L'ex-mari de la chanteuse Souad Massi est jugé jusqu'au vendredi 3 mars devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence pour avoir tenté d'assassiner leurs deux filles tout en essayant de se suicider.
Elle avait 11 ans au moment des faits, Nora * en a 17 aujourd'hui. Son père, l'ex-mari de la chanteuse Souad Massi comparaît depuis le mercredi 1er mars devant les jurés de la cour d'assises à Aix-en-Provence pour avoir tenté de la tuer avec sa soeur de 6 ans, en mars 2017.
"Les souvenirs (que j'ai) de mon père ont disparu", a déclaré la jeune fille qui le revoyait pour la première fois depuis six ans. L'adolescente assure n'avoir "pas beaucoup de souvenirs" de lui, ni de l'époque où la famille vivait à Paris, ni après leur déménagement en 2015 à Bouc-Bel-Air, entre Marseille et Aix-en-Provence.
Sur le banc des assises des Bouches-du-Rhône, l'accusé couve du regard ses filles. Il n'a eu aucun contact avec elles --ces contacts étaient du reste interdits par son contrôle judiciaire-- depuis ce jour où les pompiers les ont sauvées in extremis dans leur maison provençale.
Prévenus par leur mère, après que celle-ci a reçu un coup de fil menaçant de son mari - "Tu vas comprendre ce que veut dire le mot souffrir", lui lance-t-il, dans un contexte marqué par la volonté de divorce de Souad Massi--, les secours avaient découvert les filles du couple, inconscientes. Leur père leur avait fait ingérer des médicaments. Derrière un fauteuil, une grosse bouteille de gaz se vide en sifflant.
"J'ai beaucoup souffert de ce qu'il a fait."
Nora, 17 ans
Inanimé également, le père git sur le sol du salon, portant des plaies à l'avant-bras gauche. A proximité, une cigarette à demi-consumée est tombée au sol, où un combustible pour chauffage d'appoint a été répandu en grande quantité, sans prendre feu.
Une tentative de suicide à 13-14 ans
"J'ai beaucoup souffert de ce qu'il a fait", euphémise à la barre Nora, qui évoque ses cauchemars, cette année où elle n'a "rien pu faire", sa tentative de suicide à 13-14 ans. Sur le banc, le "super papa" décrit par certains témoins écoute, tête baissée. Chemise blanche sous un pull pâle, lunettes à fine monture, il tente d'interpeller sa fille Nora, mais est vite rappelé à l'ordre par la présidente.
Avant sa fille, Souad Massi, toute de noir vêtue, a raconté d'une voix posée leur histoire. "J'ai connu M. Z., je l'ai aimé", se rappelle-t-elle. Elle est une cousine éloignée de sa première épouse, avec laquelle il eu trois autres enfants. Dans des témoignages rapportés par la directrice d'enquête de la gendarmerie, leur relation est à ses débuts décrite comme "passionnelle".
Embauché comme manager par sa femme - "un pseudo-rôle, il ne connaissait rien au métier", résume Jean-René Zapha, un musicien proche de la famille -, il la suit un temps sur ses tournées. Mais après la naissance de leurs deux filles, il finit par rester à la maison pour s'occuper d'elles. "Ça a créé une scission", estime M. Zapha devant la cour. Les relations du couple se détériorent encore après la révélation d'une relation adultérine d'Abellatif Z. avec la babysitter des fillettes. "J'ai essayé de trouver une solution pour sauver mon couple, on a cherché une maison dans le Sud, je pensais que ça allait marcher", se souvient Souad Massi. Mais rien n'y fait. A l'été 2016, elle lui dit vouloir divorcer.
"J'ai vécu des moments de terreur."
Souad Massi, ex-épouse de l'accusé
Abdellatif Z. tente de se suicider, consomme de plus en plus d'alcool, se fait menaçant. "Son comportement a changé", se souvient *Samia, 12 ans, qui a déposé après sa soeur. "J'ai vécu des moments de terreur", résume de son côté la chanteuse. Le soir du drame, en prévenant les secours après le coup de fil d'Abdellatif Z., elle sauve ses enfants: "Ça s'est joué à quelques minutes", a assuré devant la cour un pompier intervenu en 2017 à Bouc-Bel-Air, en évoquant la quantité de gaz présente dans la chambre où étaient les fillettes, qui aurait été fatale quelques instants plus tard.
L'accusé comparaît libre après avoir passé huit mois en détention provisoire, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le procès doit s'achever vendredi.
* Les prénoms des victimes mineures ont été modifiés
(avec AFP)