Le Secours populaire des Alpes-Maritimes a reçu 1,4 million d'euros de dons après la tempête Alex, sans compter les dons de matériels. L'association continue de les répartir en fonction des besoins des sinistrés. Elle craint de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes.
À Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), Marc Gincourt a perdu quasiment tout son matériel de jardinier-paysagiste, entreposé au bord de la Roya et noyé par les flots de la tempête Alex. Aujourd'hui, son entreprise n'a pas retrouvé toute son activité d'avant, mais certains chantiers sont revenus. "Le plus dur, ça a été de racheter le matériel pour redémarrer l'activité", se souvient Marc Gincourt.
Pour cela, le Secours populaire l'a aidé à hauteur de 10.000 euros, le maximum que l'association accorde. Ce jour-là, le paysagiste débroussaille un terrain breillois grâce à ses nouvelles machines.
Je n'avais pas les fonds nécessaires pour me repayer tout ce que j'avais perdu, même avec les assurances. Ce matériel, j'avais mis 20 ans à l'acquérir. Impossible de tout racheter en un rien de temps !
Jean-Thibault Poguntke, lui, a perdu son véhicule professionnel, un fourgon pour transporter du bois. Pas emporté par la tempête, mais volé alors qu'il était stationné à Menton et que son propriétaire était bloqué à La Brigue, une commune de la Roya qui a été coupée du monde pendant plusieurs jours. Assuré au tiers, le charpentier brigasque de 39 ans n'a "rien pu récupérer".
"Merci beaucoup !"
Le Secours populaire lui a donc accordé une aide de 5.000 euros, soit la moitié du prix du nouveau véhicule, qu'il a récupéré en début d'année. "Cela m'a permis de ramener des matériaux du Piémont jusque dans la Roya, de transporter du bois pour des chantiers", indique Jean-Thibault Poguntke. "Il a aussi pu dépanner des habitants qui ne pouvaient pas aller en Italie chercher des matériaux", complète Johanna Boganim, sa compagne.
Aux donateurs, je leur dis 'Merci beaucoup !'. Cela m'a permis de me relancer. Sans ça, j'aurai été dans la galère.
Même reonnaissance de la part de Marc Gincourt : "Je dis un grand merci à toutes ces associations qui ont participé à redonner un élan aux sinistrés. Sans ces aides, nous n'aurions pas pu redémarer notre activité rapidement".
1,4 million d'euros de dons
Il faut dire qu'après le passage de la tempête Alex, les dons ont afflué pour aider les habitants sinistrés. Au Secours populaire français (SPF) des Alpes-Maritimes, une cagnotte en ligne a été créée, parainée par le chanteur Julien Doré. En quelques semaines, 932.470 euros ont été récoltés.
Un montant que les initiateurs de la cagnotte n'imaginaient pas atteindre.
Avec Julien, on se disait que si on arrivait à 200.000€, on serait content. Et on a eu 900.000 ! C'est la tombola qui a rapporté le plus parmi les tombolas caritatives.
Il faut ajouter à cela les dons reçus directement par le Secours populaire, soit un total d'1,4 million d'euros. Ainsi que les (nombreux) dons de matériels. "On a dû multiplier par quatre notre surface de stockage !", se rappelle Jean Stellittano, le secrétaire général du Secours populaire des Alpes-Maritimes. Des objets (meubles, électroménager) aujourd'hui réparti chez des habitants, comme Patrick Clément, qui vit depuis trois ans à Saint-Martin-Vésubie et qui a perdu sa maison et son terrain.
Lui et son épouse ont retrouvé une location non-meublée dans la commune en novembre. Alors les lits, table, chaises, machine à laver et autres ustensiles de cuisine donnés par le Secours populaire et livrés par Julien Doré en personne ont été un sacré coup de pouce davantage psychologique que financier.
