Un nouveau diplôme de droit monégasque est accessible depuis cette rentrée 2024 pour les étudiants en droit des facultés Aix-Marseille et Côte d'Azur. L'occasion de faire un point sur les grandes différences avec le droit français et celui de la principauté.
C'est une première pour Monaco, un diplôme de droit monégasque est proposé cette année aux élèves, dès la première année et en parallèle de leur cursus. Un partenariat pédagogique a été conclu entre l'Institut Monégasque de Formation aux Professions Judiciaires (IMFPJ) et la Faculté de droit et science politique d’Aix-Marseille Université et l'Université Paris-Panthéon-Assas.
Des cours de spécialisation en droit monégasque étaient déjà proposés, notamment par le professeur de droit Yves Strickler à l'initiative du diplôme : «on a constaté un réel besoin. Le droit monégasque comporte de vraies spécificités et les étudiants (comme les professionnels d’ailleurs) sont demandeurs.»
Le diplôme prévoit 120 heures d’enseignements sur trois ans. 25 places à Nice et 25 places à Aix ouvrent donc cette année.
Depuis l’ouverture des admissions, plus de 90 personnes ont postulé, preuve de l’attrait de ce diplôme selon le professeur qui espère pouvoir développer ce cursus.
Un droit monégasque ?
Il faut comprendre que le droit monégasque est largement inspiré du droit français. Les juristes monégasques font d’ailleurs leurs études de droit en France avant de revenir en principauté.
Il n’y a pas assez de Monégasques pour pourvoir tous les postes : « rien que dans l’administration monégasque, il doit y avoir environ 500 postes de juristes. Du côté des magistrats, un quart seulement est monégasque, pour le reste ce sont des magistrats détachés » explique Delphine Lanzara, chargée de mission au Palais de Justice de Monaco.
Seuls les avocats monégasques peuvent assurer la représentation devant le tribunal (34 avocats exercent en principauté). Ils travaillent avec de nombreux collaborateurs qu’ils doivent former en interne.
Les avocats français doivent donc être assistés d’un confrère monégasque lorsqu’ils doivent plaider.
Ce diplôme va pouvoir changer les choses. Nos jeunes juristes d'Aix et de Nice auront des bases en droit monégasque, ils auront des repères. Les métiers du droit à Monaco seront plus attractifs.
Delphine Lanzara, chargée de mission au Palais de Justice de Monaco.à France 3 Côte d'Azur
Il y a une méconnaissance du droit monégasque de la part de certains avocat français qui considère parfois (par erreur) que Monaco est une ville française et non un pays étranger. Ainsi pour une citation a comparaitre par exemple, ils oublients que le délais est rallongé de deux mois, c'est le "délais de distance".
Justice indépendante et organisation simplifiée
En France, la justice, bien qu’indépendante, fait partie d’un ministère. Le garde des Sceaux conduit la politique pénale établie par le gouvernement.
À Monaco, la justice est complètement indépendante et placée sous la direction du service judiciaire. Du fait de la principauté, la justice est rendue au nom du Prince et il y a une religion d’État, le catholicisme (article 9 de la constitution monégasque).
Cathédrale et palais de justice sont voisins sur le rocher :
Concernant l’organisation judiciaire, il n’y a pas, comme en France, d’ordre administratif, pour les litiges avec les collectivités ou l’état par exemple.
À Monaco, un seul tribunal gère tous les litiges. Ainsi, dans ce micro-état, il y a un Tribunal de première instance, une cour d’appel et une cour de révision (équivalent de la Cour de cassation française).
Autre organe existant en principauté, le tribunal suprême (un mélange entre notre Conseil d'État et le Conseil constitutionnel).
De la même manière, en France, il existe près de 74 codes (consommation, environnement…) alors qu’à Monaco, il n’y en a que 8. Il n’y a pas non plus le poids des normes européennes même si certaines sont transposées.
Priorité nationale et population internationale
En principauté, pour s’assurer que la population monégasque ne soit pas lésée (en termes de logement) ou effacée au profit d’étranger (plus riches, plus compétents…) la priorité nationale est en vigueur depuis la Constitution du 17 décembre 1962.
La liberté du travail est garantie. Son exercice est réglementé par la loi. La priorité est assurée aux Monégasques pour l’accession aux emplois publics et privés, dans les conditions prévues par la loi ou les conventions internationales. La Priorité Nationale est un droit, la faire respecter est un devoir.
Constitution du 17 décembre 1962 - Art. 25
Concernant le droit du travail, il y a un contrôle de l’état sur l’emploi. Le service de l’emploi centralise toutes les demandes d’embauche et fait respecter la priorité nationale.
Pour contextualiser, il y a 38 367 habitants à Monaco (presque deux fois moins qu’à Antibes par exemple).
Pour le professeur Strickler c’est une connaissance du droit mais aussi de l’histoire du pays qui est importante : "chaque pays a sa tradition et sa construction juridique, Monaco est un micro-état, il faut que la législation soit adaptée à la taille de l'état, mais aussi à son dynamisme et son attractivité. Les dossiers sont souvent hors-norme, la décision est rendue dans des délais beaucoup plus bref".
À Monaco, 120 nationalités se côtoient, il y a donc de forte probabilité qu'un litige implique des étrangers et comporte une composante d'extranéité, la situation juridique d'un étranger dans un pays donné. Le droit privé international est très important.
Une affaire de détails
Nous avons cherché, questionné pour vous proposer des exemples concrets de différences entre le droit français et le droit monégasque.
Et comme fréquemment, les différences se trouvent à la marge.
Le droit monégasque, on l'a dit, est plus ou moins calqué sur le droit français. Parfois, une réforme judiciaire française n'a pas été suivie à Monaco ou inversement. Ainsi le droit des contrats qui a été réformé en 2016 ne l'a pas été à Monaco.
En matière pénale par exemple : "le viol et les infractions sexuelles ont été récemment redéfinis autour de l'absence de consentement, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe. Ainsi, l'absence de consentement suffit à elle seule à caractériser le viol (article 262 du Code pénal). Cette différence est importante puisque, en France, il faut encore prouver la contrainte, la surprise, la menace ou la violence. En France, inscrire dans le Code pénal sous cette infraction la notion de consentement est encore discuté" explique Yves Strickler
Dans la procédure pénale il y a quelques différences, en France, vous êtes "mis en examen" alors qu'à Monaco, vous êtes "inculpé".
En droit des entreprises, on peut noter que les entreprises unipersonnelles n'existent pas, il faut, au minimum être deux pour créer une société. Il n'y a pas de procédure collective à Monaco, donc le redressement judiciaire qui permet de geler les dettes n'existe pas (sous cette forme).
Comme on prendrait un nouveau poste, il faut mettre à jour ses connaissances pour s'adapter au droit local. Les magistrats français qui sont détachés à Monaco (par décret) le sont pour une durée de cinq ans.
Dès septembre 2025, l'Université Paris-Panthéon-Assas, déjà associée aux discussions, rejoindra le partenariat pédagogique autour du Diplôme Interuniversitaire (DIU) de Droit monégasque.