En cinq ans, les efforts des ex-salariés de Fralib pour redémarrer leur entreprise de thés et d'infusions ont porté leurs fruits. Face au succès, ils se heurtent aujourd'hui à un problème de trésorerie et recherchent un financement.
Après 1.336 jours de conflit avec le groupe Unilever, les ex-salariés de Fralib à Gémenos ont réussi à sauver leur usine et 76 emplois. En 2014, ils ont créé une Société coopérative ouvrière et participative (SCOP), une entreprise où tous les employés participent aux décisions et touchent le même salaire par catégories professionnelles.
Cinq ans ont passé, l'entreprise s'est développée, passant d'un chiffre d'affaires de 460.000 euros la première année, à près de quatre millions d'euros cette année.
Un succès obtenu notamment avec les thés et infusions bio sous les marques "1336" (en référence au nombre de jours de conflit) et "Scop-Ti" (pour Société coopérative ouvrière et participative Thé et Infusion), mais aussi avec le développement de marques distributeurs.
"15 à 18 mois avant un début de retour sur investissement"
Pour arriver à l'équilibre financier, la société doit se développer et remporter des marchés et pour y répondre, il faut de la trésorerie."Il faut entre 15 et 18 mois entre l'appel d'offre et le début du retour sur investissement", explique Olivier Leberquier, le président de Scop-Ti. "Il y a les études à réaliser pour le client, l'achat des matières premières et la fabrication de trois mois de stock. Tout ça, c'est à la charge de l'entreprise".
La coopérative est donc à la recherche de financement et les banques se montrent plutôt frileuse. Dans le cadre de l'esprit humaniste de l'entreprise, Scop-Ti a lancé une grande campagne de sociofinancement sur leur site internet.
Au 2 juillet, 2.399 personnes ont participé, pour un montant total de 290.374, 41 euros. "Nous espérons que rapidement, nous n'aurons plus besoin de ce financement" ajoute Olivier Leberquier.
D'autres sources de financement sont aussi envisagées, comme la prise de fonds par des mutuelles, c'est déjà le cas de deux d'entre elles. "Nous n'utilisons que 20% des capacités de l'usine, nous souhaitons vendre une partie de nos équipements inutilisés", indique également Olivier Leberquier, "ce qui nous permettrait d'obtenir de la trésorerie".
Sans être donateur, il est également possible de participer à la campagne de sociofinancement en achetant des produits directement en ligne, sur le site internet.
Aujourd'hui, Scop-Ti emploie 41 salariés à plein temps et depuis le départ d'Unilever en 2014, la coopérative a permis à 23 ex-Fralib de partir à la retraite à taux plein.
1.336 jours de conflit social
Les thés de la marque "Elephant" étaient fabriqués à l'usine Fralib à Gémenos depuis 1977. Fralib est alors une société du groupe multinational Unilever.Le 28 septembre 2010, Unilever annonce le projet de fermer l'usine de Gémenos et de transférer la production en Pologne. Les salariés et les organisations syndicales CGT et CFE-CGC se mettent aussitôt en grève et occupent l'usine, avec pour objectif de maintenir l’activité et ses 182 emplois.
Les dirigeants locaux de l'époque sont alors persuadés que la grogne se calmera en quelques semaines, mais c'est sans compter sur la solidarité des salariés et le charisme des leaders syndicaux.
Le 22 août 2011, lors de la campagne présidentielle de 2012, François Hollande vient soutenir les salariés. Devenu président de la République, il reçoit les représentants des salariés à l'Elysée.
Au cours de ce long conflit social, l'idée de la création d'une Société coopérative ouvrière et participative germe. Les salariés réclament la cession de la marque "Elephant" et un accord de sous-traitance avec Unilever.
Finalement, en mai 2014, après trois plans sociaux annulés par la justice et 1.336 jours de conflit, un accord est trouvé. Unilever ne cède pas la marque "Elephant", mais cède les machines pour un euro symbolique et participe au financement de la création d'une SCOP, la SCOP-TI, à hauteur de 2,85 millions d'euros.
L'histoire d'un beau retour industriel
Aux 2,85 millions d'euros versés par Unilever pour la création de la SCOP, 58 anciens salariés investissent leurs indemnités de licenciement, soit 177.000 euros. Scop-Ti naît avec un peu plus de trois millions d'euros.Pour se démarquer des géants du secteur et pour respecter l'esprit humaniste des débuts, les salariés favorisent la relance de la production à partir d'une matière première locale et biologique. Le thé est vendu sous la marque "1336", en référence au nombre de jours de conflit.
En 2016, la coopérative se lance dans la production sous marque distributeur. Ce marché assure une commande de 250 tonnes. Mais les salariés souhaitent conserver une production aux arômes naturels et bio sous leur marque "1336" et "Scop-Ti".
Depuis, Scop-Ti a continué à se développer et s'apprête à multiplier par dix son chiffre d'affaires. L'entreprise prévoit un équilibre financier en 2020, si elle obtient suffisamment de trésorerie...