"Vory v Zakone", les Voleurs dans la loi, plongée dans cette mafia géorgienne qui sévit dans toute l'Europe

Cinq membres présumés de cette puissante confrérie criminelle d'ex-URSS, "Vory v Zakone", comparaissent jusqu'au 20 décembre devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône. Kakhaber Sushanashvili, le parain, a été condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité. 

Girophares, cortège de voitures banalisées, hommes cagoulés en armes, la scène sort tout droit d'une série aux couleurs mafieuses bien trempées.

Carrure large, pull bleu sombre, suivant l'audience via une interprète, Kakhaber Shushanashvili, 47 ans, en impose dans le box des accusés de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.

A l'écouter, "Kakha" n'a pas de sang sur les mains, juste du plâtre. L'homme se présente comme un ouvrier du bâtiment. De quoi faire presque sourire, quand on sait que l'accusé est inscrit sur les listes noires d'Interpol et du Trésor américain.

Avec quatre autres membres présumés des Vory v Zakone, "Kakha" comparaissait  jusqu'au 20 décembre devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, pour l'assassinat en 2010 de Vladimir Janashia, responsable d'un clan rival. Il a écopé d'une peine de réclusion criminelle à perpétuité, indique La Provence.

Trois Géorgiens installés à Nice, jugés pour association de malfaiteurs, ont écopé de condamnations allant de 1 à 7 ans de prison. 
 

Un assassinat commandité à Marseille

Ses dix dernières années, il les a passées en prison, dont six à l'isolement, en France. Kakhaber Shushanashvili, est accusé d'avoir commandité l'assassinat de l'un de ses meilleurs ennemis, Vladimir Janashia. L'homme avait été exécuté à l'arme lourde dans un appartement marseillais, en mars 2010.

Selon les enquêteurs, il voulait sa mort depuis des mois, et aurait envoyé plusieurs commandos armés à ses trousses, depuis l'Espagne et la Belgique notamment.

L'omerta pour seul témoin

Sur sept accusés à ce procès, deux ne se sont pas présentés, et de nombreux témoins, introuvables, partis à l'étranger, ou malades, ne pourront pas déposer.

Le souffle de "l'ouvrier du bâtiment" sent le soufre et les témoignages se dégonflent. Un premier témoin, un Géorgien qui avait évoqué devant les policiers l'appartenance des accusés aux "Vory v Zakone", est totalement revenu sur ses déclarations. Devant le tribunal, il affirme tout ignorer en la matière.

Crucifix sur la poitrine, têtes de mort ou coupoles, les membres des Voleurs dans la loi sont notamment connus pour leurs tatouages. Le crucifix pour marquer son appartenance à la "caste des voleurs", la tête de mort pour les crimes de sang et une coupole pour chaque séjour en prison…

Lors de l'instruction, Kakhaber Shushanashvili a nié être un chef de cette mafia des "Vory v Zakone", qui s'est développée dans les goulags soviétiques avant de s'exporter à travers l'Europe dans les années 1990.

Organisation "très pyramidale et hiérarchisée", explique Géraldine Levy, capitaine de police et ancienne membre de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée, ses membres se livrent aux vols à l'étalage, aux cambriolages, aux trafics de cigarettes, d'essence mais également à l'extorsion de commerçants de la diaspora géorgienne.

Son histoire a inspiré plusieurs films, dont "Les Promesses de l'ombre" de David Cronenberg (2007). Il faut dire que le scénario est tout écrit. La confrérie des Vory v Zakone obéit à des règles strictes, avec une division entre des soldats chargés de voler ("chestiorki"), des surveillants qui veillent sur un secteur géographique, et des chefs, les "vors" ("voleurs couronnés" en russe), au train de vie luxueux.

Derrière les barreaux, toujours aux commandes

Présenté comme "une autorité criminelle de premier plan", "Kakha" cumule les peines de prison. Il a déjà été condamné en France, à dix ans de prison, en 2018 à Nancy, pour avoir continué depuis sa cellule à diriger l'organisation criminelle.

Shushanashvili avait été arrêté en 2010 lors d'un coup de filet pan-européen menant à l'arrestation de 80 mafieux présumés. L'Espagne, où il vivait alors, l'a transféré en France après l'avoir condamné à plusieurs peines de prison ferme.

Sa défense conteste notamment les retranscriptions des écoutes qui fondent une partie de l'accusation. Et comme dans toute bonne série, cet épisode a aussi connu son rebondissement. Une partie de ces écoutes "a disparu" lors de leur envoi du tribunal de Nice, à la juridiction spécialisée dans le grand banditisme de Marseille.

Un impôt criminel chiffré en milliards d'euros

Ces dernières années, environ 40 à 50% des vols par effraction commis en France étaient imputable à des ressortissants géorgiens, et plusieurs assassinats ont été commis en Europe ces dernières années sur fond de conflit interne à l'organisation, détaille Géraldine Levy.

Ces "petites mains", dont certaines bénéficient du statut de réfugié politique, n'encourent que quelques mois de prison en cas d'interpellation et versent un "impôt criminel" équivalant à 15 à 20% de leur butin à un "smotriachi" (surveillant) afin d'alimenter l'"obschak", une caisse de solidarité.

Cette caisse, destinée à soutenir les personnes incarcérées, alimente surtout une "obschak" générale qui selon la policière cumulerait plusieurs milliards d'euros.

Ces sommes colossales sont réinjectées dans l'économie légale, notamment en Espagne et en Russie. Les Vory v Zakone comptaient ainsi parmi les grands investisseurs lors des jeux Olympiques de Sotchi, selon elle.

En 2008, la gestion de cette "obschak" générale aurait été confiée à Lasha Shushanashvili, installée en Grèce, secondé par son frère Kakhaber implanté en Espagne. "Kakha", le petit ouvrier du bâtiment qui nie toute appartenance à l'organisation...
 
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