Ils sont en colère, et découragés. C'est le message des syndicats de police après les annonces du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner sur la déhontologie de la profession. Ils ont déposé symboliquement leurs menottes par terre à Nice place Massena mercredi et jeudi soir.
Ils étaient ovationnés au moment des attentats et ils sont vilipendés en cette période de manifestations contre les violences policières. Les Alpes-Maritimes comptent 1 800 policiers, qui ne comprennent pas ce qui arrive.
Jeudi soir place Masséna, une centaine de policiers nationaux et municipaux de Nice ont symboliquement "déposé les armes" (menottes, casques, boucliers...) pour protester contre les déclarations du ministre de l'Interieur.
Lors de ce deuxième rassemblement à Nice, le maire Christian Estrosi et le député Eric Ciotti étaient présents pour les soutenir. Tous ont chanté la Marseillaise avant dispersion.
Ce mercedi soir, place Massena à Nice, ils avaient déjà fait ce geste fort : déposer les menottes au sol, pour exprimer leur ras-le-bol.
"Ce pays est schizophrène", déplore Laurent Martin de Frémont secrétaire départemental Unité SGP Police 06, le syndicat majoritaire dans les Alpes-Maritimes.
Depuis 2015, nous avons eu les attentats, la loi Travail, les Gilets Jaunes, le Covid. Nous sommes épuisés, on n'a pas pu prendre de congés pendant des mois pour être avec nos familles. On pensait avoir retissé un vrai lien avec nos concitoyens, on pensait que c'était sincère.
Et il reprend : " On accepte d'être contrôlé, d'ailleurs nous sommes une profession qui l'est constamment et le moindre manquement fait l'objet d'une enquête."
Certains propos sont intolérables c'est vrai, mais quand on se fait insulter, caillasser, que vous faites l'objet de tirs de mortier dans certains quartiers, il peut y avoir des mots qui fusent.
Laurent Martin de Frémont secrétaire départemental Unité SGP Police 06, sur France Bleu Azur :
Les annonces du ministre de l'Intérieur posent question
"Tolérance zéro pour chaque soupçon avéré d'actes ou de propos racistes", contrôles renforcés et interdiction de la méthode d'interpellation dite "de l'étranglement": après plusieurs manifestations en France contre le racisme et les violences policières ce week-end en échos aux Etats-Unis et la mort de George Floyd, Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, a annoncé des mesures :
Chaque soupçon doit mener à une enquête et chaque faute doit mener à une sanction.
— Christophe Castaner (@CCastaner) June 8, 2020
J'ai décidé de lancer une réforme en profondeur des inspections du ministère de l'Intérieur : elle permettra plus de cohérence, plus de collégialité et plus d'indépendance d'action. pic.twitter.com/rvYtUSf73u
L'abandon de la méthode d'interpellation policière controversée de la "prise par le cou, dite de l'étranglement" ne sera donc plus enseignée dans les écoles de police et de gendarmerie. C'est une méthode qui comportait des dangers", précise le ministre qui souhaite privilégier le pistolet à impusions électriques, autrement dit le taser.
Comment interpeller un homme très grand, agité, qui refuse d'obtempérer ? se demande Laurent Martin de Frémont ?
"Cette "clé d'étranglement" enseignée lors d'une formation de 12 mois, est une technique d'immobilisation dans l'instantanéïté pour amener l'individu au sol sur le dos et lui mettre les menottes. L'utilisation du taser est réservé à certaines situations ( distance de 3 mètres) il faudra en mettre en fabrication pour chaque policier et nous former... et des formateurs, il n'y en a plus beaucoup."
Karine Jouglas, secrétaire départementale du syndicat Alliance Police Nationale des Alpes-Maritimes, se dit écoeurée, abasourdie par ces annonces du ministre, prise selon elle à chaud, face à la pression de la rue. "Nous sommes complètement lâchés" dénonce t-elle et elle conteste le terme "technique d'étranglement".
Les policiers n'étranglent pas, nous interpellons à 2 ou 3 et le policier ne saisit jamais la gorge avec ses mains, la technique est apprise et validée en école de police. Mon syndicat appelle à ne plus interpeller, nous ne voulons pas commettre de violences policières !
Karine Jouglas précise que le numéro 17 (numéro d'urgence de la police) reçoit chaque jour dans les Alpes-Maritimes entre 700 et 800 appels, qui conduisent à 150 à 170 interventions ( c'est une moyenne) qui ont lieu sans incidents majeurs.
Le syndicat SGP Police précise de son côté qu'il sera reçu par le ministre Castaner pour évoquer toutes ces nouvelles contraintes.
Les citoyens oublient que nous somme là pour faire respecter les lois de la République et sauver des vies. Nous sommes les "gardiens de la paix" et nous travaillons toujours sur le fil en terme de moyens et d'effectifs
conclut Laurent Martin de Frémont, très amer.
La clé d'étranglement, et la mort d'Akim Ajimi
La clé d'étranglement avait été à l'origine du décès d'Akim Ajimi, décédé en 2008 suite à une interpellation à Grasse. L'affaire a été jugée et les mis en cause condamnés, conclut Laurent Martin de Frémont qui rappelle que des erreurs d'appréciation ou des mauvais comportements se produisent dans toutes les professions.
Il ne faut pas douter
Alliance a également menacé d'actions revendicatives dans les prochains jours.
"Un ministre de l'Intérieur doit être derrière ses policiers", souligne Fabien Vanhemelryck, secrétaire général. "Le ministre est en dehors des clous mais le président de la République l'est tout autant." Christophe Castaner a également reçu l'Unsa-police jeudi, avant de rencontrer les officiers et les commissaires ce vendredi 12 juin.
"Dans cette période si particulière où les mises en cause de notre action sont permanentes et de plus en plus agressives, je veux vous dire qu'il ne faut pas douter", a écrit mercredi le préfet de police.