Sorti libre des bureaux de la gendarmerie parisienne, le maire d'Istres s'est exprimé devant la presse ce jeudi sur sa garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte notamment pour "association de malfaiteurs en vue de commettre les délits de prise illégale d’intérêts".
Le maire d'Istres, François Bernardini, "est allé pratiquement au bout de sa garde à vue", indique une source proche de l'enquête, contrairement aux autres protagonistes, qui ont été libérés plus tôt.
Depuis mardi 10 décembre, François Bernardini était placé en garde à vue, à la section de recherche parisienne de la gendarmerie à la demande du Parquet national financier (PNF), dans le cadre d'une enquête pour "association de malfaiteurs en vue de commettre les délits de prise illégale d’intérêts, de trafic d’influence par une personne chargée d’une mission de service public, de complicité et recel de ces délits".
Il a été libéré dans la nuit de mercredi à jeudi et a décidé de s'exprimer à l'occasion d'un point presse, ce soir à 17h, à la mairie d'Istres.
"Ceux qui attendaient avec beaucoup de la salive à la bouche, et même à travers des photos, des messages sur les réseaux sociaux, que je pouvais déjà avoir les menottes ou des oranges doivent être un petit peu maris puisque la situation n'est pas totalement celle qu'ils avaient prévu", nous a-t-il déclaré.
Les filles du maire entendues
Dans les locaux parisiens de la gendarmerie, le directeur général des services de la ville d'Istres et deux entrepreneurs ont également été placés en garde à vue.L'une des deux filles de François Bernardini a été entendue, mardi, par la section de recherche de la gendarmerie de Marseille. La deuxième fille du maire d'Istres, actuellement à l'étranger, sera entendue plus tard, peut-être pendant les vacances de Noël.
Le PNF s'intéresse de près à la gestion de la ville d'Istres (Bouches-du-Rhône) depuis trois ans. Une enquête préliminaire a été ouverte en octobre 2016 et en mars 2017, une trentaine de gendarmes avait perquisitionné la mairie durant toute une journée.
Et maintenant, la suite de la procédure ?
Le Parquet national financier (PNF) a ouvert une "enquête préliminaire". Contrairement à "l'ouverture d'une information judiciaire", il n'y a pas de désignation de juge d'instruction, pas de mise en examen et ni les protagonistes de l'affaire, ni leurs avocats, n'ont pas accès au dossier.
Il est donc normal que François Bernardini et les autres convoqués soient sortis libres et sans mise en examen.
Il s'agit d'une enquête "parquet", les gardes à vue ont permis d'auditionner les protagonistes, sur la base des documents saisis lors des perquisitions. À partir de maintenant, la section de recherche de la gendarmerie va analyser les auditions et pourra convoquer, si besoin, d'autres personnes.
A l'issue de l'enquête préliminaire, le PNF pourra décider, soit d'un "classement sans suite", soit d'une "citation directe" et transmettre à une juridiction de jugement, qui serait, dans ce cas, le tribunal correctionnel de Paris.
Soupçons d'entente sur les marchés publics
Dans cette affaire, les enquêteurs s'intéressent à des soupçons d'entente entre François Bernardini et deux entrepreneurs locaux, Philippe Cambon et Paulo Dias, dans le cadre de l'attribution de marchés publics sur la commune.Les deux entrepreneurs ont des liens avec la municipalité. Le premier, est le mari de Valérie Cambon, adjointe au maire, déléguée au tourisme et aux grands évènements et le deuxième, est le gendre d'Alain Aragneau, également adjoint au maire, délégué au transport et à la Sécurité civile.
La particularité du PNF, spécialisé dans ce type d'affaires est qu'il n'y a pas de désignation de juge d'instruction et que les avocats n'ont pas accès au dossier. Les seuls éléments en possession des protagonistes sont les rapports de la Chambre régionale de la Cour des comptes, qui ont épinglé la gestion, par son maire, de la ville d'Istres en 2017 et le SAN Ouest Provence.
Irrégularités dans le marché de la piscine
Les magistrats de la Chambre pointaient des pratiques douteuses dans l'attribution de marchés publics, comme notamment des irrégularités dans la passation du marché de la piscine d'Entressen. Cette piscine a été réalisée par la société de Philippe Cambon et par la société d'architecture de Paulo Dias.François Bernardini, ex-homme fort du PS des Bouches-du-Rhône dans les années 1990 a déjà été condamné en 2002 à 18 mois de prison avec sursis, cinq ans d'inéligibilité et 60 980 euros d'amende, dans une affaire d'abus de confiance.
Il a été réélu à la mairie d'Istres en 2008 et 2014 et il est à nouveau candidat à sa propre succession en 2020.