Entre 2015 et 2018, les chiffres de contamination au VIH ont diminué de 40 % dans les Alpes-Maritimes. Mais depuis la pandémie de Covid-19, ils ne baissent plus. Le Sidaction lance ce vendredi sa campagne annuelle. La sensibilisation et la coordination sont primordiales pour lutter contre une maladie "sociale" qui touche les plus précarisés et stigmatisés.
En 2021, 1,5 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH dans le monde, portant à 38,4 millions les personnes vivant avec le virus du Sida. Malgré la mise en place de politiques sanitaires depuis des dizaines d’années, le VIH continue de se propager. Si les traitements permettent de fortement limiter la mortalité, celle-ci existe toujours.
Créée il y a 29 ans pour sensibiliser et récolter des fonds, la campagne Sidaction fait son retour ces 24, 25 et 26 mars 2023. En France, malgré les progrès réalisés dans l'organisation et la coordination, le VIH subsiste en particulier chez les populations défavorisées et stigmatisées.
Dans les Alpes-Maritimes, médecins et associations appellent à ne pas relâcher les efforts pour atteindre l’objectif de "fin du Sida" d’ici à 2030.
Des contaminations qui ne baissent plus
Chaque année en France, ce sont 5 000 nouvelles personnes qui sont infectées par le VIH. Dans les Alpes-Maritimes, territoire pilote en termes de dépistage, 60 à 80 personnes sont diagnostiquées. Entre 2015 et 2018, les nouveaux cas ont baissé de 40 % dans le département alors que le nombre de dépistages a augmenté. Un succès qui a mené à nationaliser la stratégie de dépistage testée localement.
Mais depuis, les chiffres stagnent. "C’est un petit peu décevant avec les stratégies que l’on a mises en place", avoue le Dr Pascal Pugliese, président du Corevih Paca-Est, qui coordonne la lutte contre le VIH et les IST.
Même si on n'en meurt plus beaucoup, cela reste un traitement à vie qui impacte forcément.
Pascal Pugliese, médecin au CHU de Nice et président du Corevih Paca-Est
Selon lui, cette tendance n’est pas étrangère à la pandémie de Covid-19 qui a fait diminuer le nombre de dépistages, mais également relégué la prévention au second plan. "Il y a eu aussi beaucoup de problèmes de santé mentale qui ont conduit à une explosion des addictions et des pratiques sexuelles à risque", observe-t-il.
Mais cette stagnation dans les contaminations est liée également au nombre de dépistages qui a beaucoup augmenté en 2022. "C’est un élément-clé qui permet de réduire le délai entre l’infection et le diagnostic. Parfois ce délai est de 3 ans, c’est beaucoup trop", considère Pascal Pugliese. Car plus la prise en charge est tardive, plus elle est difficile, sans compter le risque de contaminer les autres. Seuls 30 % des cas sont diagnostiqués au stade d’infection récente. Selon le médecin, il faut combattre une certaine "sérophobie" qui consiste à ne pas se dépister par peur d’être contaminé.
Du relâchement dans la prévention
Le dépistage n’est pas seul en cause. Pendant la pandémie de Covid-19, l’accès à la PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition) - ce médicament antirétroviral en prise continue ou discontinue afin d’éviter d'être contaminé par le VIH existe depuis une petite dizaine d’années - a été rendu plus compliqué. Mais de manière générale, le nombre de bénéficiaires augmente.
Outre la pandémie de Covid-19 ayant relégué la préoccupation vis-à-vis du VIH quelque peu au second plan, il y aurait une certaine banalisation, renforcée par un relâchement sur la prévention. "Près d’un quart des moins de 25 ans pensent que le Sida se transmet par la bouche, alerte Erwann Le Hô, président de l’association niçoise Objectif Zéro Sida. Il y a seulement 15 à 20 % de collégiens et lycéens qui ont eu accès à la prévention obligatoire."
Quasiment aucun jeune ne connaît le traitement post-exposition.
Pascal Pugliese, médecin au CHU de Nice et président du Corevih Paca-Est
Le 1er mars dernier, Sidaction, aux côtés de SOS Homophobie et du Planning familial, a annoncé mener une action en justice contre l’État qui ne respecterait pas le Code de l’éducation, obligeant trois séances annuelles d’éducation à la sexualité au collège et au lycée. « Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens savent ce qu’est le CeGIDD », déplore le président du Corevih PACA-est, Pascal Pugliese. Ces Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH et des IST ont été mis en place en 2016 en France.
"Une maladie sociale"
"Le slogan du Sidaction cette année est : "On n’a jamais été si proche d’un monde sans Sida". C'est-à-dire que nous avons désormais tous les outils et traitements pour mais qu’il faut à présent tout mettre en œuvre pour stopper le virus", martèle Erwann Le Hô. Comme lui, le Dr Pascal Pugliese espère une approche globale et équitable car "il y a beaucoup de gens éloignés de tout cela de manière géographique et sociale."
Tant qu'il y aura de l'homophobie, de la transphobie et du racisme, il y aura de l'exposition au Sida.
Erwann Le Hô, président de l'association niçoise Objectif Zéro Sida
Les personnes les plus touchées restent encore les populations dites "à risque" comme les hommes homosexuels, les personnes transgenres, les usagers de drogues intraveineuses avec partage de seringues, les travailleur-se-s du sexe et les personnes originaires de région à forte prévalence. "C’est avant tout une maladie sociale qui touche les personnes précarisées ou stigmatisées", résume Erwann Le Hô. Il en veut pour preuve des taux de contamination très élevés dans les pays où l’homophobie est très développée comme la Russie ou certains pays africains. "La parole ne s’y libère pas et c’est très dangereux, on ne peut pas diagnostiquer et prendre en charge les personnes contaminées", continue-t-il.
Les personnes migrantes sont très exposées, d’autant plus par manque d’information. Un des sujets primordiaux dans la lutte contre le Sida en France va se jouer à l’Assemblée nationale, pour le président d’Objectif Zéro Sida. "Quand on entend les premières discussions sur le débat qui s’ouvre sur l’immigration, ça fait très peur. Retirer l’accès à l’Aide Médicale d’État, c’est faire perdurer le Sida", dénonce-t-il.
Si en France le taux de contamination est très faible parmi les populations hétérosexuelles nées en France, il y a tout de même des interactions. "C’est un sujet politique avant tout, insiste Erwann Le Hô. Tant qu’il y aura de la stigmatisation, il y aura le Sida."