INTERVIEW. "Congédié comme un laquais, ce n’est pas comme ça que je m’imaginais Estrosi" explique Henry-Jean Servat

Le maire de Nice, Christian Estrosi, a mis fin aux délégations du conseiller municipal Henry-Jean Servat, dévolues à la condition animale et au cinéma. Il s’est livré à France 3 Côte d’Azur sur cette polémique qui a pris de l'ampleur ces dernières heures.

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Chistian Estrosi a décidé de mettre fin aux délégations du conseiller municipal Henry-Jean Servat. Un point final "actant la rupture de confiance" fait savoir l'entourage du premier édile niçois, après les propos tenus par son conseiller municipal.

Henry-Jean Servat a critiqué certains aspects de la politique culturelle de la plus grande ville des Alpes-Maritimes. D'abord chez nos confrères de Nice Matin, puis au micro d'une radio locale. Au programme, les oeuvres de Richard Orlinski, le regret de la destruction du TNN, l'opéra niçois et ce qu'il nomme comme "une tendance woke de ses programmes"

Les statues, on s’en fout. Moi, je ne les aime pas, d’autres les aiment. On s’en fout complètement. On ne vire pas quelqu’un d’une mairie parce qu’il n’aime pas les statues.

Henry-Jean Servat

Remercié, il n'a pas gardé son smartphone dans la poche et a dégainé sur Twitter quelques lignes acerbes.

Rencontré ce jeudi 22 juin par une équipe de France 3 Côte d'Azur, le journaliste s'est confié sur ces derniers épisodes.

"Du jour au lendemain, j’ai été congédié comme un laquais"

"Depuis 3 ans, je suis conseiller municipal, je m’occupe des animaux et du cinéma. Tout se passe divinement bien. Nice a été classée deux fois de suite meilleure ville de France pour vivre avec son animal. J’ai été élu, moi, meilleur conseiller municipal" débute-t-il.

De ces trois années passées au sein de l'équipe municipale, il garde un très bon souvenir : "Je le regrette, car j’adore les animaux, et j’aurais aimé continuer. On avait entrepris des choses magnifiques à Nice avec eux. Je ne sais pas si ça continuera, je l’espère."

"Pas le petit doigt sur la couture du pantalon"

Henry-Jean Servat ne tait pas son franc-parler et sa manière d'aborder certains sujets. Une marque, un peu frontale de son expression, qui l'a desservi récemment auprès de Christian Estrosi.

"J’ai fait une interview, j’ai dit que les statues étaient moches (de Richard Orlinski, présentes depuis peu à Nice, NDLR) et qu’il y avait une dérive woke à l’opéra. Christian Estrosi, que je prenais pour un intellectuel ouvert et libéral, s’est montré très tyrannique si j’ose dire, puisque, du jour au lendemain, j’ai été congédié comme un laquais. Ça ne m’a pas fait plaisir sur le champ, mais j’ai d’autres choses dans ma vie."

Il y a une intolérance. Vous savez, maintenant, on met les choses au pas, il faut avoir le petit doigt sur la couture du pantalon. Il n’y a plus de fantaisie. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire. Je n’ai volé personne, je n’ai tué personne, je n’ai insulté personne… J’ai fait beaucoup d’émissions de télévisions dans ma vie, énormément, et on finit par acquérir une façon un peu désinvolte de parler. Je ne suis pas le petit doigt sur la couture du pantalon. Je pense que l’on n’a pas aimé cela. 

Henry-Jean Servat

Passionné de théâtre et d'opéra

Ses récentes sorties sur le théâtre ou l'opéra, Henry-Jean Servat les assume. "J’en ai mis en scène de l’opéra. J’ai habité chez Pavarotti, j’ai nagé dans sa piscine. J’ai écrit un bouquin sur la Callas, que m’a préfacé Roberto Alagna. J’ai fait un bouquin sur Luis Mariano que m’a préfacé Rolando Villazón, je connais par coeur ces gens, et j’ai quand même le droit de dire que la mise en scène de l’opéra était nulle. D’ailleurs, la moitié de la salle était debout pour conspuer, mais ça n’entame rien à la gloire de l’opéra de Nice." 

