"Derrière les gants, je me suis masculinisé", Maho le premier boxeur transgenre d'Europe va enfin combattre en homme contre homme

Il est né femme il y a 30 ans, mais n'y a jamais vraiment cru. Après sa transition de genre, Maho, ex-championne de boxe féminine, a obtenu de la Fédération de combattre chez les hommes. Il portera haut les couleurs LGBTQIA+ lors de son premier duel, samedi 2 novembre, à Marseille.

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Maho Bah-Villemagne a déjà une longue carrière en boxe professionnelle. À son actif, une trentaine de combats nationaux et internationaux. En tant que femme. Pour la première fois, il va être reconnu comme boxeur, au masculin. En mai et en juin 2024, il aurait déjà dû franchir cette étape, mais à chaque fois ces adversaires ont reculé. 

Premier boxeur transgenre en Europe

Ce samedi 2 novembre 2024, à l'occasion de l'Open Boxing, Maho va performer dans la mythique salle Vallier de Marseille, aux côtés de la crème des boxeurs locaux. Tête d'affiche d'un gala qui attire les caméras. Car le combat de Maho Bah-Villemagne, devenu le premier boxeur transgenre licencié en Europe, marque un tournant dans l'histoire de son sport.

Maho Bah-Villemagne participe à l'Open Boxing de Marseille

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L'homme caché en elle

Son prénom était Margaux. Longtemps, elle s'est cachée. Fait le dos rond. Pas de vagues dans ce monde de testostérone où la virilité est élevée au rang de valeur cardinale. Très tôt, la jeune boxeuse "s'est sentie homme ; un sentiment irrépressible, qui ne s'explique pas" décrit Maho. "Ce n'est pas un choix, ça nous arrive sans qu'on le veuille". Mais pas question de le révéler, encore moins d'envisager la transition. "J'avais trop peur de devoir arrêter la compétition". La boxe, c'est sa passion dévorante, sa bouée de toujours.

Toute ma vie, j'ai voulu rester dans le placard, me cacher

Maho Bah-Villemagne, boxeur transgenre

Maho, en 2019

La boxe, un combat contre l'injustice

Dans son Var natal, Maho Bah-Villemagne n'a pas découvert la boxe par hasard. Entre une mère toiletteuse, un père marabout guinéen, et ses nombreuses petites copines "mais pas vraiment de petits copains", il confie avoir toujours été "un peu en colère contre les injustices".

Et puis il y a eu cette agression à la sortie d’une discothèque niçoise autour de ses vingt ans. À cause de son orientation sexuelle. "Je me suis rendu compte que je ne savais pas me battre". Ni une ni deux, la jeune fille entre dans une salle de boxe. Elle, puis il, n'en est jamais vraiment ressorti.

La boxe, ça a été le coup de foudre, l’amour de ma vie

Maho Bah-Vilemagne, boxeur trans

L'autre combat : s'accepter soi-même

Alors pendant 10 ans, Maho Bah-Villemagne boxe, et boxe encore. Comme dans une chanson de Claude Nougaro. Le ring devient sa maison et le Refuge sa famille, cette petite salle au cœur du quartier du Panier qui abrite le Collectif Boxe Massilia sa famille. Dont il est aujourd'hui président.

Le Collectif Boxe Massilia, où s'entraîne Maho Bas-Villemagne

À force de travail et d'efforts, la boxe le construit tout entier. Avec une trentaine de combats féminins à son actif, Maho prend confiance dans sa technique. Sa colère ne le quitte pas ? Il apprend à la canaliser. Et accepte d'écouter cette petite voix intérieure qui lui impose d'affirmer son identité. "Derrière les gants, je me suis masculinisé".

Il y a un moment où soi-même est plus fort que tout

Maho Bah-Villemagne, boxeur transgenre

Schizophrénique

À 30 ans, désormais homme dans sa vie privée aux côtés de sa petite amie, Maho supporte de plus en plus difficilement d'être toujours une femme sur le ring. À Noël 2022, la finale femme des Championnats de France amateur, qu'elle perd contre Wassila Lkhadiri, est la goutte de trop. "J'entendais le speaker parler des 'filles', et je ne me reconnaissais pas". Sa décision est prise.

J’avais l’impression de vivre une double vie. C’était schizophrénique

Maho Bah-Villemagne, boxeur transgenre

Double transition

Après un an de démarches, Maho Bah-Villemagne remporte sa première manche en décembre 2023. Nouvelle carte d'identité, la France le reconnaît comme homme. "Un beau cadeau de Noël". Reste la seconde bataille pour le champion de France militaire et vice-champion de France amateur, catégorie femme : boxer chez les hommes. La Fédération française lui délivre le graal en mai 2024.

Il est désormais intégré au championnat masculin amateur. Et passera professionnel homme après cinq combats. En espérant gagner le soutien des boxeurs et boxeuses. "Si eux me valident, j'ai tout gagné".

Une icône dans le sport

"Oubliée, les "Maho le monstre" et autres sobriquets. En quelques mois, le boxeur devient le porte-drapeau de la reconnaissance des transsexuels dans le sport : "D’autres fédérations nous contactent, il faut faire parler de nous pour que la cause LGBTQIA+ avance" s'enthousiasme Maho, décidé à ne pas laisser le monde changer sans lui. "Je porte le poids du changement sociétal sur mes petites épaules. Mais je le vis plutôt bien car je le fais pour les autres". 

Toujours révolté

Le boxeur n'a pas perdu sa détestation des injustices, révolté par le lynchage des réseaux sociaux contre la boxeuse trans Imane Khelif lors des JO Paris 2024.

"Se faire traiter d'homme, c'est hyperviolent" s'emporte Maho Bah-Villemagne. "Moi aussi, durant toute ma carrière féminine, j'ai redouté qu'on me considère comme un homme".

Aux JO, Imane Khelif a vécu mon cauchemar

Maho Bah-Villemagne, boxeur trans

Premier combat "d'homme à homme"

Devant ses sacs de frappe, Maho s'entraîne plusieurs heures par jour. Après deux rencontres avortées, pour la première fois, il va enfin pouvoir combattre d'homme à homme, contre Evan Ferrandi, "un petit jeune" de 18 ans originaire lui aussi du Var. Et affiche la couleur : "j'y vais pour gagner !"

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Des adversaires effrayés

"Je suis allé espionner le mec sur ses réseaux. J'ai vu qu'il republiait les articles me concernant". Maho pousse un "ouf" de soulagement. Le duel des moins de 54 kg, cette fois, aura bien lieu ; trois rounds de trois minutes chacun. Par deux fois déjà, ses adversaires désignés ont jeté l'éponge quelques jours avant le combat prévu. Peut-être effrayés par l'idée de devoir boxer un adversaire qui fut une femme, "et que ça nuise à l'image de leur virilité" analyse-t-il. "Maho le monstre" n'est pas encore tout à fait effacé.

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