Le boxeur professionnel aixois Souleimane Mohammedi, double champion du monde WBC Youth en 2023 et tenant en titre IBF international tout âge confondu en 2024, doit continuer de livrer des repas sur une plateforme pour financer sa carrière, il nous explique pourquoi.
Si vous vous faites livrer votre dîner à Aix-en-Provence, vous risquez de tomber nez à nez avec un champion de boxe. À 22 ans, Souleimane Mohammedi s'entraîne trois heures chaque matin et trois heures chaque soir dans la salle de boxe de son père. Entre les deux, il part livrer des repas pour une célèbre plateforme en ligne. Professionnel en boxe anglaise depuis deux ans, invaincu depuis le début de sa carrière professionnel, il ne vit pourtant pas de son métier. "Parce que la boxe n'est pas un sport populaire dans notre pays", explique Souleimane.
Parfois je dois mettre en pause mon activité de livreur pour me focaliser sur mes entraînements à l'approche de combats. Mais mes factures, elles, n'ont pas de pause. Alors c'est compliqué.
Souleimane MohammediFrance 3 Provence-Alpes
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est déterminé.
Trois fois champion du monde
Le champion de boxe explique qu'en France, seuls les dix premiers au classement mondial général de boxe anglaise peuvent prétendre vivre de leur sport, et encore. "Il faut aussi le rester ! C'est en maintenant ses titres qu'on gagne de l'argent", explique le champion. Mais alors, dans le titre de cet article, vous avez lu qu'il était champion du monde ! De quoi parle-t-on ? Ce sport est si mal connu de la culture populaire qu'il semble nécessaire de faire un récapitulatif.
En boxe anglaise, quatre fédérations permettent de devenir champion du monde : WBC, IBF, WBA et WBO. Dans chacune d'elles, il y a différentes ceintures et catégories qui permettent d'entrer dans le classement mondial. Souleimane Mohammedi est deux fois champion du monde WBC Youth c'est-à-dire, des moins de 25 ans. Un titre qui peut être remis en jeu tous les six mois maximum. Le 7 décembre 2024, il a également remporté la ceinture IBF international tous âges confondus face au quadruple champion de France Sofiane Khati. Ces titres lui permettent d'intégrer le classement mondial général : il est 35ᵉ sur les 2500 boxeurs de sa catégorie. Pas suffisant pour en vivre. Les sponsors n'interviennent que beaucoup plus tard : quand les champions sont déjà connus, médiatisés et tout en haut du classement mondial.
Un investissement personnel et familial
Alors Souleimane Mohammedi a dû investir sur lui-même. Il précise que pour certains combats contre des internationaux célèbres, il doit donner lui-même de sa bourse pour répondre aux prétentions de son adversaire. Et même quand c'est Souleimane qui gagne, il ne remporte donc pas d'argent.
Au-delà de l'aspect financier, c'est un investissement et une organisation familiale qui a permis au sportif de haut niveau d'en arriver là, reconnaît-il. L'Aixois a commencé à boxer tardivement : 17 ans. En général et en moyenne, les boxeurs professionnels débutent leur carrière dès l'enfance.
Pourtant, Souleimane vient d'une famille de boxeurs. Son père était amateur et tient une salle de boxe au Jas-de-Bouffan, à Aix, qui porte le nom de son oncle, Larbi Mohammedi, champion et professionnel, aujourd'hui décédé. "Je ne l'ai pas connu", raconte Souleimane Mohammedi, "mais j'ai grandi dans cet univers, entre les galas et les rings. Alors j'ai essayé en cachette de mon père au début, parce qu'il ne voulait pas de cette carrière pour moi, il savait que c'était dangereux".
J'ai dû fournir quatre fois plus d'efforts que les autres car j'ai commencé tardivement, mais ça a payé très vite. J'ai fait 18 combats en 8 mois en amateur, je n'ai eu qu'une défaite. Puis je suis passé pro. Depuis, je n'ai perdu aucun de mes 16 combats professionnels, je suis invaincu.
Souleimane MohammediFrance 3 Provence-Alpes
Son père est rapidement devenu son entraîneur, même si depuis quelques mois, il est entraîné par Nadjib Mohammedi (qui porte le même nom que lui, mais ne vient pas de la même famille). Sa mère, elle, occupe une place centrale dans l'administration de sa carrière. Autour de Souleimane Mohammedi gravite un groupe de proches, dont des amis bénévoles, qui, tous ensemble, œuvrent pour la carrière du jeune prodige.
Objectif : champion du monde toutes fédérations confondues dans trois ans
Les efforts de Souleimane Mohammedi sont constants. Il suffit d'échanger quelques minutes avec lui pour remarquer sa combativité. Lorsqu'on lui demande quel est son rêve, il corrige immédiatement : "je n'ai pas de rêve, j'ai un objectif. Je vais être champion du monde. Je me donne trois ans pour y arriver, avant mes 25 ans. Ensuite, le plus dur sera de le rester."
S'il vivait aux Etats-Unis, en Angleterre ou au Mexique, Souleimane pourrait vivre de son sport assure-t-il. "Mais je suis comme un footballeur qui voudrait faire carrière aux Etats-Unis" compare-t-il, "la France n'est pas un pays de boxe, encore moins médiatiquement". Prochain combat : en avril Souleimane Mohammedi défendra son titre IBF international.