L'ancien entraîneur de l'OGC Nice comparaît devant le tribunal correctionnel de Nice pour des faits de "harcèlement moral" et de "discrimination" suite à des propos racistes qu'il aurait tenus entre 2021 et 2022. Il encourt jusqu'à trois ans de prison et 45.000 d'amende.
[Article MAJ à 19h15 avec le détail de l'audience de la journée]
Il est arrivé au tribunal judiciaire de Nice (Alpes-Maritimes) un peu après 8 heures ce vendredi 15 décembre. Chemise blanche, costume sombre, visage fermé, Christophe Galtier était entouré de ses deux conseils, Maîtres Sébastien Schapira et Olivier Martin.
Dans la salle du tribunal correctionnel, Christophe Galtier, 57 ans, est assis au dernier rang. Il semblait impatient de s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. "Monsieur le Président, bien sûr que j'accepte de répondre à vos questions !", dit à la barre l'ancien coach niçois.
Les avocats de la défense ont fait une demande en nullité, indiquant que les enquêteurs auraient dû organiser une confrontation avec Julien Fournier, entendre le capitaine brésilien Dante ou encore l'équipe médicale sur la gestion du ramadan... Cette demande a été jointe au dossier.
"Interrogatoire à charge"
Après plusieurs renvois concernant d'autres affaires, le tribunal en vient à l'affaire Christophe Galtier, déclenchée par la révélation par deux journalistes d'un mail adressé à la direction du club de foot. Dans ce courriel, l'ancien directeur de l'OGC Nice Julien Fournier explique que Christophe Galtier se serait plaint du trop grand nombre de joueurs "noirs et de musulmans dans l'équipe".
Christophe Galtier avait alors été placé en garde à vue, puis mis en examen. "Quand j'ai été convoqué en garde à vue, cela a été une période difficile", explique l'ancien entraîneur niçois. "Au fur et à mesure, j'ai compris que c’était un interrogatoire à charge et j’ai commencé à me fermer."
Ramadan et sport
À la barre, le docteur Hakim Chalabi, ancien directeur médical au PSG et expert sur la question du ramadan dans le sport, est le premier à témoigner. "La pratique du ramadan n'est pas dangereuse mais augmente le risque de blessures et peut nuire à la performance", explique-t-il. "Le facteur responsable est la dette en sommeil, surtout à partir de la 3e semaine."
Un coach qui ne tient pas compte de cette question du ramadan, sous l’aspect médical, c’est une faute professionnelle.
Hakim Chalabi, expert sur la question du ramadan dans le sport
Racisme
C'est au tour de Christophe Galtier de répondre aux questions du président du tribunal, Alain Chemama. "Il y a des propos faux et des propos déformés", affirme-t-il.
Août 2021, au restaurant, trois personnes m’interpellent avec des remarques racistes sur la constitution de l’équipe. Je n’avais jamais eu ce genre de remarques auparavant. Le lendemain, en arrivant au club, je rapporte à Frédéric Gioria [l'entraîneur adjoint, NDLR] ces remarques. Il me dit 'C’est ça, Nice', et me sourit.
Christophe Galtier, à la barre du tribunal de Nice
L'ancien coach de l'OGC Nice poursuit : "M. Gioria est sûrement la personne la plus raciste que j’ai rencontrée dans le football".
À la barre, Christophe Galtier revient sur les périodes de ramadan que certains des joueurs de l'OGC Nice pratiquent, y compris pendant les jours de match. Il est notamment question du défenseur guyanais Jean-Clair Todibo, qui s'est converti à l'islam salafiste.
"Je rencontre Didier [Digard, membre du staff de l'OGC Nice, NDLR] sur le parking", poursuit le prévenu. "Je lui dit que Fred Gioria m’a dit que l’année dernière ça avait été un peu compliqué… Si tu peux parler à Jean-Clair Todibo, lui demander s’il va pouvoir maîtriser mieux que la saison dernière et non pas le convaincre. Mais lui dire que, le jour du match, on est quand même plus performant si on s’hydrate, d’autant plus qu’on entrait dans le money time, les matchs décisifs dans la course pour l’Europe, et qualifiés pour la finale de la coupe de France."
Propos "déformés"
Le Président du tribunal et le Procureur de la Répulique abordent ensuite le terme "King-kong", qui aurait été utilisé envers deux joueurs de l'AS Saint-Etienne, Mickael Nadé et Harold Moukoudi. Christophe Galtier confirme l'emploi de ce mot à leur encontre.
"J’ai hésité à dire molosse", précise-t-il. "King-kong, pour moi, ça évoque la force, la puissance. Rien d’autre. Il n'y a pas de signification de couleur, de race. J’ai aussi dû utiliser ce terme pour Nicolas Palois."
Sur ses propos concernant des joueurs algériens "trop extrêmes", l'ancien entraîneur rouge et noir assure qu'ils ont été "déformés". "En tant que joueur puis entraîneur, j’ai vécu au quotidien avec différentes religions. Et mon vécu, c’est que, le jour du match, les Algériens de confession musulmane pratiquent le jeûne et c'est très difficile de leur faire comprendre l’importance de ne pas jeûner ce jour-là."
Le 2 avril 2022, l'attaquant Billal Brahim est sorti de la liste des joueurs pour le premier match pendant la période du ramadan. Est-ce à cause de la pratique du jeûne ? "Faux", répond Christophe Galtier. "Mon groupe était donné bien avant que je ne connaisse la date du ramadan." Après un silence, le prévenu poursuit
Je sais que la prière du vendredi est très importante. Pour que les joueurs de confession musulmane puissent être à l’heure, j’avançais l’horaire de l’entraînement et je donnais l’autorisation de ne pas déjeuner au camp d’entraînement, mais de prendre un 'take away'.
Christophe Galtier, ancien entraîneur de l'OGC Nice
Autre exemple : "Si Monsieur Hicham Boudaoui, qui a arrêté de s’hydrater à 23h, fait un arrêt cardiaque (j'ai cette obsession-là depuis que je suis entraîneur), qui allait être responsable d’avoir mis sur le terrain un joueur qui ne s’est pas hydraté ?"
Absents au procès
Plusieurs parties prenantes de cette affaire étaient absentes ce vendredi devant le tribunal correctionnel : Julien Fournier, contre qui Christophe Galtier a porté plainte pour diffamation, ainsi que les deux journalistes ayant publié le courriel en question.
Les internationaux algériens Islam Slimani, dont Galtier aurait refusé le recrutement, et Billal Brahimi, qu'il aurait rechigné à intégrer, en particulier parce qu'ils faisaient le ramadan, cités comme victimes, n'étaient eux non plus pas présents à l'audience.