Alors que le Parlement lance une consultation sur le cannabis dit "récréatif", les "CBD shop", boutiques où l'on propose à la vente un dérivé du cannabis, le cannabidiol se multiplient.
Huile, infusion ou e-liquide, de plus en plus de produits contenant du CBD (cannabidiol) se commercialisent et font le succès des CBD shop. La loi française ne considère pas le CBD comme un stupéfiant et donc autorise son utilisation (>Le point sur la législation).
Dans le centre-ville de Nice, on trouve désormais des dizaines de magasins : "la demande explose en ce moment, et la concurrence avec" explique un gérant de boutique.
Elles sont en effet nombreuses aux quatre coins de la ville :
CDB shop France est le leader sur la Côte d'Azur. "En France, on a trente magasins, dont huit ouverts dans les Alpes-Maritimes et deux ouverts prochainement" explique son créateur.
Le premier magasin a vu le jour il y a presque trois ans à Nice et depuis, "Il y a de plus en plus d'affluence chaque année, on observe vraiment une augmentation de la clientèle en magasin" nous explique Nini, gérant de la boutique.
"Pour me détendre"
Les raisons sont diverses, certains viennent pour arrêter de fumer des substances illicites d'autres pour essayer ou alors pour mieux dormir. C'est le cas de Maxime, consommateur de CBD :
Je fumais du cannabis avant, j'ai voulu essayer pour me détendre et mieux dormir et en effet, je dors mieux, ça me pose, sans me défoncer.
Une législation encore floue
A la différence du THC, molécule psychoactive du chanvre, le CBD n’a pas d’effet stupéfiant, mais «relaxant».
Pour être commercialisé, le cannabidiol doit contenir moins de 0,2% de THC. Pour Nini, gérant du CBD shop France à Nice "On ne garde que le bon côté de la plante, toutes les vertus thérapeutiques et on supprime le côté psychotrope et addictif du cannabis".
En novembre dernier, la Cour de justice européenne jugeait illégale l'interdiction de vendre du CBD en France. Dans ce communiqué, elle indique que la substance "n'apparaît pas avoir d'effet psychotrope ni d'effet nocif sur la santé humaine". Pour autant la législation française reste floue.
Les vendeurs n'ont pas le droit de vendre la fleur pour une combustion, c'est-à-dire pour être fumée mais seulement en tant qu'infusion ou produit dérivé.
Alors peut-on se faire sevrer du cannabis avec du CBD ?
Pour l'addictologue Christian Carrère, "Si le commerçant respecte toutes les règles, et que le CBD ne contient que 0,2% de THC, le CBD fera l'effet d'un placebo".
Le placebo peut avoir 30% d'effets positifs dans ce cas là, je dis tant mieux ! Il ne faut surtout pas les dissuader.
Dans le cas d'une utilisation pour un meilleur sommeil, pour l'addictologue :"Il vaut mieux prendre du CBD, que des somnifères -qui là ont une très forte dépendance-. Moi, je me bats avec mes patients pour qu'ils ne prennent pas de somnifères".
"On ne peut pas être accro au CBD"
"On ne peut pas être accro au CBD, sauf si il y a plus que 0,2% de THC, car c'est bien le THC qui est addictif" conclut Christian Carrère, psychiatre et addictologue à l'Association nationale de prévention de l'alcool et des addictions A.N.P.A.A.
Autre son de cloche, pour le Docteur Ceruti, psychiatre et addictologue au CHU de Nice : "On ne peut pas vraiment considérer le CBD comme une substitution, ce n'est pas une solution en soi. Il n'y a pas de THC mais, il peut y avoir une dépendance psychologique. avec des symptômes d'anxiété dès que l'on arrête".
Enfin pour ce dernier, le problème vient du fait que le CBD soit fumé: "On garde quand même tous les effets délétères de la combustion, le gain est minime surtout s'il est mélangé avec de la cigarette et tous les poisons qu'elle contient".
"On est ni médecin, ni pharmacien"
Les vendeurs de CBD se défendent de ne pas mettre en avant les côtés thérapeutiques du cannabis lors des ventes. "Un client peut dire qu'il arrive mieux à dormir, que ces tensions musculaires disparaissent mais nous, nous ne pouvons pas nous en servir comme argument de vente" explique un gérant de boutique.
La plateforme gouvernementale drogue.gouv rappelle que les produits contenant du CBD demeurent soumis au respect des dispositions législatives françaises, et plus particulièrement des suivantes :
Ils ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament par l’Agence nationale de sécurité du médicament.
La pizza qui fait un carton
Pour d'autres, c'est le goût de la plante qui est recherché. Un pizzaiolo niçois l'a bien compris et a créé sa pizza au CBD et "le supplément CBD" pour 3€.
Ça plaît beaucoup, les gens goûtent au début et ils reviennent.
Quelques grammes de cannabis pour remplacer l'origan ou les herbes de Provence, la recette du succès pour Steeve Bonnet : "C'est devenu un incontournable, au début c'était la pizza de la semaine maintenant on l'a transformé en supplément CBD (...) et ça cartonne".
Alors, la pizzeria a décidé d'étendre son choix avec des cookies ou encore un tiramisu à base de CBD.
Bientôt, une expérimentation et une consultation
Autorisée en 2019, une expérimentation du cannabis thérapeutique (à l'exception de celui à fumer) doit être lancée par l'Assemblée nationale.
Elle concernera au moins 3 000 patients souffrant de maladies graves. Elle devrait commencer au plus tard le 31 mars après avoir été repoussée en raison de la crise sanitaire.
Pour le cannabis dit "récréatif", le Parlement lance une consultation depuis ce mercredi 13 janvier.
Elle doit prendre la forme d'un questionnaire sur cinq ou six points mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale pour une durée d'environ un mois.