Plusieurs secteurs constatent une pénurie de main-d'œuvre en France, dont l'hôtellerie restauration. Un domaine qui peine à se montrer attractif, compte-tenu notamment de sa pénibilité. Mais c'est quoi au juste un métier pénible ? Son statut est défini par une loi, mais pas seulement.
Ils ont été 237.000 à rendre leur tablier en 2020. Selon une étude publiée par la Direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques (Dares), les effectifs sont en chute libre dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. De février 2020 à février 2021, ils sont passés d'1,309 million d'employés à 1,072 million.
L'hôtellerie-restauration n'est pas un domaine isolé. Selon la dernière enquête de la Banque de France, 300.000 emplois sont à pourvoir à cette rentrée dans tout le pays.
Du côté des transports, plus de 238 emplois de chauffeurs de bus sont à pourvoir en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Une pénurie historique pour la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV).
Ce manque de main-d'œuvre peut s'expliquer par la faible attractivité des métiers, notamment due à leur pénibilité. Selon une étude de la Dares datant de 2018, l'hôtellerie-restauration figure en tête des métiers les moins favorables au bien-être psychologique. Mais peut-on parler de pénibilité pour autant ?
Pénibilité, une définition inscrite dans le code du travail
Un métier pénible est classé avec la plus grande attention dans les articles de loi. Cette classification évolue régulièrement et pèse sur l'obtention d'une formation, d'un temps partiel ou un départ à la retraite anticipé.
Ils étaient dix facteurs de pénibilité, ils sont six facteurs de risque depuis 2017 : les températures extrêmes, le milieu hyperbare, le travail de nuit, l’exposition au bruit, le travail répétitif ou encore en équipes successives alternantes (3x8, par exemple).
En fonction de son exposition à ces risques, le salarié cumule des points sur son Compte personnel de prévention (C2P). La mise en place de ce compte remonte au quinquennat de François Hollande. À l'époque, il s'appelle "compte personnel de prévention de la pénibilité", C3P.
Il permet de déterminer et de référencer les facteurs de risques supportés par un travailleur au-delà de certains seuils. Les points cumulés permettent ensuite de partir en formation, de demander un temps partiel sans perte de salaire, et de partir plus tôt à la retraite.
A l'époque de la mise en place du C2P, la gauche avait défini dix critères de pénibilité : travail de nuit, en équipes successives alternantes, répétitif, en milieu hyperbare, manutentions manuelles de charges, vibrations mécaniques, postures pénibles, agents chimiques dangereux, températures extrêmes, bruit.
Mais face aux protestations du patronat, le gouvernement d'Édouard Philippe a modifié le système dès son arrivée en 2017. D'abord en le rebaptisant, gommant au passage, symboliquement, le mot "pénibilité", devenant le Compte personnel de prévention, C2P.
Un mot qui "donne le sentiment que le travail serait pénible", déclarait alors Emmanuel Macron. Et surtout en supprimant quatre des dix critères : postures pénibles, manutentions, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux.
Ces critères sont désormais reconnus a posteriori, si les salariés déclarent une maladie professionnelle et un taux d’incapacité permanente de plus de 10 %.
D'autres définitions moins objectives
Outre ces définitions juridiques, la pénibilité semble recouvrir d'autres exceptions, parfois moins objectives.
Selon le rapport de Jean-Frédéric Poisson sur la pénibilité au travail déposé à l'Assemblée nationale en 2008, la pénibilité est "le résultat de sollicitations physiques ou psychiques qui, soit en raison de leur nature, soit en raison de la demande sociale, sont excessives en regard de la physiologie humaine et laissent, à ce titre, des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé et l’espérance de vie d’un travailleur".
La pénibilité est ici à dissocier de l'usure professionnelle définie par l'ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) "qui dépend du cumul et/ou de combinaisons d’expositions de la personne à des contraintes du travail".
Les facteurs psychologiques comme l'équilibre vie personnelle/vie professionnelle, les interactions sociales et l'ambiance au travail sont aussi importants à prendre en compte.
Pour son étude, la Dares a retenu 34 variables allant de la pénibilité physique aux contraintes d'organisation du temps de travail, en passant par l'intensité du travail, les conflits éthiques, la demande émotionnelle et l'insécurité de la situation de travail.
En voici le résultat, le "top 10" des métiers les moins favorables au bien-être psychologique en France :
- Cuisiniers
- Employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie et de la restauration
- Aides-soignants
- Bouchers, charcutiers, boulangers
- Employés de la banque et des assurances
- Ouvriers non qualifiés de la mécanique
- Ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l'extraction
- Ouvriers non qualifiés du second-œuvre du bâtiment
- Infirmiers, sages-femmes
- Agents de gardiennage et de sécurité
Pénibilité et espérance de vie
"On nous parle de l’allongement de la durée de cotisation (…) ça veut dire qu’un éboueur qui a 17 ans d’espérance de vie de moins que n’importe qui (…) désormais il va partir plus tard ?", déclarait Olivier Faure en juillet 2020 sur Cnews, alors interrogé sur la réforme des retraites.
Un chiffre de nombreuses fois repris, comme dans cet article du blog du Monde diplomatique, disant s'appuyer sur les chiffres de L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Pourtant, aucune donnée ne vérifie l'information, comme le démontrent nos confrères de Franceinfo.
La question de l'espérance de vie est souvent mise en avant pour justifier la pénibilité d'un métier. Selon l'Insee, sur la période 2009-2013, à 35 ans, un homme cadre peut espérer vivre jusqu’à 84 ans, contre à peine 78 ans pour un ouvrier.