L'une des trois principales sociétés de construction immobilière monégasques, Caroli Immo, a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour réclamer au gouvernement de Monaco le versement d'une indemnité de 164 millions d'euros après l'échec d'un vaste projet.
La CEDH, qui siège à Strasbourg, a confirmé à l'AFP avoir enregistré la requête ce lundi 5 février. Elle devra désormais déterminer si celle-ci est recevable.
Contacté par l'AFP, le gouvernement monégasque a déclaré avoir "pris note" de cette requête, sans plus de commentaire.
En 2020, le Tribunal suprême de Monaco avait condamné l'État monégasque à verser à cette entreprise une somme de 136 millions d'euros, majorée des intérêts légaux à compter de 2018, pour l'abandon d'une opération immobilière d'envergure dite de l'Esplanade des Pêcheurs.
Lancée en 2014, cette opération aurait dû mener à la construction, sur le port de Monaco, du Centre de l'Homme et de la mer, un musée destiné à accueillir les collections de l'archéologue sous-marin Franck Goddio ainsi qu’une unité scientifique et de recherches, sur une surface de 5 324 m2
Accompagné de commerces, bureaux et logements, ce futur ensemble avait été dessiné par l'architecte Rudy Ricciotti.
Un Centre de l’Homme et de la mer prévu sur l’esplanade des Pêcheurs.
L'entreprise Pastor mise en cause
Le gouvernement s'était ensuite désisté et l'entrepreneur avait obtenu sa condamnation devant le Tribunal suprême, la cour constitutionnelle locale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours en principauté.
Toutefois, après la condamnation de 2020, un accord avait été trouvé pour relancer le projet et Caroli Immo avait renoncé à l'indemnité en échange d'un calendrier pour lancer les travaux.
Mais, selon la société Caroli dans cette requête que l'AFP a pu consulter, la société "a été contrainte d'abandonner le projet (...) à la suite de nombreux recours engagés par les sociétés appartenant à un autre entrepreneur monégasque, contre lesquels l'État de Monaco n'a pas agi, M. Patrice Pastor".
Caroli Immo a donc procédé en octobre 2023 à une résiliation unilatérale de l'accord amiable passé avec l'État, revenant ainsi sur sa renonciation à l'indemnité contentieuse.
Mais quand il a réclamé l'argent à l'État monégasque, ce dernier n'a pas répondu, manifestant "sa volonté de ne pas payer", selon la requête.
Cette requête s'inscrit sur fond de bataille pour les parts de marché de la construction immobilière à Monaco, l'entreprise Pastor voyant contester sa prédominance par ses principaux concurrents.
Les prix de l'immobilier dans le micro-État situé sur la Côte d'Azur peuvent atteindre des montants astronomiques, jusqu'à 120.000 euros le mètre carré.
Cette nouvelle saisine de la CEDH contre Monaco est la troisième après celle du juge français Édouard Levrault en 2020 à la suite de son non-renouvellement en principauté. Plus récemment, Claude Palmero, l'ex-administrateur des biens de la couronne, a aussi saisi la Cour se plaignant de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable après son limogeage.