A partir de ce lundi 5 septembre, le procès de l’attentat survenu sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016 se déroule au Palais de justice de Paris. La famille Borla, qui a perdu Laura alors qu’elle avait 13 ans et demi, s’est portée partie civile pour ce procès aux assises. Ils nous racontent comment ils ont vécu depuis le drame.
Six ans après, la famille Borla est “encore sous le choc”. Le 14 juillet 2016, cette famille a perdu un de ses membres, Laura.
La jeune fille de 13 ans était venue avec ses parents et sa sœur jumelle Audrey pour observer le feu d’artifice. Lorsque le camion est passé sur la Promenade des Anglais, Marie-Claude, la mère de Laura, qui lui tenait la main, saute sur la plage et se blesse. Jacques, le père de famille, reste sur la Promenade et se met à chercher sa famille. La mère, le père et Audrey, 13 ans également, finissent par se retrouver mais Laura manque à l’appel.
Les recherches dureront trois jours. Trois longues journées et trois longues nuits pendant lesquelles Jacques Borla cherche sa fille avec l’aide de ses enfants, Audrey mais aussi Lucie l’aînée et Nicolas leur frère.
“J’ai dormi six heures en trois jours”, se remémore-t-il, le regard dans le vague comme s’il voyait le film de ses souvenirs passer une énième fois devant ses yeux. Finalement, la confirmation tant redoutée tombe, l’enfant est décédée. Jacques a alors la lourde tâche de l’annoncer à son épouse, toujours hospitalisée après sa chute survenue lors du 14 juillet.
Un deuil impossible
Six ans plus tard, à l’aube du procès, la famille Borla n’a pas fait le deuil de Laura. Nous avons rencontré trois membres de cette famille. Jacques, Lucie et Audrey Borla ont accepté de se confier.
Jacques préfère s’imaginer qu’elle est “encore là” mais qu’elle est “partie loin pour habiter avec un copain”.
Tous les jours, je m'imagine des trucs pour ne pas penser qu'il y a eu ce drame.
Jacques Borla, père de Laura, victime de l'attentat du 14 juillet 2016
Même regarder sa propre fille, Audrey, la sœur jumelle de Laura, est difficile pour lui. “Quand je vois Audrey, j'essaie de la regarder mais vite parce que quand je la regarde trop longtemps, j'ai l'impression de voir sa soeur et ça, ça nous fait mal à ma femme et à moi”, admet-il.
Depuis que cet ancien plagiste est à la retraite, il n’a plus le travail pour s’occuper l’esprit. “Je n’arrive pas à remonter la pente”, souffle-t-il.
Pour Lucie, sa grande sœur, aujourd’hui mère de deux enfants, il est “très difficile de se reconstruire”. Elle sait déjà que “ça va être très long”, sans savoir si ce cheminement trouvera un jour une fin.
Quitter Nice
Même si elle est désormais “très unie”, la famille Borla a vécu de longs mois compliqués suite à la mort de Laura. “Il y a eu beaucoup de disputes, de déchirements", confie Lucie.
Nicolas, le frère, a décidé de déménager de Nice, un an après le drame. “Il ne voulait plus voir cette ville”, rapporte sa grande sœur. Pour le père, Jacques, ce départ est comme un échec. “Nicolas est parti sur un coup de tête, dit-il. Je ne suis pas parvenu à le faire rester. On m'a dit de ne pas le forcer…” Il baisse la tête.
Jacques et Marie-Claude faisaient construire une maison en 2016, au moment de l’attentat. Dans le salon, une sorte de mausolée a été installé avec des photos de Laura. Elle est présente à chaque instant dans leur vie, même dans les rues. Pour Jacques, il est très difficile de se promener à Nice dorénavant.
Je ne vais jamais à Nice tout seul, je suis toujours accompagné. Avant, j'allais seul à Nice, j'allais souvent sur la Promenade des Anglais et là depuis six ans, je ne peux plus. Si je passe sur la Promenade, je tourne la tête du côté du Negresco.
Jacques Borla
Jacques et son épouse songent à déménager : “Je crois qu’on ne veut plus rester ici”.
Un procès très attendu par la famille
Les cinq membres de la famille Borla se sont portés partie civile pour le procès qui se déroule de ce 5 septembre au 15 novembre 2022. Ils sont appelés à témoigner.
“Le procès on veut y aller pour défendre notre sœur et toutes ces victimes qui sont parties injustement, détaille Lucie. Même si le terroriste principal a été tué et qu'il n'aura pas de peine, on espère que les complices puissent avoir une peine.”
Pour préparer leur témoignage en tant que partie civile, ils ont dû “se remettre dedans”, faire remonter les mauvais souvenirs… Pour certains, comme Audrey, l’écriture de ce témoignage est une façon de plus d’extérioriser ses sentiments pour tenter d’aller mieux.
Dès que j'ai perdu ma sœur, écrire m'a fait beaucoup de bien donc je n’ai pas eu beaucoup de difficulté à écrire mon témoignage. Je l'ai écrit avec beaucoup de peine mais aussi avec bon cœur. Je l'ai écrit quand j'en avais besoin et, quand je n'arrivais plus à écrire ce que je ressentais, je m'arrêtais.
Audrey, sœur jumelle de Laura
Une épreuve qui s’avère plus compliquée pour Jacques : “J’ai enfoui cette image au fond de moi pour essayer de la contrôler parce que c’est très dur. Je ne le fais pas voir mais en fait, je suis détruit.”
Même si ce procès “n’enlèvera pas le manque”, Jacques attend que la justice soit rendue. Il redoute de voir les visages des complices, “peut-être que je les ai déjà croisés comme il y en a qui viennent de Nice”, se demande-t-il.
Pour Audrey, qui a perdu sa ”moitié”, ce procès sera l’occasion d’affirmer à la justice et aux mis en cause qu’elle reste forte. “Vous m’avez enlevé ma sœur mais ce n’est pas vous qui allez me faire arrêter de vivre, ce n’est pas vous qui allez me faire renoncer à la vie”, martèle-t-elle.
La famille Borla ne vivra jamais comme avant. Et ce procès ne soignera pas leurs blessures. Ils espèrent simplement trouver un peu de “mieux” quand la justice sera rendue.