En quelques mois, ils ont vu leurs factures de gasoil s'envoler, sans pouvoir le répercuter systématiquement auprès de leurs clients. Alors que l'Etat vient d'annoncer une hausse des indemnités kilométriques pour les particuliers, les transporteurs routiers et les autocaristes demandent, eux aussi, qu'on les aide.
« Je charge vite quelques palettes, et ensuite je vous montre les factures. Vous allez vite comprendre ». Propriétaire de 40 camions garés dans la zone industrielle de Carros dans les Alpes-Maritimes, Patrick Mortigliengo est un homme pressé, et en colère.
Ce patron d’une société de transport, président de la Fédération nationale des transports routiers dans les Alpes-Maritimes, assiste, impuissant, à l’envolée du prix du gasoil depuis plusieurs mois.
Pour les professionnels, il est désormais à 1.60 euros.
Pour le même prix, 3 pleins au lieu de 4
Preuves à l’appui, il fait défiler ses factures :
- 43 000 euros par semaine en décembre 2020
- 53 000 euros en décembre 2021
- et 56 000 euros ce mois de janvier 2022.
Cela nous fait 13 000 euros en plus par semaine, 600 000 euros de supplément par an, sans parler du prix du gaz, qui s’est envolé de 400 %
Patrick Mortigliengo, transporteur routier.
Lui qui avait investi dans deux camions au gaz, se demande s’il ne vaut mieux pas les rentrer au garage dans la zone industrielle.
Pour le gasoil, pas le choix. Les clients attendent leur marchandise, il faut rouler. Ce matin, un de ses chauffeurs italiens fait le plein avant de prendre la route pour Milan.
500 litres dans le réservoir, c’est près de 800 euros à payer. « C’est simple, quand on faisait 4 pleins avant, pour le même prix maintenant, on n’en fait plus que trois » nous explique sa secrétaire. Quand il peut, Patrick Mortigliengo répercute en partie la hausse du gasoil sur les factures de ses clients.
Mais ça n’est pas toujours bien perçu, ni accepté.
Certains n'avaient pas anticipé une telle hausse dans leurs contrats
Pour son voisin autocariste, c’est tout simplement impossible. David Coussy gère 17 bus de transport scolaire. Sa société a décroché un contrat signé pour 4 ans, sur la base d’un tarif du gasoil bien inférieur au prix actuel.
« Par exemple là je dois faire rentrer une cuve de 10 000 litres, à 1.61 euros TTC le litre ». Quand il a signé le contrat, le tarif moyen estimé était de 1.20 euros.
Si vous multipliez par 10 000 litres, en euros on est à 16 100 euros au lieu des 12 000 euros prévus au départ,
David Coussy, autocariste.
Et, à moins que les prix ne baissent, ce sera ainsi jusqu’à la fin du contrat. Sa seule marge de manœuvre, désormais, se trouve dans les futurs contrats estivaux négociés avec les croisiéristes.
Les professionnels du transport se sentent abandonnés, alors que le Premier Ministre, Jean Castex, vient de confirmer une hausse des indemnités kilométriques pour les particuliers.
Une mesure qui les met en rogne ? « Non, pas vraiment, répond Patrick Mortigliengo. Tant mieux pour ceux qui bossent avec leur voiture. On ne va pas leur en vouloir. Mais nous aussi, on a besoin d’aide ».