Troubles du sommeil : les jeunes de plus en plus accros à la mélatonine, quels sont les risques ?

En vente libre, la mélatonine séduit de plus en plus de jeunes qui cherchent une solution pour mieux dormir. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. Y a-t-il un risque pour la santé ? Des spécialistes nous répondent.

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Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. Sur Instagram, sur TikTok, sur Twitter... on voit des jeunes se photographier ou se filmer, se vantant de prendre de la mélatonine pour réussir à s'endormir. Parfois en raison du stress lié à leurs études, parfois après une longue session de jeu en ligne ou de révisions.

"Je suis en train de devenir accro à la mélatonine", déplore une jeune femme. "Vite que j'achète mes gummies de mélatonine", s'impatiente une autre.

Parfois, les consommateurs qui se mettent en scène se vantent de dépasser largement les doses recommandées. Comme dans cette vidéo vue par plus de 15 millions de personnes. Un jeune homme ingurgite d'un coup d'une dizaine de "gummies" et se met en scène tentant de lutter contre le sommeil.

Les "gummies", ce sont ces gommes aromatisées, semblables à des bonbons à la myrtille ou autres fruits des bois selon les marques. Elles sont supposées améliorer le sommeil de leurs consommateurs.

Dans la composition de ces "gummies", des plantes aux vertus apaisantes et une hormone de synthèse, la mélatonine. Présente naturellement dans notre organisme, elle permet de réguler les phases de sommeil.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux utilisateurs témoignent en consommer au quotidien. Jusqu'à ne plus pouvoir s'en passer pour s'endormir. "L'histoire de ma vie c'est de devoir acheter de la mélatonine pour dormir", écrit Ludivine sur Twitter. "J'ai pris la mélatonine à minuit et demi aujourd'hui, eh ben nickel. (...) C'est incroyable, j'aurais dû prendre ça il y a 10 ans", assure @KrysaliaH sur le réseau au petit oiseau bleu.

En vente libre

Autorisés depuis 2012 à la vente libre, les compléments alimentaires à base de mélatonine ne doivent pas dépasser un dosage de deux milligrammes. Pour Fabrice Thoin, somnologue et cardiologue aux cliniques Bouchard et Bonneveine à Marseille, leur utilisation ne devrait pas poser de problème particulier.

"Il n'existe pas encore d'étude complète sur ces compléments alimentaires. Mais les données qui arrivent sont rassurantes." La mélatonine utilisée dans les "préparations magistrales", vendues en pharmacie et sur ordonnance a par contre été bien étudiée. "Il n'y a pas d'effet secondaire notable même chez les enfants", assure Frédéric Thoin.

Les autorités sanitaires recommandent tout de même la vigilance, face à ce manque de données scientifiques validées. Elles recommandent également de repérer sur l'emballage du produit le taux de mélatonine. Un milligramme avant le coucher pour réduire l'endormissement, 0,5 mg pour réduire les effets du décalage horaire lors d'un voyage en avion.

Pour Frédéric Thoin, si prescrire de la mélatonine a du sens pour le traitement de certaines pathologies du sommeil, elle n'a que peu d'intérêt pour la plupart des patients.

"Dans les cas d'insomnies aigues qui durent moins de trois mois, il y a des actions à mettre en place, pour améliorer l'hygiène de vie." Le spécialiste propose notamment la pratique sportive, la méditation ou encore ne pas dormir dans une chambre trop chauffée.

Pour celles et ceux qui perdent durablement le sommeil, "il ne faut pas laisser la situation s'installer." Mais là encore Frédéric Thoin ne prescrit pas de médicaments en première intention. "On va d'abord diriger le patient vers une thérapie cognitive ou comportementale, puis s'assurer qu'il n'y a pas d'apnée du sommeil."

Pour lui, les compléments alimentaires ne sont pas à diaboliser.  "Une fois de temps en temps pourquoi pas. Prendre un médicament pour traiter le manque de sommeil c'est un échec."

Un avis que partage Stéphane Pichon, président de l'ordre des pharmaciens Paca-Corse. "Il m'est arrivé de prendre de la mélatonine. Mais en réalité la majorité de nos problèmes de sommeil viennent de nos modes de vie."

Visionnage de séries qui s'achève tard dans la nuit, téléphone en main jusque sous la couette : pour lui, les écrans qui nous entourent sont les meilleurs ennemis de notre sommeil. Il a remarqué une augmentation de la demande de ces produits après le confinement.

Des sprays et des inhalateurs

Aujourd'hui, plus de 700 références existent et les labos redoublent de créativité pour se démarquer. Outre les "gummies", on trouve des spray buccaux ou encore des inhalateurs qui ressemblent à de petites cigarettes électroniques.

Sur les réseaux sociaux, des influenceuses et influenceurs vantent les mérites de certains produits dans des vidéos.

"Tout le monde surfe sur la vague, les labos rajoutent de la mélatonine dans les produits phytothérapique pour détendre. C'est une question d’offre et de demande", observe Stéphane Pichon.

Selon une étude du laboratoire Sanofi, 34 % des personnes souffrant de problèmes de sommeil n'ont recours à aucun médicament. Autant de futur consommateurs potentiels.

De janvier à août 2022, le marché a gagné plus de 11 % en valeur, estime Sanofi. La gamme de compléments alimentaires à base de mélatonine de l'industriel est en progression de 7 % depuis le début de l'année.

Pour Frédéric Thoin, ces compléments alimentaires sont la promesse d'une "solution facile". Mais pas aussi efficaces qu'une bonne hygiène de vie sur la durée. 

Recaler son sommeil, c'est estime Stéphane Pichon, "plus facile à dire qu'à faire" face à la tentation que représentent les écrans qui nous entoure. C'est pourtant un geste santé efficace. Préserver son sommeil permet de prévenir le diabète et l'hypertension.

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