Trois professionnels de santé étaient poursuivis pour avoir délivré, en pleine deuxième vague de Covid, près de 500 faux certificats de tests, tous négatifs, alors que les analyses n'avaient pas été réalisées. Ils travaillaient dans les laboratoires d'un même groupe à Nice, Peymeinade et Montauroux dans le Var.
Ils ont été reconnus coupables d'établissement et d'usage d'une attestation ou certificat inexacts, et de mise en danger de la vie d'autrui.
Trois professionnels de santé, un médecin et deux biologistes médicaux, ont été condamnés ce lundi 20 février à des peines de 8 à 18 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Nice. Des peines assorties d'amendes de 5 000 à 15 000 euros, et d'une période d'interdiction d'exercer allant de 1 à 3 ans.
Tous trois travaillaient au sein du même réseau de laboratoires d'analyses, le groupe Eurofins Labazur ilab, dans les officines de Nice, Peymeinade (Alpes-Maritimes) et Montauroux (Var). Ils étaient jugés pour avoir, entre le 1er septembre et le 8 octobre 2020, délivré près de 500 certificats de test Covid négatifs à des patients pour lesquels les prélèvements n'avaient pas été analysés.
Le médecin Romain Zanchi, à l'époque responsable du laboratoire, était présent au tribunal ce lundi, accompagné de son père Gérard, biologiste aujourd'hui à la retraite. Tous deux ont visiblement accusé le coup à l'énoncé de leurs condamnations qui vont au-delà des réquisitions. Ils ont invoqué le contexte dans lequel ces faux certificats ont été délivrés, en pleine deuxième vague de Covid en France :
Nous étions quasiment en situation de guerre. Nous avons agi ainsi pour éviter des situations d'émeute au sein de nos laboratoires.
Gérard Zanchi, biologiste médical.
"Nous payons aujourd'hui pour de multiples dysfonctionnements de l'époque au niveau de nos sous-traitants, qui n'arrivaient pas à analyser les échantillons dans les délais", nous explique son fils Romain Zanchi.
Passé un délai de 48 h, les échantillons prélevés sur les patients n'étaient plus valables. Les trois professionnels ont été condamnés pour avoir établi des certificats -tous négatifs- parfois sept jours plus tard, opération nécessitant une validation manuelle. Des actes pour lesquels ils ont exprimé leurs regrets : "Il aurait fallu que l'on déclare les échantillons non conformes. Nous avons pris la mauvaise décision", poursuit Gérard Zanchi.
En pleine deuxième vague de Covid
L'alerte avait été donnée par une patiente étonnée d’obtenir un résultat négatif dans ce laboratoire alors qu'elle avait été diagnostiquée positive par ailleurs. Les perquisitions avaient ensuite mis en lumière une suspicion de fraude sur 497 tests.
"Ces professionnels ont pris ces décisions en pleine crise", estime Romain Guerinot, avocat de Guillaume Collet, biologiste, lui aussi condamné. Il déplore :
On est en train de créer une jurisprudence concernant la mise en danger de la vie d'autrui en matière de Covid !
Romain Guerinot, avocat d'un biologiste condamné.
Le groupe de laboratoire Eurofins Labazur ilab, qui s'était constitué partie civile, se voit attribuer 2000 euros de dommages et intérêts que les trois professionnels condamnés devront assumer solidairement.
Romain et Gérard Zanchi devront également verser 4000 euros pour le préjudice subi à l'Ordre national des pharmaciens dont ils dépendent.
La CPAM s'est en revanche vue débouter de sa demande.
Pas de dommages et intérêt pour l'Assurance-Maladie
Le tribunal a en effet relaxé les trois prévenus du chef d'escroquerie auprès d'un organisme de service public.
Suite à la découverte des faits, les CPAM des Alpes-Maritimes et du Var avaient dénoncé un préjudice de plus de 25 000 euros, pour le remboursement des analyses qui n'avaient pas été réalisées.
Les trois professionnels ont toujours souligné n'avoir tiré aucun profit de leurs agissements, le remboursement des tests étant versé au laboratoire.
Pour autant, cette relaxe du chef d'escroquerie est jugée "critiquable" par l'avocat de la CPAM des Alpes-Maritimes :
"Pour nous, il y a bien eu escroquerie. Car les deniers publics, à hauteur de 54 euros par test non réalisé, ont bel et bien été décaissés par l'Assurance-Maladie", réagit Maître Benoit Vérignon.
Romain et Gérard Zanchi affirment n'avoir établi de faux certificats que pour des "cas asymptomatiques, de confort", faisant "toujours passer les cas symptomatiques et les personnels de santé en urgence". Il est cependant impossible de savoir combien de personnes positives sans le savoir ont pu transmettre le virus. Impossible donc de mesurer les conséquences de leurs agissements en termes de santé publique.
Les parties ont dix jours pour faire appel du jugement.