Un commerçant qui tue un braqueur, comme mercredi matin à Nice, risque des poursuites pour homicide volontaire, et donc 30 ans de prison maximum aux assises, sauf s'il est reconnu en état de légitime défense, auquel cas il n'est pas poursuivi.
La légitime défense est définie par l'article 122-5 du code pénal selon lequel:
"n'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte".
Trois critères
La décision se fonde donc sur l'appréciation de ces trois critères -absence d'une autre solution ("nécessité"), réponse pendant l'agression ("dans le même temps") et proportionnalité- et dans "une approche purement juridique le droit pénal penche plutôt vers le braqueur", relève Denis Solas, ancien magistrat et enseignant, directeur de la revue "Les cahiers de la justice".La jurisprudence est en effet assez restrictive sur ces conditions, notamment lorsque le braqueur est en train de prendre la fuite, mais l'expert souligne que la détermination de la légitime défense se retrouve néanmoins souvent prise entre "les conditions d'application du droit et une opinion publique exacerbée dans un climat d'insécurité, et d'un métier (bijoutier) lui-même très insécurisé".
C'est ce contexte que souhaiteraient voir plus pris en compte les partisans d'une application moins restrictive de la légitime défense, tels l'avocat Thibault de Montbrial
."La jurisprudence exige de justifier quasiment seconde par seconde le film de leurs actes", souligne-t-il, se demandant comment "exiger un sang froid et une vertu humainement quasi-impossibles" à des gens "qui voient leur dernière heure arriver".
Pour lui, "la menace dure beaucoup plus longtemps" que le simple temps du braquage. "Sans connaître le dossier de Nice, des braqueurs qui sortent d'une bijouterie et se retrouvent dans la rue armés peuvent se servir de leur arme pour braquer une voiture, se frayer un chemin. La menace peut avoir cessé pour la personne, mais pas pour autrui".
"la dimension humaine"
L'avocat milite également pour prendre en compte "la dimension humaine" et donc "l'exaspération". Il juge même ce genre d'affaires "dans l'ordre des choses devant l'augmentation spectaculaire de la violence".Les magistrats, qui peuvent décider à tout moment de la procédure de reconnaître la légitime défense, et donc parfois ne même pas déclencher de poursuites, s'en tiennent toutefois le plus souvent à la lettre de la loi.
"Rappelons, à toutes fins utiles, que l'exaspération n'est pas un élément constitutif de la légitime défense", tweetait mercredi après-midi l'avocat pénaliste Eric Morain.
Rappelons, à toutes fins utiles, que l'exaspération n'est pas un élément constitutif de la légitime défense #Nice #Bijoutier
— Eric Morain (@EricMorain) September 11, 2013