Une statue de Jeanne d'Arc commandée par la métropole de Nice, polémique politique autour de l'atelier choisi

La Métropole a commandé pour 170 000 euros une statue en bronze de Jeanne d'Arc. Celle-ci ornera le parvis rénové de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Nice. L'Atelier Missor, chargé de la réaliser, aurait-il une connotation politique ?

À quelques pas de la cathédrale Saint-Nicolas, à Nice, un atelier d'artisans est à l'œuvre pour fabriquer une statue en bronze de 2,30 mètres de hauteur. C'est une commande de la Métropole, via la régie Parcs d'Azur qui administre ses parkings. La statue devra orner dès 2024 le parvis de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc. Celui-ci sera rénové à l'occasion de la construction d'un parking souterrain devant l'église, au cœur du quartier de Fuon-Cauda.

Pantalons à bretelles, chemises aux manches retroussées, barbes ou moustaches : tous les membres du collectif d'artisans entretiennent un style singulier. "Ils ont tout du hipster de droite", ironise auprès de Nice-Matin Fabrice Decoupigny, conseiller métropolitain d'opposition (EELV) et membre du conseil d'administration de la régie Parcs d'Azur.

"Rêve de civilisation"

Installé à Nice depuis 2020, l'Atelier Missor, fort d'une dizaine de membres, a pour spécialité la confection de figures et de bustes chers aux opposants de la modernité : Napoléon Bonaparte, Jeanne d'Arc, Friedrich Nietzsche ou encore le psychologue canadien Jordan Peterson, classé parmi les auteurs anglo-saxons conservateurs.

Les bustes de l'Atelier Missor ont notamment fait partie du catalogue de Terre de France, une "boutique patriote" en ligne qui prône l'artisanat français, les "valeurs familiales" et la "solidarité nationale", selon son fondateur. Sur le site de l'Atelier Missor, la vocation que se donnent ses membres est ainsi décrite : "Et si nous reprenions ce rêve de civilisation, qui avait été abandonné ?"

Depuis quelques années, le groupe s'est aussi rendu célèbre en filmant et diffusant en ligne le quotidien de ses membres, à commencer par celui de "Missor", le trentenaire fondateur qui a donné son nom au collectif. Il est celui qui réalise les sculptures originales. Charge ensuite à ses collègues de réaliser des moules pour produire les bustes en série.

Discours anti-baskets

Sur la chaîne YouTube du collectif, aux 57 000 abonnés, on peut observer des combats de lutte entre les membres du groupe ou encore la construction d'un four pour couler le bronze.

On peut aussi entendre Missor, le chef de la bande, philosopher avec sympathie et tenir des discours qui vont du speech motivationnel à la diatribe anti-moderne : "Je vois des gens, c'est censé être des messieurs, et ils mettent des doudounes, ils mettent des baskets. (...) Je n'accepte plus qu'un monsieur s'habille comme un gamin ! Pour moi, c'est même pas une faute de goût, c'est une faute morale", raille-t-il dans une vidéo, sourire aux lèvres, l'air un rien provocateur.

En 2023, l'atelier Missor a cessé de produire les bustes en plâtre qui ont fait son premier succès. Désormais, la troupe se spécialise dans la production de bustes miniatures en bronze à l'effigie de Napoléon, l'homme qui "a fait rentrer la France dans la mythologie", selon Missor. "Il faut que le monde entier sache que les Français adorent Napoléon. Il faut que tout le monde voue un culte à Napoléon", énonce Missor, qui voit dans ses bustes "des torpilles" envoyées pour faire connaître Napoléon au plus grand nombre.

"Il faut que tout le monde voue un culte à Napoléon."

Missor, fondateur de l'Atelier Missor

170 000 euros de commande, sans mise en concurrence

Reste que l'atelier prend aussi des commandes spéciales, comme celle de la statue de Jeanne d'Arc pour la métropole de Nice. La note pour cette statue, de 170 000 euros, fait grincer quelques dents. Bertrand Gasiglia, maire (LR) de Tourrette-Levens, s'est ému sur X (ex-Twitter) d'une telle dépense alors que la Métropole, qui cofinance le parking, "n’a pas les moyens d’implanter un arrêt de bus à Tourrette-Levens pour les enfants et les familles".

Fabrice Decoupigny, conseiller métropolitain d'opposition, déplore que le choix de cet atelier d'artistes ait été fait si vite par la régie. Même s'il plaisante facilement à propos des artisans sélectionnés "il ne leur manque que la redingote de chasse", a-t-il glissé à Nice-Matin , ce ne sont pas les discours sur la civilisation de Missor qui agacent le plus l'élu. Il regrette surtout l'absence de mise en concurrence de plusieurs offres.

"Ce que je déplore, c'est le fait du prince : il n'y a pas eu de mise en concurrence de plusieurs artistes", détaille-t-il, bien que l'absence de mise en concurrence soit légale dans le cas d'espèce. Le budget pour la statue relève en effet du "1% artistique", procédure consistant à attribuer 1% du budget d'une construction publique à une œuvre artistique qui doit la décorer, et qui ne nécessite pas d'appel d’offres.

"Ce que je déplore, c'est le fait du prince : il n'y a pas eu de mise en concurrence de plusieurs artistes."

Fabrice Decoupigny, conseiller métropolitain d'opposition

à France 3 Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Fabrice Decoupigny aurait cependant souhaité une consultation des habitants du quartier sur le choix des artistes, et tout de même une mise au clair : "On parle de quelle Jeanne d'Arc ? La guerrière, la républicaine ou la sainte ?"

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