Mathieu Muollo pratique la photo de rue depuis une dizaine d’années. Infirmier, il a continué à sortir quotidiennement durant le confinement. De l'apparition du virus au déconfinement, il a ressenti le besoin d’immortaliser cette période inédite à travers des clichés intimes et colorés.
Depuis le début de la crise sanitaire, Mathieu Muollo immortalise quotidiennement des scènes de rue dans le Vieux Nice ou sur la Promenade des Anglais. Infirmier libéral, il continue de sortir de chez lui et de prendre sa voiture tous les jours, dans une ville et une région d’abord désertée, puis peu à peu repeuplée mais changée.
Le photographe se souvient des prémices de l’apparition du virus en France. « J’ai photographié deux Italiens qui jouaient au tennis sur la plage, avec des masques sur le visage. Tout le monde les prenait pour des hurluberlus. » Quelques mois plus tard, ce sont ceux qui ne portent pas de masques que l’on regarde dans les rues de Nice.Cette situation unique m’a beaucoup inspiré, raconte le photographe. Les rues vides, puis des gens avec toutes sortes de gants et de masques, ce virus a bouleversé toute la ville. On n’avait jamais vu ça et pour moi il fallait le documenter.
Durant le confinement, l’infirmier a continué à déclencher son appareil dans les ruelles vides de sa ville. Parfois, il montrait les photos à ses patients.
Il y a par exemple la photo de cette dame, dans le Vieux Nice, qui regarde en l’air pour essayer de trouver un semblant de vie. Tout est fermé. Quand j’ai pris la photo elle s’est tournée vers moi et m’a dit : « C’est incroyable non ? ».Beaucoup de mes patients ne mettaient pas le pied dehors pendant la période de confinement. Mes clichés étaient leur seule fenêtre sur l’extérieur. Ils étaient souvent chamboulés de voir cette ville morte, comme il ne l'avait jamais connue.
Ce que j’aime, c’est trouver « l’instant décisif », le petit geste qui va faire comprendre beaucoup de choses. Il faut que la photo parle d’elle même. Ce n’est pas évident dans la photo de rue, parce que dès l’instant où le photographe est vu, on perd le naturel.
Avec son petit appareil photo Fujifilm, Mathieu Muollo se place au plus près de son sujet, pour raconter un bout de son quotidien, de ses habitudes et de son humeur.
« Je ressens encore un sentiment de peur chez la plupart des gens que je photographie. La peur du virus, la peur de l’autre. J’ai retrouvé le sentiment qu’il y avait à Nice après l’attentat du 14 juillet.
Pour ce photographe amateur, cet état d’esprit ne s’envolera pas de sitôt. « Je le vois chez mes patients, même si l’épidémie semble s’éloigner doucement, ils pensent déjà au prochain hiver. Beaucoup m’ont dit qu’ils mettront un masque dans tous les cas, par prévention », transmet l’infirmier.
Mais ce qui m’inspire, c’est que la vie reprend toujours le dessus. Je le vois dans mon métier d’infirmier à travers mes clichés.