Les prêts garantis par l’Etat ont aidé environ 700.000 sociétés en France, ce qui représentait fin 2021 plus de 141 milliards d'euros. Ce printemps 2022 marque le début des remboursements pour la plupart de ces entreprises.
Le PGE, trois lettres qui sonnent tel un sérieux écho de la crise sanitaire, déjà éclipsée par la guerre en Ukraine. Il concerne 19.654 structures dans le département.
Si la Chambre de Commerce et d’Industrie du département indique que 31% des entreprises qui ont obtenu un PGE ne l’ont pas utilisé, à l’inverse, elles sont près de 22% à avoir consommé au moins 75% de cette somme.
Ce dispositif exceptionnel mis en place par Bercy était destiné à les aider à enjamber cette période délicate teintée d’incertitudes financières.
Pour 60% d’entre elles, il s’agit de sommes inférieures à 50.000 euros. Industries, commerces, professionnels de la construction, sans oublier les hôtels, cafés et restaurants ont pu faire appel à cette aide remboursable, soit 3144 sociétés de ce secteur tourné vers l'accueil et le tourisme.
La CCI spécifie que 54,3% des sociétés "H.C.R" ont eu recours à cette aide nationale dans les Alpes-Maritimes.
Un secteur très touché
Mis en place en 2020, ces prêts ont permis à des sociétés d’éviter jusqu’alors de tomber dans le rouge, ou de mettre la clé sous la porte.
La plupart avaient la possibilité de débuter les remboursements en avril 2021. Une dérogation d’un an leur a été alors octroyée, portant l’échéance à ce printemps 2022.
L’étude indique aussi que 30% des entreprises ayant contracté un PGE ont déjà, ou auront, des difficultés à le rembourser.
C’est particulièrement le cas pour les professionnels de la restauration et de l’hôtellerie, très impactés par les confinements et l’absence de touristes au cours des différentes saisons.
Pour rembourser, il va falloir étaler
Fred Ghintran est restaurateur à Nice, il compte bien s'acquitter de cette dette, mais souhaite en revoir les modalités : "ce qui a été notamment demandé, c’est que par rapport au PGE, on puisse le rembourser, oui, mais avoir une durée d’étalement qui soit beaucoup plus longue que celle qui est aujourd’hui d'une durée de 4 ans. C’est très compliqué, nous avons une activité qui n’est pas encore repartie entièrement, un problème de pénurie de main d’œuvre, et des problèmes de prix qui montent et de marges qui vont forcément baisser, c’est très très compliqué."
Au niveau des confrères, restaurateurs ou hôteliers, on est tous d’accords sur ce point, le PGE. Le rembourser, évidemment, mais sur une durée plus longue, sinon ça va mettre à mal nos trésoreries qui ont déjà bien été impactées.
Fred Ghintran, restaurateur
Ces difficultés n'empêchent pas ce restaurateur de continuer à entreprendre, il se démène pour faire face à ce cumul d'incertitudes : "Je suis en train d’ouvrir un nouveau restaurant, on va embaucher une quarantaine de personnes, il y a beaucoup de choses à traiter. L’actualité internationale, l’actualité nationale, les problèmes de main d’œuvre, de marchandises, les charges qui ne font que monter… Ces sujets, on pourrait en parler pendant des heures, mais on trouve des solutions."
Une question de médiation
Pour Christophe Souques, le vice-président et secrétaire général de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie à Nice, certaines solutions existent, mais il s'agit d'apporter une aide sur mesure.
"Au niveau de l’UMIH, nous aidons les professionnels, en passant par la Banque de France, avec les médiateurs, à aménager ces remboursements sur 10 ans. L’autre solution est d’aller rencontrer leur banque, toujours avec les médiateurs de la Banque de France, pour essayer de pousser leurs propres banques à leur faire un prêt neuf, sur 5 ans, avec un taux bas. Cela permet d’avoir un petit différé, d’au moins trois mois, ce qui permet d’attendre le début de saison, et de rembourser le prêt non plus sur 4 ans, mais sur 5 ans. Nous sommes dans une stratégie du cas par cas." explique le vice-président de l'UMIH.
ll y a des banques qui ont joué le jeu (…) avec des taux en dessous de 2%. Et il y a des banques qui considèrent que la solidité des sociétés n’est pas suffisante, et dans ce cas-là, on rentre dans quelque chose d’un peu plus compliqué.
