Le 9 août dernier, le docteur Jean-Yves Ollivier, 79 ans, est roué de coups pour avoir contrôlé un patient en arrêt de travail à Nice. Un mois plus tard, il s'exprime sur la constante augmentation de ces arrêts et tente de comprendre pourquoi.
7 points de suture, un visage tuméfié et une inquiétude qui ne le quitte pas. Le docteur niçois Jean-Yves Ollivier a bien cru mourir ce 9 août 2023 quand il se rend au domicile d'un patient à Nice rue Rossini, à la demande d es services de contrôle de la Caisse primaire d'assurance maladie pour procéder à des vérifications suite à un arrêt maladie prolongé.
Les plaies ont cicatrisé, mais les côtes lui font mal car il a été tabassé par ce patient irascible, qui est en liberté.
Le médecin ne se déplace pas sans une bombe lacrymogène, et un appareil relié à la police en cas d'agression. Le procès aurait dû avoir lieu en comparution immédiate, mais l'agresseur présumé a demandé un délai. Il aura lieu le 12 février 2024.
Le docteur Ollivier a repris le travail trois jours après son agression et il ne compte pas prendre encore sa retraite. Le matin, il reçoit sa patientèle, et l'après-midi, il contrôle des personnes qui sont en arrêt de travail et en juge le bien-fondé.
100 médecins considérés comme prescripteurs extrêmement atypiques
La région PACA compte 4 957 médecins généralistes pour 11 664 médecins au total. Toujours côté chiffres, les montants d’indemnités journalières versées aux patients en arrêt s’élèvent à 637 millions d’euros au 1 er semestre 2023, soit +7.93 % par rapport à la même période de l'année dernière.
Qu'est-ce qu'un médecin considéré comme prescripteur extrêmement atypique ? Ce sont des médecins concernés par une procédure de mise sous objectif des indemnités journalières.
76 000 actions sur des assurés en arrêt de travail
Versant assuré, lorsque l’arrêt de travail a de "fortes chances de ne plus être médicalement justifié" indique l'Assurance Maladie, le médecin-conseil convoque l’assuré pour un examen médical. En 2022, 32 580 personnes de la région PACA ont fait l’objet d’un contrôle avec examen médical par un médecin-conseil de l’Assurance Maladie. D'autres sont contactés par téléphone, soit 43 508 assurés.
Suite aux actions du service médical, près d’un arrêt de travail sur deux a conduit à une reprise du travail par l’assuré.
Les patients considèrent qu'être arrêté est un droit
Psychologiquement, les gens considèrent qu'ils ont droit à un arrêt maladie. Comme on me dit parfois, "on ne se sent pas d'aller travailler". Il peut y avoir beaucoup de motifs, certains légitimes, d'autres non. Les abus sont minoritaires, mais il y en a régulièrement. Sur 20, il doit y en avoir un qui est parfaitement anormal, des gens qui profitent du système pour raisons personnelles.
Dr Jean-Yves Ollivier
Une lettre au ministère pour proposer une médiation dans certains cas
Le docteur Ollivier observe que de nombreux patients sont soumis à de fortes pressions au travail qui entraînent des problèmes psychologiques. Et en cas de conflit grave avec l'employeur, il déplore qu'il n'y ait pas de médiation. Il a donc envoyé un courrier au ministère du Travail par l'intermédiaire du ministère de la Santé.
Il devrait y avoir des médiations pour éviter les cas où les employés se mettent en arrêt maladie sur plusieurs mois parce qu'ils sont en conflit avec le patron, mais ils ne sont pas vraiment malades !
Dr Jean-Yves Ollivier
Et de conclure pour nuancer le propos que pour un médecin, refuser un arrêt maladie peut-être compliqué car il y a bien souvent une relation affective ! Voilà qui justifie selon lui qu'un contrôle soit effectué dans certains cas !
Le docteur Ollivier, à 79 ans, conserve les deux casquettes, médecin généraliste et "médecin contrôle". Et face à l'absence de repreneur, il lance un appel. " C'est un cabinet sympathique, explique-t-il, la place est chaude, les patients sont adorables, la place est chaude !"