Agé de 81 ans, Jean-Charles Terrassier, le président et fondateur de la première ANPEIP, l’association française dédiée aux enfants intellectuellement précoces, s’est éteint à Nice ce 1er janvier 2022.
Jean-Charles Terrassier aura marqué de son vivant des générations d’enfants surdoués, à Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Ce psychologue clinicien natif de Cannes a été précurseur dans la détection et l’accompagnement des jeunes précoces. Et de leurs familles. Son cabinet, installé à Nice au 34 de la rue Paul-Déroulède, les accueillait il y a encore peu.
Dans une vidéo de l’ANPEIP, il revenait sur la création de cette association qui s’est déployée à travers 25 antennes nationales, et dont le siège de la fédération est resté à Nice.
"En 1971, quand j’ai fondé avec quelques amis, quelques parents, des orthophonistes, des enseignants, la première association française pour les enfants précoces, et bien, il n’y avait personne qui traitait de ces questions. Nous avons décidé d’entreprendre cette action parce que personne ne s’y intéressait et que personnellement, en tant que psychologue, j’avais été confronté à beaucoup d’enfants précoces dont la précocité – disons le très clairement – passait à la trappe" expliquait le psychologue dans cette vidéo de 2018.
Le père de la dyssynchronie
La détection de ces hauts potentiels était il y a quelques décennies, balbutiante, et souvent, ces enfants étaient voués à une forme d'échec scolaire.
Les enfants précoces sont des enfants retardés en réalité par le système éducatif dans leur développement,
Jean-Charles Terrassier
Jean-Charles Terrassier a contribué à théoriser certaines notions pour mieux détecter ces jeunes potentiels - y compris grâce à des tests spécifiques qui portent son nom, et leur allouer des méthodes éducatives novatrices.
"Il est parfois difficile d’identifier un enfant précoce. Pourquoi ? Parce qu’il est intellectuellement précoce, mais il n’est pas précoce dans tous les domaines. Ca s’appelle la dyssynchronie. C’est le décalage interne entre le développement intellectuel très précoce et le développement affectif qui est de l’ordre de l’âge de l’enfant. Et le développement psychomoteur, qui est un peu en avance, mais pas autant que sur le plan intellectuel."
Dès 1977, il exprime pour la première fois ce concept devant l'association américaine des enfants talentueux, la World Council for Gifted and Talented Children, en Californie.
5 000 enfants accompagnés
En France, beaucoup de structures spécialisées pour les HPI ont suivi les travaux de Jean-Charles Terrassier. A Nice, le lycée Michelet, un établissement privé, a lié une histoire particulière avec le psychologue clinicien.
Pierre Schorter est membre du conseil d'administration du lycée privé dont la femme, Xave Schorter, est la directrice.
"C’est quelqu’un qui a été important pour nous, il a demandé à Michel Pinder, le directeur de Michelet à l’époque, d’ouvrir son collège aux enfants à haut potentiel, intellectuellement précoces comme il aimait à les appeler. C’est quelqu’un que l’on connaissait bien, avant le Covid on déjeunait avec lui de temps en temps. C’est quelqu’un qui était la référence." se rappelle Pierre Schorter.
Lorsqu'il a fallu annoncer la nouvelle à cette rentrée de janvier, de la disparition que beaucoup ont connu, Pierre Schorter confie : "On a été très soft pour l’annoncer car il y a quelques enfants qui étaient accompagnés par lui. C’est quelqu’un qu’on aime beaucoup ici."
Il y a encore un mois et demi, confie t-il, Jean-Charles Terrassier était aux "50 ans de l’ANPEIP, il y a témoigné. Il a toujours défendu la cause des enfants intellectuellement précoces, dans l’Education nationale aussi."
"L’intelligence est partagée partout"
Pierre Schorter se remémore aussi l'engagement de Jean-Charles Terrassier pour tous les enfants, quel que soit leur milieu familial ou social. "Il y a eu des expérimentations qui ont été lancées dans le département. Je pense même, du temps où René Monory était ministre de l’Education nationale. Des expérimentations en quartier populaire avaient été menées. Les enfants précoces représentent 2,3% des enfants, et l’intelligence est partagée partout. Ca a été difficile à l’époque d’arriver à convaincre que, oui, il y avait des enfants intellectuellement précoces dans les milieux populaires, et qu’il fallait les détecter et les accompagner de manière plus spécifique."
Les hommages se sont multipliés sur les réseaux sociaux ces dernières heures. Des personnes HPI, des "zèbres" comme ils aiment s'appeler.
Mais aussi des professionnels de l'enfance ou de l'enseignement spécialisé.
Tous ont une pensée émue pour leur père azuréen.