Pour la première fois de l'histoire de la boxe en Europe, Maho, un boxeur transgenre, a obtenu une licence en tant qu'homme. Voici quatre choses à savoir sur son premier combat officiel contre un homme ce samedi 31 août 2024.
Il est né femme. Et avait une licence de boxeuse. Puis il a changé de genre à l'état civil, avant d'obtenir une licence de boxeur. Maho Bah-Villemagne est le premier boxeur transgenre en Europe qui va combattre en tant qu'homme contre un homme. Ce sera le 31 août 2024, lors du gala Claude Faure, dans la mairie des 15 et 16ᵉ arrondissements de Marseille.
À l'heure où les polémiques et débats autour des questions de genre, transidentité et testostérone enflamment les réseaux sociaux suite à l'abandon de la boxeuse italienne Angela Carini face à l'algérienne Imane Khelif lors des jeux olympiques, France 3 Provence-Alpes fait le point sur les quatre choses à savoir sur ce combat inédit.
Tests de testostérone
Maho Bah-Villemagne doit tester son taux de testostérone avant de combattre. Habituellement, le boxeur marseillais rappelle que ces analyses ne s'effectuent que lors de compétitions de très haut niveau. Dans son cas, il s'agit de prouver qu'il peut combattre contre un homme.
Je n'ai jamais été professionnel, donc je n'ai jamais eu à faire ce genre de tests. Là, il va falloir que je prouve, par mes hormones, que je suis bien un homme. Pour autant, il y a toute une partie de la population qui n'a pas un taux dans la moyenne et qui se situe donc entre deux. Le taux peut varier énormément d'une personne à une autre. C'est une question complexe.
Maho Bah-Villemagne, premier boxeur transgenre licencié en EuropeFrance 3 Provence-Alpes
Son taux de testostérone doit être assez élevé pour être considéré comme un homme, mais pas trop non plus pour ne pas être assimilé à du dopage.
La question des seuils créée forcément une tranche entre deux. "Ça peut être mon cas. Ou celui de la boxeuse algérienne Imane Khelif par exemple. Dans ce cas-là, que fait-on ? Les hormones ne suffisent pas à définir le genre", s'interroge Maho. Le boxeur a déjà réalisé ses tests et attend qu'ils soient analysés.
Une question reste en suspens : la fédération va-t-elle demander de tester aussi le boxeur en face de Maho ? Pas de réponses pour l'instant. "C'est normal, je suis un cas d'école", tient à rappeler Maho.
Les boxeuses affrontent toujours des boxeurs
Aussi, le boxeur marseillais explique que ce n'est pas la première fois qu'il va combattre contre un homme. "En tant que femme, j'ai boxé contre des hommes toute ma vie".
Les gens ne se rendent pas compte qu'il y a tellement peu de boxeuses, que l'on se retrouve forcément toutes à boxer contre des hommes à un moment donné.
Maho Bah-Villemagne, premier boxeur transgenre licencié en EuropeFrance 3 Provence-Alpes
Alors Maho ne dit pas qu'il a peur, mais plutôt qu'il subit beaucoup de pressions. "Tout le monde me demande si je redoute de perdre, si j'ai peur tout court. Je suis juste excité de me battre contre un homme officiellement." Deux mois avant ce combat, le 22 juin, son club de boxe a organisé un combat entre lui et un boxeur lors du gala de fin d'année. "Il pesait 60 kilos. J'ai dominé les trois rounds. Ça s'est très bien passé", se souvient Maho.
Sa plus grande peur est la réaction des gens et des journaux, explique-t-il. "Dans tous les cas, ils vont parler. Si je perds, on va dire que je serai toute ma vie une femme. Si je gagne, on va dire que j'ai triché parce que je suis dopé à la testostérone".
Quelques combats contre des femmes comptabilisés
Avant sa transition, Maho avait 25 combats à son actif. Il était alors dans la catégorie "élite". En changeant de genre sur sa carte d'identité et sur sa licence, il pensait repartir à zéro. Surprise : la fédération de boxe le licencie en tant qu'homme ayant déjà combattu entre 5 et 10 fois. C'est ce qu'on appelle le "middle élite".
"Tous mes anciens combats ne sont pas reconnus, c'est normal, mais au moins, je ne vais pas me battre contre des tout débutants." Son rival du 31 août est un Lyonnais qui a déjà un peu moins d'une dizaine de combats à son actif.
J'ai tellement peur qu'il déclare forfait. C'est assez courant de déclarer forfait avant un combat. D'autant plus qu'il va voir dans les médias que je suis trans. Il va comprendre qu'il y aura probablement des caméras et des journalistes ce jour-là. J'espère vraiment qu'il viendra.
Maho Bah-Villemagne, premier boxeur transgenre licencié en EuropeFrance 3 Provence-Alpes
Lors de ses prochains combats, Maho espère concourir en tant qu'homme tout simplement. Il ne souhaite pas que sa transidentité soit révélée à chaque fois. "Il y a toujours cette question compliquée : est-ce que je visibilise ou est-ce que je cache ? Pour ce premier combat, je n'ai pas le choix, tout le monde sait déjà."
Pour combattre contre un homme, il fallait avoir un pénis
Heureusement, personne ne va regarder ce qu'il a entre les jambes, développe-t-il. "Ça n'a pas toujours été le cas", tient-il à rappeler. Jusqu'ici, il était beaucoup plus difficile pour une personne transgenre de concourir dans la catégorie de son nouveau genre, précise le boxeur. "En France, pour avoir une carrière masculine, il fallait prouver que tu avais un pénis. Ça bloquait les portes à beaucoup de trans".
Aux Etats-Unis, Patricio Manuel (cinq fois champion national de boxe amateur, ndlr) a dû changer de sexe pour pouvoir boxer dans la catégorie homme.
Maho Bah-Villemagne, premier boxeur transgenre licencié en EuropeFrance 3 Provence-Alpes
Maho conclut : "heureusement désormais le changement de genre sur la carte d'identité suffit à changer de catégorie en boxe, en France". Une avancée dont Maho est le tout premier à bénéficier.