Procès de l'attentat de Nice. Elle a grandi avec le traumatisme : "Une part de moi s'est effondrée"

Le 14 juillet 2016, parmi les 86 victimes décédées, 15 étaient des enfants ou des adolescents. Des centaines d’autres ont du apprendre à grandir avec une blessure physique ou psychologique. C’est le cas de Shanna Dilem. Alors que ce jeudi 15 septembre doivent être entendues deux pédopsychiatres de la fondation Lenval à Nice, elle nous raconte son long chemin de reconstruction.

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Lorsque nous la rejoignons à une terrasse de café, à deux pas du palais de justice, rien, sur son visage serein et souriant, ne laisse deviner son traumatisme. Pourtant Shanna Dilem fait partie de ces nombreux jeunes à l’insouciance volée le soir du 14 juillet 2016.

Ce soir-là, elle est une adolescente joyeuse de 15 ans. Comme chaque année,  elle passe ses vacances en famille à Nice, et décide d’aller sur la plage pour voir le feu d’artifice avec ses grands-parents.

Après le bouquet final, elle va écouter un peu de musique près de la scène rock, et décide de s’en écarter de quelques mètres pour discuter avec sa grand-mère. Elle ne le sait pas encore, mais cette conversation va lui sauver la vie.

J’ai entendu, ou plutôt j’ai ressenti quelque chose. J’ai vu le camion arriver sur moi, j’ai reculé, il est passé juste devant moi...

Elle raconte les premières minutes de sidération : 

Je me suis totalement figée, je ne bougeais plus, j’étais tétanisée. Je regardais ce que j’avais devant moi, des corps. J’avais du mal à comprendre ce qui se passait. C’est lors des premiers coups de feu de la police que mon cerveau s’est réveillé. J’ai pris ma grand-mère par la main et j’ai couru...

S’enfonçant dans la ville, la jeune fille rejoint sa mère dans leur appartement de vacances.

Son cerveau fait alors un « black-out », et de ce moment-là, elle n’a que très peu de souvenirs. Elle est très en colère, profère des insultes, mais du haut de ses 15 ans, elle n’a pas encore compris qu’il s’agit d’un attentat, et que le terroriste a volontairement fauché le plus grand nombre de personnes.

Dès le lendemain, Shanna Dilem est prise en charge par un psychologue et entendue par la police, avant de rentrer chez elle, à Bordeaux.

Commence alors un long parcours de soins, qui passera notamment par des séances d’EMDR, une méthode de psychothérapie utilisée pour soigner les syndromes de stress post-traumatique, par des mouvements oculaires et des stimulations auditives et tactiles.

J’avais peur de tout : des camions, de la foule, des sirènes de police ou de pompiers. Je ne dormais plus seule, alors qu’à 15 ans, normalement, on ne dort plus avec sa mère. Je ne mangeais plus.

Au fil du temps, la tempête émotionnelle se calme en elle, mais elle doit affronter un mal plus profond : le syndrome du survivant.

Pourquoi est-elle en vie et pas d’autres ? N’aurait-elle pas préféré mourir plutôt que d’endurer cette épreuve ? Elle devient agressive envers ses proches et se coupe de ses amis, dont elle se sent incomprise. Sa famille l’aide à se relever, et deux ans et demi après l’attentat, elle retourne à Nice.

Une reconstruction qui n’a rien de linéaire. 

Ce sont des montagnes russes, à l’approche de certaines dates, le 14 juillet, ou le 13 novembre, j’angoisse, je me sens triste et en colère. Dans ce cas je fais appel au psy, je crie à l’aide...

Aujourd’hui, âgée de 21 ans, la jeune fille vit à Paris et suit des études de commerce.  Quand on lui demande comment elle va, elle répond :

Je dirais que c’est compliqué. C’est un combat contre moi-même. J’ai cette envie de vivre, de me rendre compte de la chance que j’ai eue de survivre, et j’ai cette part de moi qui s’est effondrée. C’est comme si ce soir-là j’étais morte. C’est un combat entre mon ancienne moi et ma nouvelle moi.

Shanna assistera autant qu'elle peut au procès, "pas pour témoigner, mais en mémoire de ceux qui ne sont plus là".

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