La crèche associative intercommunale Espace Môme est menacée. La faute à un déficit qui s’est creusé au fil du temps et à des modalités de versements de la CAF qui ont évoluées. La mairie de la Gaude veut un audit tandis que la caisse d’allocations familiales récuse tout retard de paiement.
La crèche Espace Môme accueille à La Gaude dans les Alpes-Maritimes plus de 80 enfants chaque jour, une seconde structure y est également liée : l’Espace Créatif. Dans l’attente d’un paiement de la Caisse d'allocations familiales, cette structure associative jouait sa survie financière ces derniers temps alors qu’elle accueille des enfants de deux localités, La Gaude et Saint-Jeannet.
Ses sources de financement sont variées : subventions des deux communes, du Département, paiements des parents, et versements de la CAF - la Caisse d’allocations familiales.
Début mars, le conseil municipal de la Gaude a semble t-il été mouvementé. L’opposition municipale monte alors au créneau pour alerter sur une situation de péril imminent. Espace Môme affirme ne pas avoir les fonds nécessaires pour assurer les paiements de l’ensemble des prochaines échéances. Y compris celle des salaires de la quarantaine de personnel qui compose ses effectifs.
Les deux mairies communiquent
Un communiqué de presse, co-signé vendredi 10 mars par les maires de la Gaude, Bruno Bettati, et celle de Saint-Jeannet, Julie Charles; regrette d’abord "l’agitation médiatique autour de la situation financière de la crèche intercommunale".
Ce document explique qu’Espace Môme a fait part en fin d’année 2022 de "soudaines difficultés financières et d’un besoin de financement supérieur". Une réunion s’est déroulée le 13 décembre dernier, avec la CAF, mais n’a pas permis de lever les interrogations des deux collectivités, expliquent ce document qui stipule, notamment, "une soudaine dégradation de la trésorerie qui était largement excédentaire fin 2021".
Bruno Bettati, joint par téléphone le 10 mars, nous affirme également vouloir un audit pour faire le point sur la situation d’Espace Môme. "C’est une association que nous apprécions et qui fait du très bon travail" assure celui qui a été réélu avec deux tiers des voix lors de la précédente municipale.
"81 enfants à nourrir tous les jours"
Après des années marquées par les restrictions sanitaires liées au Covid, une fluctuation du nombre d’enfants accueillis, des dépenses et des coûts en hausse, la directrice de l’établissement, Nicole Bascans, confirme un lent creusement des comptes.
On a 40 salariés, on a 81 enfants à nourrir tous les jours. C’est vrai que l’argent sort tous les jours, il ne sort pas que tous les trois mois ou tous les six mois.
Nicole Bascans, directrice d’Espace Môme
L’association gaudoise qui existe depuis 35 ans, regrette surtout le changement de méthode de versement des fonds octroyés par la CAF au titre de la PSU - Prestation de service unique - et affirme attendre un versement capital de quelque 280 000 euros.
On attend ce règlement. Nous avons vu les responsables de la CAF (…) qui nous ont dit qu’ils prenaient bien en compte notre demande, qu’ils essaient de faire le versement au plus tôt. C’est vrai que nous, on a une urgence de trésorerie à régler, et définitivement, près de 300 000 euros, cela manque bien dans un budget
explique la directrice de l'établissement, Nicole Bascans.
Ce lundi 13 mars, pour dénoncer cette situation que la structure associative juge ubuesque, la directrice de la crèche Espace Créatif, Marina Del Campo, a débuté une grève de la faim. Elle dénonçait alors "les décisions prises par municipalité de la Gaude ainsi que l’immobilisme de la CAF des Alpes-Maritimes qui mettent en péril les deux crèches de l’association Espace Môme."
Ce que les deux institutions démentent, mairies comme CAF.
La CAF récuse tout retard
Aucun retard de paiement ou immobilisme pour la sous-directrice de la Caisse d’allocutions familiales du 06. Fabienne Guilhot affirme que ceux-ci sont effectués dans les temps : "C’est un calendrier national et on ne gère pas les financements à la tête du client".
On n’a pas de retard de paiement. En plus on s’apprête à verser une somme conséquente au titre de la trésorerie de 2023. Et encore une fois, on a une attention particulière portée aux gestionnaires associatifs qui peuvent présenter une fragilité. L’objectif principal des CAF est de maintenir leur offre de services aux familles.
