En 2014, la vente d'antibiotiques à l'unité était testée en Paca : retour sur l'expérience

Pour éviter la pénurie de médicaments, le gouvernement entend rendre obligatoire la distribution de certains antibiotiques à l'unité. En 2014, une expérimentation avait été lancée dans quatre régions de France, dont la Provence-Alpes-Côte d'Azur.

"Les antibiotiques, ce n'est pas automatique", si ce slogan d'une campagne gouvernementale de 2002 est bien resté dans les mémoires et a montré son efficacité, la consommation reste encore trop importante en France. D'après une étude menée en 2021 par Santé Publique France, l'hexagone est le quatrième pays européen le plus consommateur d'antibiotique, derrière la Grèce, la Roumanie, et la Bulgarie. 

Dès 2013, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé de François Hollande, exprimait la volonté de s'attaquer une fois de plus à cette surconsommation. Son idée, la distribution d'antibiotiques à l'unité, pas une pilule de plus que ce qui est prescrit sur l'ordonnance. Aux pharmaciens de sortir leurs paires de ciseaux pour réduire les plaquettes. 

Dès 2014, une expérimentation était lancée (décret paru au Journal officiel du 16 septembre 2014)  à l'aide d'une centaine de pharmacies volontaires dans quatre régions différentes : le Limousin, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Lorraine et l'Île-de-France.

75 devaient délivrer à l'unité et 25 poursuivre à la boîte, en tant que pharmacies témoins pour pouvoir comparer. 14 antibiotiques différents étaient concernés. 

De nouvelles normes apparues depuis

Pour la région Paca, ce sont huit pharmacies qui ont participé entre 2014 et 2015. Parmi lesquelles la pharmacie du Bosphore, à Marseille. Pierre Lemercier se souvient d'un travail "contraignant, car il y avait des rapports à faire tous les soirs du fait de l'expérimentation, mais le fonctionnement était relativement faisable."Pendant un an, il sortait sa paire de ciseaux pour délivrer à l'unité puis compilait toutes ces actions chaque soir, dans un journal de bord. "Il y a même des gens qui sont venus nous chronométrer lors des délivrances, c'était une étude très sérieuse", rapporte-t-il. Seulement depuis, neuf années ont passé, durant lesquelles de nouvelles normes sont arrivées dans les délivrances de médicament "qui complexifieraient les choses aujourd'hui."

Il faut de nouveaux outils, mais ça devrait être faisable.

Pierre Lemercier - Pharmacien qui a participé à l'expérimentation de 2014-2015

Ni pour ni contre, pour lui cette demande de réitérer est "logique, car il y a trop de gaspillage et on manque de médicaments. Après ça nous donne du travail en plus, on espère qu'ils nous donneront les moyens nécessaires."

Réduction de près de 10% du nombre de comprimés distribués

Pierre Lemercier ne se souvient pas avoir eu de restitution de cette étude, après l'expérimentation, c'est la première fois qu'il entend parler d'une adoption réelle de cette mesure, neuf ans après.

Pourtant, l'équipe de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a bien publié cette étude, en 2017, dans la revue scientifique PLOS One. Les conclusions étaient même plutôt positives avec une réduction de 9,9% du nombre de comprimés dispensés. Côté patients, ils étaient 80% à accepter cette dispensation unitaire. Un hic tout de même, le coût d'un tel dispositif alors même que la charge de travail supplémentaire pour les pharmaciens et les modifications imposées aux industriels n'ont pas été évaluées. 

Cette même année 2017, c'était Agnès Buzyn qui officiait en tant que ministre de la Santé d'Emmanuel Macron. Interrogée par Le Figaro au sujet de l'étude, la ministre a rappelé le caractère complexe d'une telle mesure : "quand vous vendez les médicaments à l'unité vous perdez en fait la traçabilité de la boîte et donc il y a des risques pour les malades." 

"Une fausse bonne idée"

Derrière son ordinateur, Cyril Colombani de l'union syndicale des pharmaciens d'officine des Alpes-Maritimes consulte l'état des stocks de son grossiste, "je n'ai strictement rien de disponible, aucun des produits, je ne peux rien commander", constate-t-il auprès de notre équipe de journalistes venus à sa rencontre ce jeudi 21 septembre. Si le manque de médicaments l'inquiète, pour lui, cette  vente d'antibiotiques à l'unité est une "fausse bonne idée".

Le conditionnement des boîtes est fait pour correspondre à un traitement. 90-95% des médecins prescrivent en suivant les règles de la Haute autorité de Santé. Donc on est sur un traitement qui équivaut à une seule boîte. Donc le nombre de boîte que l'on serait amené à modifier est très faible. Ce n'est pas avec ça que l'on pourra fournir l'intégralité des traitements.

Cyril Colombani - Union syndicale des pharmaciens d'officine

Pourtant, le pharmacien a déjà l'habitude de délivrer des médicaments à l'unité, pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à l'aide d'une machine.

Seulement, celle-ci est "appropriée pour des traitements chroniques, mais pas pour une maladie aiguë nécessitant des antibiotiques." Tout comme la ministre de l'époque Agnès Buzyn, il s'inquiète également des soucis de traçabilité et de stockage engendrés. Enfin, même le conditionnement des médicaments est à revoir avec un tel changement, "le système français n'est pas adapté", conclut-il. 

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