Dans un livre choc sur les EHPAD, un enseignant de Nice annonce la fin des hébergements pour personnes âgées

Les atteintes graves à la dignité des personnes âgées dans de nombreux EHPAD ne cessent d'être dénoncées. Gérard Brami a dirigé pendant 40 ans des EHPAD dans les Alpes-Maritimes. Ce docteur en droit, enseignant à la faculté, annonce la fin de ces établissements.

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L’homme est simple, posé, précis, méticuleux. Lorsqu’il aborde la thématique de son dernier ouvrage (il en a publié une trentaine) intitulé "La fin des Ehpad ? Réalités ignorées et vérités rejetées" il sait parfaitement de quoi il parle.

Les EHPAD publics, il y a passé 40 ans de sa vie. Il en a dirigé, à Cagnes-sur-Mer, à Vence, à Peille dans les Alpes-Maritimes et ailleurs. Il en a auditionné d'autres. Formateur, consultant, ce directeur d’hôpital honoraire est également juriste, expert en droit de la santé.

C’est dire si chaque information est plusieurs fois vérifiée, chaque questionnement confronté à moultes rapports sous plusieurs décennies de gouvernements, chaque mot pesé et lourd de sens.

Lorsque Gérard Brami pose la question de la viabilité des EHPAD, c'est déjà, pour lui, chronique d'une mort annoncée. 

Plus de 80% des Français ne veulent pas entrer en EHPAD ou y faire entrer un parent !

Le dossier est explosif et dramatique

L’image de ces établissements, mouroirs pour nombre d’entre eux, est catastrophique. Les fissures sont inexorables. À juste titre au regard des révélations éprouvantes et émouvantes de l’enquête menée par le journaliste indépendant d’investigation Guillaume Castanet, sur les groupes privés, Orpéa et Korian dans son ouvrage "Les Fossoyeurs" aux éditions Fayard.

Idem pour l’ouvrage d’Anne-Sophie Pelletier ("EHPAD, une honte française" aux éditions Plon).  

Un système qui clairement ne fonctionne pas bien et abime les plus fragiles.

Hospices, puis maisons de retraite, puis maisons de retraite médicalisées et enfin, Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes EHPAD.

L'évolution sémantique parle d'elle-même. Ajoutons que les EHPAD ont amalgamé un nombre de missions et de prestations qui n'est pas leur métier et que donc ils ne savent pas faire. Enfin, additionnons encore à cela le manque indécent de moyens et les effectifs de personnels, très insuffisants..

Indicateur d’envergure : les métiers d’aides-soignantes et d’infirmières arrivent en tête des métiers les plus à pourvoir dans les prochaines années.

Le ratio des personnels est explicite avance Gérard Brami :

Il y a 65 salariés pour 100 résidents dans les EHPAD publics et, encore moins, c’est-à-dire, 55 salaries pour 100 résidents dans les établissements privés à titre commercial. Or, le ministre Philippe Bas, avait préconisé, en 2006, 100 salariés pour 100 résidents, tous services confondus (soins, restauration, lingerie, administration…)

Gérard Brami.

Gérard Brami a des formules qui font mouche : « L’EHPAD c’est une institution perdue de la République sociale. Qui dit institution dit normes, règlements, législation, recommandations, tout ce qui est contraignant et, quand vous êtes contraint par le papier, par le formalisme, vous ne pensez plus à la personne âgée. Vous n’accompagnez plus une personne mais vous décrivez un processus formel d’accompagnement de la personne. »           

Le rapport Laroque de 1962 avait déjà établi l’absolue priorité du maintien à domicile pour les personnes âgées. Si beaucoup de choses ont été faites dans ce sens, elles restent dramatiquement insuffisantes.

« Depuis 20 ans, on crée des établissements privés à but commercial. Ils coûtent à minima 2500, 3000 euros or, la retraite des personnes âgées pour plus de 90 % d’entre elles en France, c’est moins de 1.900 euros, et souvent même moins de 1.500 euros. Et n’oublions pas que ce sont des personnes qui ont travaillé 50 heures par semaine et plus, et qui ont fait les 30 glorieuses. »

Deshumanisation, incohérence

Où est la qualité de vie de ces personnes âgées qui sont devenues une population invisible, sans lobbying et qu’on ne cesse d’abandonner ?

Au Danemark, une décision datant de 1987 interdit la construction de ce type d’établissement. Dans l’Hexagone, c’est un rapport de 2021, rédigé par deux sénateurs qui préconisent clairement l’arrêt de construction des EHPAD.

Tout va dans le sens du maintien à domicile. Excepté la fin de vie. Nos parents, nos grands-parents veulent finir leur vie à la maison, chez eux. Y mourir aussi. Ils entrent de plus en plus tardivement dans les EHPAD et 1/3 de nos ainés y meurent dans la 1e année de leur admission. 

Pour Gérard Brami, la gravité du problème le rend explosif : 

Dans un rapport récent on nous dit qu'on adapte environ 70.000 logements , 80.000 logements par an. Mais il y en aurait selon ce même rapport 2 millions ! Vous vous rendez compte ? Cela signifie qu'il faudrait attendre 20, 30 ans pour adapter tous ces logements pour des gens qui ont une durée de vie de 2, 3, 4 ou 5 ans !

Gérard Brami.

Dans son ouvrage, le Niçois propose des solutions. Mais c’est à la population de se saisir du sujet qui à plus ou moins long terme nous concernera tous.

Gérard Brami est présent à la 26e édition du Festival du Livre de Nice sur le stand de la librairie La Procure. Il interviendra pour échanger avec le public ce dimanche à 14h30.                

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