La perte d'éclat de l'étoile Bételgeuse intrigue depuis 2019. La supergéante rouge a toujours présenté des cycles de luminosité variable, mais jamais si rapides et constants. Ce phénomène scientifique a enfin été élucidé ce 16 juin par des chercheurs, dont cinq de l'Observatoire Nice Côte d'Azur.
Mystère résolu pour le joyau rouge-orangé de la constellation d'Orion ! Bételgeuse est connue pour être une des étoiles les plus brillantes des nuits d'hiver, au côté de sa rivale bleue Rigel. La baisse de luminosité de cette supergéante rouge, rapide et constante, entre fin 2019 et début 2020, avait aiguisé la curiosité des astrophysiciens du monde entier.
Une hypothèse pour expliquer ce phénomène, aujourd'hui réfutée, avait été émise dans un premier temps par les chercheurs. Elle supposait un refroidissement localisé de l'étoile ayant entrainé une perte de luminosité.
Mais après plusieurs mois de recherche, pour comprendre son "déclin", une trentaine de scientifiques, dont cinq de l'observatoire de la Côte d'Azur, viennent enfin de publier leurs conclusions grâce à des images de la surface de l'étoile, qui montrent en temps réel pourquoi sa luminosité a changé.
Grâce à ce schéma, il est possible d'observer son emplacement au sein de la constellation d'Orion, cette étoile est visible même sans télescope :
"Un énorme nuage de poussières"
Les recherches révèlent en réalité que l'étoile était partiellement cachée par un nuage de poussières, créées lors de l'explosion de bulles de gaz.
Bételgeuse a une masse équivalente de 15 fois celle de notre propre Soleil. Elle se situe à environ 500 années-lumière de notre planète bleue. Et sa taille réelle, avoisine les 1,4 milliard de kilomètres. Soit 1000 fois la taille du soleil !
Elle change régulièrement d'aspect lorsque des bulles géantes se déplacent, rétrécissent et gonflent au sein de l'étoile. Sur cette vidéo, il est possible de voir apparaître le nuage de poussières qui occulte l'étoile :
Des bulles de gaz qui peuvent atteindre en superficie, la distance de la terre au soleil ! Eric Lagadec, vice-président du conseil scientifique de l'Observatoire de la Côte d'Azur et Président de la Société Française d'Astronomie et d'Astrophysique précise :
Quelque temps avant cette grande diminution de luminosité, l'étoile a éjecté une grosse bulle de gaz qui s'est éloignée d'elle. Lorsqu'une partie de la surface s'est refroidie peu après, la baisse de température a suffit pour que ce gaz se condense en poussière solide.
Cette découverte est d'autant plus importante qu'elle pourrait être à l'origine d'autres phénomènes astrophysiques. La preuve que la formation de poussière des étoiles froides en fin de vie, peut se produire très rapidement et à proximité de leur surface "pourrait constituer les briques élémentaires des planètes telluriques et de la vie", explique la chercheuse Emily Cannon dans le rapport rendu par l'European Southern Observatory.
Une découverte mondiale
Plutôt que d'être simplement le résultat d'une éruption de poussière, certaines spéculations ont laissé entendre que la baisse de luminosité de Bételgeuse pourrait annoncer sa mort imminente dans une spectaculaire explosion en supernova
Actuellement l'étoile, après avoir brûlé une partie de ses réserves d'hydrogène, consume dans son cœur nucléaire de l'hélium, du carbone et de l'oxygène. Autour de ce cœur, porté à près de 100 millions de degrés, une coquille d'hydrogène continue de brûler. Un tel système est instable, est annonce donc son explosion... l'éclair de cette supernova sera visible dans toute la Galaxie, mais impossible de savoir quand précisemment.
Ainsi, les scientifiques se sont demandé si cette fois, cette perte de lumière ne traduisait pas la fin de l'évolution de la géante rouge et ses derniers jours avec son explosion.Une supernova n'a pas été observée dans notre galaxie depuis 1604, avec l'étoile de Kepler.
Si elle explosait nous pourrions lire la nuit comme un soir de pleine lune
Les astronomes d'aujourd'hui ne savent pas exactement ce qu’ils doivent s'attendre à observer d’une étoile, avant un tel événement.
Néanmoins, cette découverte confirme que la grande diminution de luminosité de Bételgeuse n'était pas un signe précoce que l'étoile se dirigeait vers son ultime explosion :
Nous avons assisté en direct à la formation de ce que l'on appelle la poussière d'étoile
Le fait d'assister à l’important déclin d'une étoile aussi reconnaissable a été passionnant pour les astronomes professionnels et amateurs :
Des outils ultra-performants
Installés au coeur du désert d’Atacama au Chili, les chercheurs ont utilisé notamment l'instrument SPHERE (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch), "un appareil qui permet d'utiliser les images les plus nettes jamais obtenues", rappelle Eric Lagadec.
Ils ont pu obtenir en direct les images de la surface de Bételgeuse, et surveiller l'étoile tout au long de la diminution de sa luminosité. Grâce aux outils, "nous avons été en mesure de résoudre les détails de la surface de l’étoile et de la surveiller tout au long de l'événement et pas juste l’observer comme un simple point", ajoute Miguel Montargès, responsable de l'équipe qui a supervisé sans relâche ce phénomène.
Voici "les télescopes impressionnants" utilisés :
Ces outils technologiques, permettront également dans le futur, d'élargir de manière significative l'échantillon des supergéantes rouges, une aide précieuse pour les scientifiques afin de percer tous les mystères qui se cachent derrière ces étoiles massives.