Témoignage. "Gros crédits", petites vacances et diversification : le quotidien de Clément, jeune agriculteur producteur de foin près d'Arles

Publié le Écrit par Annie Vergnenegre

Les agriculteurs ont continué d'exprimer leur colère ce mardi dans toute la France et d'autres opérations sont prévues cette semaine en Provence. Clément Lajoux, jeune producteur de foin, sera de la mobilisation.

"Bien sûr, il y a de la colère, mais c'est surtout de l'épuisement". Clément Lajoux est trésorier des Jeunes Agriculteurs. Jeudi 25 janvier au matin, il sera à Salon-de-Provence avec son tracteur pour bloquer l'autoroute, comme un peu partout en France ces derniers jours. "C'est un ras-le-bol, c'est plein de petites choses qui ne vont pas, qui nous ont saignés et aujourd'hui, on ne peut plus supporter ça", explique-t-il.

Le jeune homme n'est pas issu du monde agricole. Il y est venu par sa passion d'enfants pour les poules. Il a commencé par vendre quelques œufs d'abord, a continué en élevant des poulets en liberté et des chapons. Des volatiles, il est ensuite passé aux ovins. "Mon père avait une quinzaine d'hectares sur lesquels il avait ses chevaux pour le loisir, je lui ai tout racheté", raconte-t-il.

Trente-cinq hectares de foin de Crau

L'adolescent se forme d'abord en lycée agricole puis passe un BTS de transport. En 2016, il crée son exploitation. Aujourd'hui, il a 80 têtes de brebis des Cévennes et une dizaine de chevaux lipizzan. A 33 ans, heureux papa d'une petite Tina née le mois dernier, il est à la tête d'un domaine de 35 hectares de prairies en foin de Crau, AOP bio, qu'il livre dans toute la France et en Europe.

Mais pour s'en sortir, Clément Lajoux fait aussi du négoce de produits agricoles. "La partie production est rentable, mais avec ce que l'on connaît, c'est quand même compliqué de vivre uniquement de ça".

On ne peut plus vivre uniquement de l'agriculture malheureusement par les temps qui courent.

Clément Lajoux, producteur de foin de Crau

France 3 Provence-Alpes

Le négoce lui "permet d'investir dans le matériel de l'autre". "Si demain, je décide d'arrêter complètement la partie négoce pour me consacrer uniquement à la partie agricole qui me plaît, il me restera moitié moins de gains", dit-il. 

Clément emploie un salarié à l'année et un en renfort pour la saison du foin. C'est son épouse, laborantine de formation, qui s'occupe du secrétariat de l'exploitation.

Son quotidien raconté sur Instagram

Les journées du jeune agriculteur sont bien remplies. En plus de s'occuper des bêtes et de la production, il fait les livraisons. Ce mardi, il est justement de retour de Dordogne. "En Espagne ou en Italie, ce n'est plus moi qui y vais maintenant, pour me consacrer à ma famille, je fais affréter des camions, j'ai décidé de rester régional".  

Sur Instagram, le compte "1jour, 1nuit, 1agri" rapporte en photo le quotidien de douze agricuteurs, dont celui de Clément Lajoux. 

Clément Lajoux ne prend pas toujours de jour de repos ou de vacances, "mais, c'est pas grave, dit-il, parce que c'est ma passion". Une passion pour laquelle il a fait de "gros crédits" qu'il rembourse encore, ça lui a permis de passer de cinq salariés à deux pour la production, "ça a été un choix", parce que "ça devient de plus en plus compliqué de trouver des personnes compétentes même en les payant". 

"S'il fallait payer un loyer, on n'y arriverait pas"

Avec le négoce, en moyenne, Clément Lajoux sort "20 000 euros en revenus perso par an", mais dès qu'il le peut, il réinvestit dans sa structure, "parce que c'est ma vie", dit-il. "Depuis un an, avec la naissance, ma femme n'a plus de salaire qui rentre. Heureusement, j'ai pu me faire une petite maison et elle est payée, ce n'est pas un gros truc, mais s'il fallait payer un loyer ou un crédit, c'est sûr qu'on n'y arriverait pas", confie le jeune agriculteur.

Clément Lajoux est mobilisé sur le mouvement en cours parce que pour lui la situation est devenue intenable. "En vendant mon foin aux agriculteurs, je n'ai jamais eu autant d'argent dehors, je n'ai jamais fait autant le banquier pour permettre à des éleveurs de donner à manger à leurs bêtes".

Un éleveur qui vient me voir et me dit je n'ai pas de sous, est-ce que je peux te payer dans six mois, je ne vais pas lui dire non et laisser crever de faim ses animaux.

Clément Lajoux

"La quasi-totalité des éleveurs et des fermiers vivent presque exclusivement de la PAC [politique agricole commune], c'est pas normal, on ne peut pas ramasser les miettes de pain comme ça. ll faut qu'à l'avenir, il y ait un coût juste sur le travail fourni".

Ne plus subir la pression des grandes surfaces

Certains agriculteurs ont le couteau sous la gorge. "J'ai des amis vignerons qui se font saisir du matériel parce qu'ils n'arrivent plus à payer les crédits bail, alors que normalement, c'est une filière qui gagne de l'argent et là ça ne va plus du tout", s'alarme-t-il. 

Ce que Clément demande, c'est de pouvoir vivre de son métier. "Si on nous laissait un peu plus tranquille, qu'on arrêtait de nous harceler sur l'administratif et qu'on arrivait à vendre nos produits le prix qu'on veut, sans subir la pression des grandes surfaces et des centrales d'achat, on arriverait à s'en sortir. "

Quand on demande à Clément Lajoux comment il se projette sur l'avenir de son exploitation, il répond qu'il est "inquiet" mais il sait qu'il pourra toujours s'en sortir en vendant son matériel qu'il a presque fini de payer. "Si vraiment, il y a souci, tant pis, je vendrai tout et je ferai autre chose. Par contre, je ne vendrai pas mes terres, ça c'est sûr et certain", conclut-il. 

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