Après l'annonce de l'éco-taxe de 60 euros pour les voitures embarquant dans les ferries, la ville de Nice ne se cache plus de vouloir voir disparaître ses liaisons de ferry avec la Corse.
Verra-t-on encore l'emblématique jaune et blanc des bateaux de Corsica Ferries flotter dans le port de Nice ?
Déjà, il y a eu l'annonce par Christian Estrosi, lors de la première journée des Assises économiques de la mer le 14 septembre dernier, de l'instauration d'une éco-taxe de 60 euros pour chaque véhicule embarquant depuis le port de Nice.
Puis, "la volonté de la métropole de réaménager et repenser l'espace" du port, qu'a exprimée Gaël Nofri, adjoint et conseiller métropolitain de Nice, sur le plateau du 18h30 de France 3 Côte d'Azur, jeudi 16 septembre.
En bref, le jaune et blanc fait tache sur le turquoise de la carte postale.
Dans l’avant JT @GaelNofri annonce le souhait de la @MetropoleNCA de la fin des liaisons entre Nice et la Corse sur @F3cotedazur #Corse #Nice06
— orsini olivier (@OlivierOrsini) September 16, 2021
Embouteillages et CO2
Premier argument avancé pour justifier un possible arrêt des liaisons entre Nice et la Corse : les bouchons. "Les accès à notre port sont restreints", explique Gaël Nofri. Chaque embarquement et débarquement entraîne "70 % de l'engorgement dans le secteur Est de la ville".
A savoir qu'en moyenne, ce sont 150 000 voitures qui embarquent chaque année – 60% des voyageurs viennant d'une autre région. Et, d'après le maire (ex-LR) Christian Estrosi, elles polluent autant que le navire lui-même : à la tonne de CO2 qu'émet un ferry par traversée, se rajoute une tonne de CO2 à chaque entrée et sortie des véhicules.
Les bateaux doivent se réinventer. Plus propres, moins polluants.
En 2018, l'association France Nature Environnement s'était penchée sur la pollution de l'air causée par les ferries en Corse. Elle était parvenue à des résultats inquiétants : la pollution à Bastia est 37 fois supérieure à la norme lorsque des ferries partent ou arrivent au port.
Un argument écologique qui ne tient pas pour Pierre Mattéi, président-directeur général de Corsica Ferries. "Le bateau est le moyen le plus écologique pour se rendre en Corse" indique-t-il, arguant qu'un seul bateau peut contenir 2 000 personnes contre une petite centaine pour un avion. "Il y a, certes, des progrès à faire, mais le bateau reste plus performant".
Dans les progrès en faveur de la transition écologique, Pierre Mattéi cite notamment la réduction du nombre d'escales et l'électrification des quais ("les navires seront prêts à échéance", assure-t-il). Une taxe carbone sera d'ailleurs imposée à la flotte européenne d'ici 2023. "Corsica Ferries s'adaptera aux nouvelles contraintes".
Assécher le trafic
La fin des liaisons entre Nice et la Corse serait "dommageable" pour les Niçois, mais aussi pour les clients les moins aisés, déplore en outre Pierre Mattéi. "Pour des raisons économiques, les familles ont besoin de leur véhicule", estime-t-il. Il ajoute, faisant référence à l'éco-taxe de 60 euros : "Si les prix sont insoutenables, ils ne viendront plus [en Corse]".
Et Gaël Nofri de déclarer : "Il y aura toujours la possibilité d'aller prendre le bateau dans des endroits plus adaptés". Dans les ports de Toulon, Marseille ou Savone (Italie), donc.
Certes, la métropole de Nice est propriétaire du port. Mais elle ne peut pas décider seule et bannir Corsica Ferries de son port. L'Etat a aussi son mot à dire, et doit veiller au respect de la libre circulation et à la continuité territoriale avec la Corse. Alors la ville veut dissuader les voyageurs de venir et, à terme, assécher le trafic.
Indigne "d'un quartier classé à l'UNESCO"
Car "aujourd'hui, l'activité générée par les ferries pose de vrais problèmes dans ce quartier", soutient Gaël Nofri."Ce n'est pas digne d'un quartier classé à l'Uneso, comme nous voulons le faire et comme nous l'imaginons". Pour rappel, la ville de Nice est inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco depuis le 27 juillet dernier, au titre de "ville de villégiature".
Ce qui serait digne, pour l'adjoint niçois, serait des bateaux "réinventés", "avec d'autres cibles, d'autres touristes, pour mieux s'intégrer dans l'espace qui les accueille".
"Nous n'avons pas l'ambition de devenir le port de Dunkerque, Marseille ou Hambourg", déclarait ainsi Chrisitan Estrosi aux Assises de la mer.
Avant d'ajouter qu'une étude sera lancée pour déterminer si le port actuel gardera à l'avenir sa dimension "marchande et commerçante, ou s'il doit se tourner vers du yachting, de la plaisance, de la pêche", avec des garanties écologiques.