Dans ce haut lieu du baroque niçois, les sculptures de l'artiste Jean-Marie Fondacaro invitent les visiteurs à un dialogue. Son œuvre répond et se confronte, dans un riche écrin de dorures, aux réalités du monde futur. Une surprenante conversation d'où jaillit la pleine humanité de l'artiste.
Quand l’artiste parait, toutes les pièces exposées prennent une autre dimension. La chevelure, domptée, laisse place à un regard d’une douceur incomparable. Jean-Marie Fondacaro fait partie de cette infime frange d’artistes qui ne fait véritablement qu’un avec son œuvre.
A l’intérieur du Palais Lascaris, fresques, tapisseries, salons et mobilier, tout respire le luxe. Le décor, baroque flamboyant, donne à voir qu’ici était la demeure d’une des plus grandes familles de la noblesse niçoise.
Le contraste avec ces petits corps immaculés autant qu’enchevêtrés est saisissant.
Parce que, dès que l’on franchit le seuil du musée, c’est dans ce qui fut autrefois la pharmacie que les sculptures de Jean-Marie Fondacaro accueillent le visiteur. Et là, c’est une conflagration entre deux mondes. Pas étonnant que Le Peuple, en ce lieu, agrippe et interroge avec autant de force. C’est une humanité brute qui s’offre aux regards ; une humanité dont on ignore, en la regardant, si elle pourra continuer de progresser entre déséquilibre, tension, élan et immobilité.
"J’aurais aimé installer Le Peuple dans une des salles baroques parce que la confrontation avec le lieu en aurait été que plus forte." explique Jean-Marie Fondacaro.
L’intérêt de la salle de l’ancienne pharmacie est que l’espace est comme une page blanche avant la montée dans les étages bouillonnants du bruit de l’histoire.
Jean-Marie Fondacaro
Une espèce de danse silencieuse où chaque corps est enraciné dans le sol. Une jambe plantée, comme un pivot, tandis que l’autre s’envole dans un élan plein d’enthousiasme et de vie.
Où sont la peur et l’hésitation qui caractérisent chaque être humain ? Elles semblent transcendées par une autre volonté : celle de s’élever vers le ciel. Etrange dichotomie autour de laquelle s’organise la destinée de chacun.
Il faut monter par l’escalier monumental qui mène à l’étage noble du Palais Lascaris pour découvrir la suite de l’exposition Regard de l’Aube. C’est ici qu’est accueillie une série de bustes d’enfants.
Visages d'enfants
Le choc est redoutable. Ces visages d’enfants interpellent, questionnent, et parfois même sourient, peut-être à l’idée de se retrouver si loin de leurs terres d’origine imaginées par l’artiste.
Des ocres rouges, orangées, brunes. Une gamme chromatique qui renvoie immédiatement à l’élément terre. Une terre souvent inhospitalière où les peuples des origines ont commencé de vivre. Avant qu’ils ne puissent plus que survivre. Ici le visage encore poupin d’un enfant aborigène. Là, celui d’un plus grand dont le regard se perd au bout d’un horizon de stucs et de dorures.
Nous sommes dans un espace d’exposition qui pose avec une grande acuité les questionnements à propos de l’avenir.
Quel futur pour ces enfants ? On ressent toute l’émotion avec laquelle Jean-Marie Fondacaro a pétri ces visages. Chaque bosse, chaque empreinte, chaque trait de peinture exprimant la nuit des origines est bouleversant de puissance et de fragilité mêlées.
Je voulais que dans cette riche pièce, la noblesse naturelle de ces enfants réponde à celle des anciens maîtres des lieux. C’est leur rendre hommage pour les êtres humains qu’ils sont. Plus encore dans les pays où ils vivent, dont les conditions ne cessent de se durcir.
Jean-Marie Fondacaro
Le sculpteur, aux origines calabraises, connait intuitivement les douloureux passages de l’exil. Ces Enfants sont ces derniers travaux. Leurs regards nous enjoignent à une quête de vérité, une introspection responsable autant que spirituelle.
Quel est ce monde où tant de possibles sont à portée de main et ne s’ouvrent véritablement que sur de pâles espoirs déçus ? Quel futur allons-nous laisser ?
Exposition jusqu'au 22 mai 2022
Regard sur l’Aube, c’est aussi la perte tragique de l’innocence du petit enfant. Quelles sont ces promesses que nous ne tiendrons pas ? Quelle est cette humanité dont l’avancée en âge privera ces petits de l'Homme ?
Ces terres cuites, issues de quelques matrices seulement, retravaillées sans cesse, sont autant d’horizons qui s'éloignent chaque fois que Jean-Marie Fondacaro tente de s’en approcher. Un écho qui nous rappelle combien la transmission est précieuse.
A voir sans tarder au Palais Lascaris avant le 22 Mai 2022.