigt par les associations. "Le délaissement d'enfant est un délit pénal, et c'est la police qui commet ce délit", avance David Nakache, président de l'association niçoise d'aide aux migrants Tous citoyens, au sujet de la non-prise en charge des mineurs par les commissariats des Alpes-Maritimes.
Une audience parallèle doit d'ailleurs avoir lieu au tribunal pour enfant de Nice ce vendredi, impliquant une partie des mineurs déclarés déjà défendus au tribunal administratif.
"Ce n'est pas le débordement qui pose problème, c'est le manque d'organisation", affirme Maître Oloumi, qui rappelle que les autorités départementales avaient su réquisitionner des gymnases pour loger les mineurs lors d'un précédent afflux de migrant, en avril 2023.
David Nakache, de l'association Tous citoyens, regrette en outre que les mineurs soient orientés par la police uniquement vers le commissariat niçois Auvare, créant cette situation de saturation.