Sommeil : un adolescent sur deux ne dort pas assez, un spécialiste nous explique pourquoi

Une étude publiée le 13 février révèle que la moitié des adolescents français souffre d'un déficit de sommeil, équivalant à une nuit manquée par semaine. Le Dr Marc Rey, spécialiste du sommeil nous explique pourquoi.

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Un adolescent sur deux dort en moyenne sept heures par nuit, quand les besoins estimés pour cette tranche d'âge se situent plutôt autour de neuf heures. C'est ce que montre une étude inédite, publiée le 13 février par la Fondation Vinci Autoroutes et la Fédération Nationale des Ecoles de Parents et des Educateurs (Fnepe), faisant apparaître un déficit chronique équivalent à une nuit complète de sommeil perdue chaque semaine.
La qualité de vie des jeunes, leur humeur, les résultats scolaires et les performances sportives en sont fortement impactés. En découle également, un "jet lag social", un décalage qui fait son lit dans les habitudes de vie prises dans l'enfance.

L’étude fait apparaître clairement un lien entre le rythme de sommeil des adolescents et celui des autres membres de la famille, pointant la dimension parentale du problème. France 3 Provence Alpes a posé quatre questions au docteur Marc Rey, président de l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV), qui organise la 23e journée nationale du sommeil le 17 mars partout en France.

France 3 Provence-Alpes : En quoi le sommeil est une affaire de famille ? 

Dr Marc Rey : "Quand les enfants naissent, ils ne savent pas dormir, au même titre qu'ils ne savent ni manger, ni marcher. Le rythme "veille-sommeil" va se mettre en place progressivement. Il est aujourd'hui certain que le sommeil se transmet de la mère à l'enfant. Nous avons constaté qu'entre trois et 10 ans, les parents prennent pour habitude de coucher leurs enfants plus tard le week-end. Ce qui va s'accentuer avec l'adolescence. On leur dit : "tu as le droit de te coucher à quatre heures du matin, parce que demain tu n'as pas classe", mais en réalité, à ce moment-là, naît un décalage qui ne se rattrape pas."   

Pourquoi l'adolescence est-elle un cap critique à passer en matière de sommeil ?

"A l'adolescence, des rythmes nouveaux surviennent, avec l'apparition des hormones sexuelles qui retentissent sur le sommeil. En parallèle, c'est la grande période de la remise en cause de ce qu'ils ont appris durant l'enfance.

Il faut parler du sommeil comme de quelque chose d'agréable, qui permet de faire des rêves et de prendre du plaisir.

Dr Marc Rey, président de l'INSV

Et notamment, de la culture du sommeil dont les parents sont référents. C'est le bon moment pour revaloriser le sommeil. Si on leur dit que c'est une perte de temps, que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors qu'ils n'arrivent pas à se lever, c'est contre-productif ! Par ailleurs, rendre le sommeil obligatoire chez le jeune alors que par essence un adolescent rejette les contraintes, ca ne va pas marcher. Il faut parler du sommeil comme de quelque chose d'agréable, qui permet de faire des rêves et de prendre du plaisir."

Les parents sont-ils responsables si leur ado ne dort pas assez ? 

"Il est très important de ne pas culpabiliser les parents. Ce problème est celui d'une société qui est très agressive envers le sommeil, par exemple en favorisant le travail en horaires décalés. Quand un parent rentre à 21 h ou se lève à 4 h du matin, comment faire pour dormir correctement ? C'est la société qui malmène le sommeil ! Quand le gouvernement autorise l'ouverture des magasins jusqu'à minuit, cela induit que des gens vont travailler et se coucher après minuit, que des clients seront incités à consommer sur leur temps de sommeil. Les décisions politiques et sociales sont au cœur de cette question. Et cela fait 20 ans que l'on se bat en espérant revenir en arrière." 

Dans d'autres cultures que la nôtre, il n'existe même pas de terme pour désigner une insomnie, tandis que nous comptons 10% d'insomniaques dans notre société.

Dr Marc Rey, président de l'INSV.

Que faire pour redonner le sommeil à nos adolescents ? 

"Revaloriser le sommeil, lui redonner ses lettres de noblesse. Il faut expliquer aux jeunes que le sommeil est utile, qu'il aide notamment à consolider les connaissances. C'est ce que démontre la professeure de neuropsychologie, Stéphanie Mazza, qui est membre du comité scientifique de l'Education nationale. Elle prépare par ailleurs une expérience pour prouver l'intérêt de décaler l'horaire de début des cours le matin pour les lycéens et les étudiants. Cela permettrait de limiter le "jet lag social", ce fameux décalage des ado, et de réduire leur dette de sommeil." 

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