"Après l'épreuve de l'inventaire de ce qu'on avait perdu, nous avons reçu des avances de l'assurance. Mais psychologiquement, nous n'avions pas la tête à faire les magasins et à acheter", se souvient Patrick Clément. "L'aide extérieure est indispensable, sinon, on pète un câble et on se laisse couler."
Plus de 600.000 euros redistribués aux sinistrés
Au 30 juin dernier, le Secours populaire avait dépensé 636.366 euros pour venir en aide à 3.200 personnes. "Nous avons surtout aidé des particuliers dans la vallée de la Vésubie et des professionnels dans la vallée de la Roya", détaille Jean Stellittano.
Quand les antennes de Breil-sur-Roya, Tende et Saint-Martin-Vésubie reçoivent une demande d'aide, il faut remplir un dossier.
Nous faisons attention que les aides soient légitimes. La personne doit habiter l'une des vallées, être sinistrée directement ou indirectement et avoir entamé des démarches auprès des assurances ou des dispositifs mis en place par des collectivités locales.
Si la demande est inférieure à 2.500 euros, le dossier est étudié par la commission financière du SPF06 et le matériel peut être livré dans la semaine s'il est en stock.
Pour des demandes plus importantes, "nous avons créé un comité de dotation, composé de quatre personnes du Secours populaire et de deux membres extérieurs, un expert comptable et un ancien expert d'assurance", poursuit Jean Stellittano. "L'un de nos bénévoles se rend également sur place pour garantir que l'argent aille bien là où il faut."
Associations et festivals
À Roquebillière, en Vésubie, l'association ANFAN (qui gère des centres de loisirs et une ferme pédagogique) a vu son siège social et sa ferme emportés par la tempête Alex. Aujourd'hui, elle est relogée dans les locaux de La Semeuse, une association d'éducation populaire présente dans un autre quartier de la commune.
Avec ses dons, le Secours populaire a pu leur racheter pour environ 2.500 euros d'électroménager : frigo, micro-ondes, cuisinière électrique, lave-linge, sèche-linge et aspirateur.
Ca nous a permis d'améliorer le quotidien des enfants et de leur offrir un accueil de meilleure qualité et plus propre grâce au lave-linge et au sèche-linge. Ce sont des frais qu'on n'aura pas à engager à l'avenir.
L'association, qui fêtera ses 30 ans l'année prochaine, intervient auprès de 300 à 350 enfants entre 3 et 18 ans. "Quand le Secours populaire nous a contacté pour nous aider, ça nous a fait chaud au coeur. Dans ces moments-là, on a besoin de se sentir vivants, utiles et reconnus", assure Agnès Cornillon, la directrice de l'ANFAN.
"Une solidarité exemplaire"
Enfin, deux festivals (le Festival des Merveilles et Passeurs d'humanité) ont aussi pu bénéficier de ces dons, "pour maintenir l'activité culturelle et ses emplois indirects et pour le bien-être de la population", explique Jean Stellittano. Ainsi que huit associations, dont les Week-ends solidaires ou encore Mission Trekkeurs. Des associations qui, chaque semaine, organisent des chantiers pour remettre en état le chemin, le mur ou le terrain d'un particulier.
"En donnant à des associations de bénévoles, cela a permis de déplacer des montagnes", assure le secrétaire général du SPF06. "Conjuguer argent et bénévolat, ça a très bien fonctionné. Jamais nous n'avions vu cela dans les précédentes catastrophes naturelles. Ce qui s'est passé après la tempête Alex, en matière de solidarité, est un exemple."
Relancer les dons
Aujourd'hui, les dons se font beaucoup plus rares : une centaine d'euros par semaine. Et, même si tout l'argent n'a pas encore été redistribué, cela inquiète Jean Stellittano. "Les gens sont dans l'attente des décisions des assurances et du fonds Barnier. D'ici à la fin de l'année 2022, on s'attend à de nouvelles demandes d'aides. Au total, nous atteindrons sans doute les 2 millions d'euros. Il nous faudra remédiatiser la situation et remobiliser."