Christophe Souques, vice-président de l'UMIH à Nice
Le secteur bancaire n'est pas toujours enclin à jouer le jeu, et certains refusent ce pari au vue de la condition financière de leurs clients. Surtout que, rien que pour les restaurateurs, l'inflation grignote d'éventuels bénéfices.
Seule une bonne nouvelle vient contrebalancer ce goût amer : avec la récente réouverture du Terminal 1 de l'aéroport Nice Côte d'Azur, après presque deux ans de fermeture d'affilée, ce sont 54 nouvelles destinations qui atterrissent à nouveau sur la Côte d'Azur.
L'hôtellerie bientôt dans le rouge ?
Dans la cité des festivals, on le sait, le tourisme est une manne pour la ville. Pour Christine Welter, la présidente du syndicat des hôteliers de Cannes et du bassin cannois, un peu d'optimisme commence à poindre après deux années difficiles.
Elle se réjouit d'un certain retour à la normale en terme d'activité professionnelle : "On a cette chance d'avoir pu commencer la saison en mars avec un gros congrès, donc on a pu faire un peu de trésorerie. En avril, on a commencé avec le Mip TV et Canneseries, on a un nouveau congrès cette semaine sur l'intelligence artificielle, donc on a l'évènementiel qui reprend à Cannes après deux années difficiles."
Pourtant, la présidente du syndicat des hôteliers de Cannes et du bassin cannois tempère vite son propos : "ça ne veut pas dire que l'on pas de problème avec les PGE à la base puisque nous, en tant que chefs d'entreprises, nous nous étions engagés sur des prêts sur 6 ans et on se retrouve à devoir les rembourser sur 4."
Il faut se rappeler qu'à une période, on ne pouvait pas aller au-delà d'une dizaine de kilomètres de chez soi
Christine Welter, présidente du syndicat des hôteliers de Cannes et du bassin cannois
Plus que la restauration, l'hôtellerie a dû subir l'arrêt brutal du tourisme, les confinements, les limitations de déplacement des Français. Ce secteur en a été durement impacté, surtout dans une ville comme Cannes, qui a fait du tourisme international l'un de ses atouts majeurs.
"On a le chemin entre l'enfer ou le purgatoire, car pour passer par le médiateur de crédit, il faut être en défaut de paiement. Le PGE ne se reporte pas comme ça. Il y a eu un refus du gouvernement de le reporter sur 10 ans, mais la logique aurait voulu que lorsque nous avons fait ces prêts garantis par l'Etat en avril ou mars 2020, c'était bien prévu sur 6 ans. A partir du moment où l'on n'a pas pu le rembourser sur deux ans car on a été empêché de travailler, la logique aurait voulu que l'on nous donne deux années supplémentaires, au minimum." explique celle qui est également à la tête d'un hôtel cannois.
Bis repetita
Qui dit nouvelle crise, dit PGE. L’invasion russe en Ukraine a déjà eu de nombreuses conséquences pour les entreprises azuréennes. Non seulement les touristes venus de cette partie du monde vont se raréfier, mais au-delà, c’est toute une chaine d’approvisionnement qui connait des surcoûts : énergie, transports, denrées alimentaires.
Christophe Souques, le vice-président et secrétaire général de l'UMIH à Nice, donne un exemple parmi tant d'autres de cette inflation qui inquiète les restaurateurs azuréens : "rien que pour le coût de l'huile, elle a pris 400%, et on ne peut en acheter que 40 litres à la fois !".
Une grande majorité de ces professionnels craint, une fois la saison estivale passée, d'avoir des difficultés de paiement majeures, voire des cessations d'activités. Sauf si l'afflux touristique et la consommation sont au zénith cet été.
Du côté du gouvernement, on a déjà mis en place un nouveau prêt garanti par l'Etat pour compenser les conséquences de la guerre en Ukraine. Appelé "Résilience", ce nouveau PGE a été lancé au début du mois d'avril. Un nouveau chapitre s'ouvre dans la comptabilité des professionnels azuréens du tourisme.