Fabienne Guilhot, sous-directrice de la Caisse d’allocutions familiales des Alpes-Maritimes
Ces versements faits par la CAF sont un droit. Celle des Alpes-Maritimes accompagne 250 structures de ce type via la Prestation de Service Unique. Ce dispositif finance les crèches et a récemment évolué. Autrefois versé aux mairies, qui elles-mêmes subventionnaient via un budget annuel les crèches, il est dorénavant versé directement aux structures de la petite enfance.
La PSU a "été de façon exceptionnelle revalorisée en 2022 pour aider les gestionnaires. Après, ici ou là, il peut y avoir des situations individuelles, et c’est le cas d’Espace Môme, où quand on creuse un petit peu le mode de gestion, on voit qu’il y a des difficultés. Dans ce cas, nous, on les accompagne, mais il faut aussi qu’ils entendent qu’il y a des choses qui sont de leur ressort" argumente la sous-directrice de la CAF.
Ce sont à peu près 600 000 euros qui vont être versés avant le 1er avril, affirme Fabienne Guilhot. Cela représente 70 %, versés en début d’année, des sommes allouées par la CAF basées sur un prévisionnel fourni par Espace Môme.
Le solde de l’année 2023 sera livré au début de l’année 2024.
Pour Fabienne Guilhot, "on ne peut pas ‘juste’ demander de l’argent à la CAF", car la PSU ne s’organise pas de manière folklorique. Mais des aides ponctuelles et justifiées peuvent s'envisager explique-t-elle : "Éventuellement, cela va être à l’étude, car on attend les conclusions d’un audit (celui lancé par la mairie, NDLR) et en fonction de ce qu’il dira, la CAF pourrait mobiliser avec une aide exceptionnelle".
Pas d'augmentation des recettes ?
Plusieurs sources de revenus abreuvent Espace Môme. En 2021, le total des subventions des communes de La Gaude et de Saint-Jeannet équivaut à une rentrée de 267 000 euros. Cette année-là, la CAF verse 558 401 euros.
En 2022, c'est la bascule dans le mode de versement. La Gaude et Saint-Jeannet versent 104.814 euros... et la CAF doit en allouer 800 401, directement aux crèches au titre de la PSU.
La participation des parents s'élève à près de 300 000 euros cette année-là.
Seul le Département reste d'une réelle constance : 93 316 euros sont donnés chaque année depuis 2017. Au grand dam de certains observateurs qui regrettent que l'an passé, l'inflation galopante n'ait pas amené une légère hausse de cette contribution.
Pour l’élue d’opposition, Vanessa Siegel, ce nouveau de schéma ne satisfait pas. Elle regrette de ne pas avoir vu par ailleurs les précédentes subventions évoluer en parallèle de l'inflation. "La commune de la Gaude a par exemple augmenté le tarif des cantines en disant : on n'arrive pas à faire face. D'accord, mais qu'est-ce que l'on prévoit pour la crèche qui est dans la même situation ?"
Une problématique que les structures placées sous le giron des mairies ne connaissent pas : "Pour les crèches municipales, quand il y a des difficultés comme celle-là, c'est la commune qui le gère. Là, aujourd'hui, il y a une augmentation du point d'indice des personnels, mais on n'augmente pas les recettes."
Un argument que rétorque pour la CAF Fabienne Guilhot : "On a vu, ici ou là, des crèches qui pouvaient connaitre quelques fragilités, mais globalement, je ne fais pas le constat que le secteur est en train de se casser la figure, loin sans faux. Il y a plutôt une solidité du secteur de la petite enfance. C’est vrai aussi, quand même, qu’au plan financier, la CAF a revalorisé ses barèmes de financement aux crèches en 2022. Justement, on a revalorisé, parce que l’on savait qu’il y avait des phénomènes de surcoût. Il y a eu aussi une évolution de la réglementation qui a nécessité une mise aux normes et une mise en conformité qui a pu générer des surcoûts, donc on a suivi par une revalorisation de nos barèmes."
Après un imbroglio ces derniers jours, au fort écho médiatique, Espace Môme, avec ces 600 000 euros, va tout de même pouvoir un peu souffler.