Le vrai problème est là, est-ce que l’on a le droit, lorsque l’on est dans un conseil municipal, sans insulter personne, de dire qu’il y a une mise en scène qui est un peu woke, que la statue du gros ours n’est pas forcément très jolie, et que le théâtre, c’est triste qu’il soit parti ? Je n’ai pas l’impression d’avoir fait contre Estrosi une fronde terrible. En plus je l’aime bien, du moins je l’aimais bien, et n’avais rien contre lui.

Henry-Jean Servat

Du bon usage du franc-parler

Le journaliste qui a oeuvré pour les Niçois durant trois années a l'impression de payer son franc-parler : "J’ai le courage, et j’espère que les gens l’apprécie, d’être franc, d’avoir la liberté de parole et de dire ce que je pense, d’être sincère et loyal. Mais, manifestement, à Nice, ce n’est pas le cas. On n’aime pas les gens sincères et les gens loyaux." 

Cela m’étonne d’autant plus que je ne pensais pas qu’Estrosi était comme ça. Je le connais depuis longtemps.

Henry-Jean Servat

Sur le Théâtre National de Nice, "je n’ai rien dit", avance Servat. "Je suis journaliste, je travaillais pour Libération à l’époque, je suis venu ici à Nice pour faire le compte-rendu de l’inauguration de ce théâtre avec Jacques Weber. Il y avait la grande salle, et il y avait la salle Pierre Brasseur. C’est moi qui ai écrit le papier. J’ai été le critique de théâtre de Libération, on ne peut pas me dire du jour au lendemain de ne pas aimer le théâtre. Et je peux quand même dire dans une question que je le regrettais, mais sans plus. Je m’en fous, il est cassé le théâtre, mais on peut dire qu’on le regrette et après, on passe à autre chose."

J’ai une qualité que tout un chacun me reconnait : la sincérité et le franc-parler. Je ne vais pas être hypocrite.

Henry-Jean Servat

Henry-Jean Servat n'est pas allé contre la volonté du maire dans ce projet de refonte du théâtre local. "Je suis fou de théâtre et je suis fou d’opéra. Je suis très content qu’il y ait eu ce théâtre à Nice, je ne vais pas militer pour qu’on ne le casse pas, je l’ai accepté avec un peu de mélancolie, car c’était un bel endroit et que je l’avais vu naitre, c’est tout."

Pas militant, mais un peu nostalgique, Henry-Jean Servat aura payé de ses délégations le souvenir de cette naissance.

Pas de discussion directe avec Christian Estrosi

Le fond, et la forme. C'est ce dernier point que regrette également Henry-Jean Servat. Le maire de Nice ne l'a pas directement et personnellement informé de sa prise de décision à son endroit.

"J’aurais aimé qu’il me rencontrât dans son bureau, qu’il m’invitât, et j’aimerais entendre 'Ça va, ça va pas'. Là, il me l’a fait dire par son directeur de cabinet."

Comme dans une tirade écorchée, il linterpelle. "Pardon Christian, pardon, mais je trouve qu’il y a un manque de panache, un manque de courage, un manque de cran…" reproche Henry-Jean Servat. 

En plus, je n’ai jamais démérité. Il y en a plein qui complotent. Je n’ai jamais comploté à la mairie, je n’ai jamais dit une seule phrase de Servat contre Estrosi.

Henry-Jean Servat

Cette séquence semble laisser un goût amer à Henry-Jean Servat : "J’ai été stupéfait. Je me dit 'Mais ma parole, ils sont dans les mains de qui les Niçois si on ne peut pas dire une phrase comme ça !'"

Et de conclure : "J’ai été congédié comme un laquais, ce n’est pas comme ça que je m’imaginais Estrosi et la Ville de Nice."

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